C’est l’histoire de deux Québécois qui sont parvenus, pour leur première réalisation et leur premier scénario, à recruter le célèbre acteur Sir Patrick Stewart. Un tour de force qui a donné naissance à Coda : Life With Music, un film québécois tourné en anglais en 2017, mais dont la sortie a été repoussée en raison de la pandémie.

Claude Lalonde (qui signe ici sa première réalisation) et Louis Godbout (c’était son premier scénario) ne sont certes pas inconnus dans le milieu. Le premier a scénarisé plusieurs titres à succès comme Les 3 p’tits cochons et 10 1/2, alors que le second s’est fait connaître en mettant en scène le long métrage Mont Foster et Les tricheurs qui prendra l’affiche au courant de l’été. Mais de là à convaincre l’éternel Jean-Luc Picard de Star Trek de se joindre à l’entreprise ?

« Claude connaissait Nicolas Comeau, qui a accepté de produire le film et qui avait un contact à Los Angeles, raconte en entrevue Louis Godbout. Quelques semaines plus tard, on recevait un document avec des acteurs potentiels. Tout le monde était là : Alan Alda, Christopher Walken, Sir Ben Kingsley et Patrick Stewart. »

Ce dernier s’est rapidement montré intéressé par le projet. À tel point qu’il tenait absolument à rencontrer le cinéaste. « Je suis allé le rejoindre en Angleterre et on a passé presque 24 heures à parler, évoque avec fébrilité Claude Lalonde. Il m’a fait découvrir la campagne. En revenant, il fallait que je me pince. Je suis allé chez lui, passer du bon temps en sa compagnie. J’ai vraiment vécu ça ! »

Pour le populaire comédien britannique de 81 ans, le désir de participer à cet opus est né de la force de l’histoire. « Le scénario de Louis était très accessible, riche et profond », dit-il lors d’une rencontre en vidéoconférence.

Nous explorions des thèmes importants comme la confiance, la bravoure, comment faire face au découragement et aux échecs, tout comme le fait de vieillir. C’est un département dont je sais beaucoup de choses !

Patrick Stewart

Dans Coda : Life With Music (Coda : La vie en musique en version française), Sir Patrick Stewart interprète un pianiste renommé de musique classique qui commence à souffrir de trac. La guérison passe par une rencontre avec une journaliste (incarnée par Katie Holmes : un duo insolite proposé par l’acteur lui-même) et un séjour de ressourcement à Sils-Maria, en Suisse.

Ce scénario résonnait particulièrement en lui, le poussant à se l’approprier. Le mythique professeur Xavier des X-Men n’a jamais souffert de trac lors de sa longue carrière au théâtre. Mais un malheureux épisode lui est déjà arrivé lors d’un tournage. « J’étais momentanément perdu mentalement, raconte-t-il. Lorsqu’on a crié action et que j’ai regardé le décor et les autres acteurs, je n’avais aucune idée de qui ils étaient et qu’est-ce qu’ils faisaient là. Heureusement, c’est passé très rapidement. »

La leçon de piano

Sir Patrick Stewart admet qu’il était en totale confiance sur le plateau, ce qui le poussait à s’investir davantage. « Claude est très empathique, ce qui est très important pour un réalisateur, souligne-t-il. Parce que des fois, comme acteur, on est dépendant des angles de la caméra, de la lumière, des réglages… Ce qui est essentiel, c’est l’émotion, qui peut parfois être négligée. Ce n’était pas le cas ici. Je me suis senti très soutenu. »

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Claude Lalonde et Louis Godbout

À tel point qu’il a pu s’éclater totalement dans la peau de ce pianiste de concert. « C’est une sorte de rêve et de fantasme que j’ai pu expérimenter, lance le sourire aux lèvres le grand mélomane. Je m’exprimais tout entier par le piano. C’était excitant. J’ai eu tellement de plaisir à faire ça ! »

Louis Godbout se rappelle d’ailleurs un certain dîner où il a invité la star chez lui pour répéter au piano. Le pianiste ukrainien Serhiy Salov, qui a interprété la musique du long métrage, y était, et le comédien l’observait attentivement.

« Comme Serhiy est un grand gaillard et que Patrick n’est pas très grand, il voulait avoir une vue du dessus pour obtenir la perspective du pianiste, mime le scénariste. Je suis allé chercher un escabeau que j’ai placé derrière Serhiy. Stewart est monté, lui a pris les épaules et regardait ses mains. Tu ne peux pas être plus dévoué à ton métier que ça ! »

À l’aise à la maison

S’il est venu régulièrement tourner à Montréal pour les besoins des films de la série X-Men, c’est la première fois que Patrick Stewart était pris en charge par une équipe francophone. « Ce fut très agréable », se remémore-t-il.

L’ambiance était au calme et à la sérénité, s’il faut en croire le réalisateur. Une retenue qui a permis au protagoniste de se plonger dans ce rôle complexe et exigeant. « Patrick était toujours celui qui était le plus préparé pour chaque scène, relate Claude Lalonde. S’il avait une suggestion à apporter sur une ligne ou un mot, il le faisait dans le plus grand respect. C’est quelqu’un qui est scrupuleusement respectueux de l’écrit. Ce n’était pas rare que l’équipe technique l’applaudisse après une scène. »

« Patrick me racontait entre deux prises que c’est bien beau, des films américains, les gros budgets et les gros chèques de paye, mais des fois, il passait 24 à 48 heures à attendre le go de la caméra, révèle Louis Godbout. Il fait une prise, ça dure 10 secondes, et il passe encore cinq heures à attendre. […] Je pense que ce tournage fut une expérience humaine qu’il a appréciée. »

Coda : Life With Music prend l’affiche vendredi.

Une version précédente de ce texte mentionnait que le pianiste Serhiy Salov avait composé la musique du film Coda : La vie en musique. Il l'a plutôt interprétée. Nos excuses.