(Paris) Presque trois ans après l’incendie de Notre-Dame, Jean-Jacques Annaud remonte le fil de la catastrophe et de la « cascade de dysfonctionnements » qui ont failli compromettre le sauvetage de la cathédrale, dans un film épique et ambitieux.

À 78 ans, le réalisateur oscarisé de La victoire en chantant (1976) et de La guerre du feu (1981) signe le premier film sur le désastre du 15 avril 2019, où Paris a failli voir le joyau gothique, en proie aux flammes, s’effondrer.

Thriller captivant et film catastrophe à la facture hollywoodienne, le film remonte des premières fumées en fin d’après-midi jusqu’à l’extinction complète du feu quinze heures plus tard, au prix d’un combat acharné des sapeurs-pompiers.

« Quand je me suis penché dans la documentation après l’incendie, je ne pouvais pas y croire alors que tout s’est révélé vrai… », confie à l’AFP Jean-Jacques Annaud, qui a eu accès aux éléments d’enquête et a interrogé les principaux intervenants.

« Du début à la fin, il y a eu une cascade de dysfonctionnements, de contretemps et d’obstacles absolument invraisemblables… », ajoute ce chantre du cinéma épique, qui a bénéficié du conseil technique et scientifique de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

Mégot ou court-circuit

L’enquête est toujours en cours, et la justice retient pour le moment deux pistes : un mégot ou un court-circuit, pour expliquer l’origine, accidentelle, du sinistre.

Notre-Dame brûle montre les deux : l’un des ouvriers du chantier de restauration fume, malgré l’interdiction, près de la « forêt » de poutres millénaires, tandis que des pigeons picorent les câbles électriques des cloches. Un peu plus loin, un soudeur provoque des flammèches près d’une bouteille de liquide inflammable abandonnée…

« Je ne fais pas l’enquête. Ce n’est pas le sujet de mon film. J’évoque les pistes telles qu’elles existent. J’ai fait un travail de journaliste en croisant les informations et témoignages. J’ai rencontré la plupart des intervenants sur l’incendie », jusqu’aux généraux des sapeurs-pompiers de Paris, ou au régisseur de Notre-Dame, Laurent Prades, ajoute Jean-Jacques Annaud qui publie le carnet du bord du film aux éditions Gründ.

Parmi les « faits invraisemblables », le cinéaste, qui a tourné notamment dans les cathédrales de Sens et de Bourges, en plus des impressionnantes scènes de feu reconstituées en studio, évoque tout aussi bien les défaillances de vérification des alarmes incendie, l’absence de surveillance vidéo dans la « forêt » ou les embouteillages parisiens qui ont ralenti les secours.

Sans compter plusieurs Vélib’ en panne — fait tout aussi avéré — qui ont retardé le retour précipité du régisseur, le seul à avoir sur lui la clé qui donne accès à la châsse de la « couronne d’épines », trésor de Notre-Dame sauvé de justesse.

« Le “gardien de levée de doute” chargé de vérifier la réalité d’un feu s’est dirigé vers les combles de la sacristie au lieu des combles de la nef… », observe encore le cinéaste.

« Amant »

Avec un impressionnant réalisme, Notre-Dame brûle met surtout en avant l’épopée des sapeurs-pompiers, luttant contre le feu alors que du plomb liquide dégueule des gargouilles depuis la toiture en feu, et tandis que les cloches, frappées par l’eau à haute pression, produisent une étrange mélodie.

Un « drame absolu » pour un cinéaste comme Jean-Jacques Annaud, qui explique ne pas être croyant, mais avoir « un grand respect pour la foi des autres » : « une vedette internationale d’une grande beauté (y) est attaquée par le plus charismatique des méchants : le feu ».

« J’aperçois Notre-Dame depuis mon balcon. Je lui parle souvent en l’appelant “ma chérie”. Je lui demande “comment tu vas aujourd’hui ?”. De toutes les actrices que j’ai eu la chance de diriger, Notre-Dame, toujours aussi belle, est sans nul doute la plus digne, mais aussi la plus fragile. Je suis heureux d’avoir pu croire, un bref instant, avoir été son amant ».