Alors que se déroulait la soirée de clôture au Berlinale Palast, l’équipe du Temps des framboises présentait au Zoo Palast les deux premiers épisodes de cette série attendue, sélectionnée dans la section Berlinale Series.

Il est toujours périlleux d’évaluer la qualité d’une série comportant 10 épisodes sans l’avoir vue dans son intégralité, mais si tout est à la hauteur de ce que nous avons pu découvrir dans les 88 premières minutes présentées à la Berlinale, Le temps des framboises devrait être l’une des séries incontournables de la prochaine saison télévisuelle.

Écrite par Florence Longpré (M’entends-tu ?) et Suzie Bouchard (L’œil du cyclone), d’après une idée originale qu’ont eue Philippe Falardeau et Florence Longpré, cette série distille un savant mélange de tonalités, à la faveur d’une trame dramatique construite autour du tourbillon dans lequel est entraînée Élizabeth (remarquable Sandrine Bisson) qui, à la mort subite de son mari, hérite de la ferme familiale.

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Sandrine Bisson offre une remarquable performance dans Le temps des framboises, une série écrite par Florence Longpré et Suzie Bouchard, réalisée par Philippe Falardeau.

Cette dernière n’a aucune expérience dans le domaine de l’agriculture, en plus d’avoir sur le dos une belle-famille un peu beaucoup intense (avec qui les relations ne sont pas véritablement harmonieuses), des travailleurs saisonniers venus d’Amérique latine (qu’elle ne connaît pas même si elle les côtoie depuis longtemps), sans oublier ses deux fils, un peu pris dans la tourmente. En passant, il semblerait que la signification du titre de la série n’est dévoilée qu’au tout dernier épisode…

Souvenirs de Berlin

À la Berlinale, un festival qu’il connaît bien pour y avoir présenté C’est pas moi, je le jure ! (Ours de cristal de la section Génération en 2009) et My Salinger Year (film d’ouverture en 2020), Philippe Falardeau est notamment accompagné par les deux autrices et quatre comédiens : Micheline Lanctôt, Edison Ruiz, Xavier Chalifoux et Elijah Patrice. Pour Micheline Lanctôt, il s’agit de retrouvailles avec une ville et un festival qu’elle n’avait pas revus depuis 1974, l’année où The Apprenticeship of Duddy Kravitz, film de Ted Kotcheff dans lequel elle tenait la vedette aux côtés de Richard Dreyfus, a remporté l’Ours d’or.

« J’en avais gardé le souvenir d’une ville triste et lugubre, où tout se passait dans la clandestinité, a commenté l’actrice. Ça n’est plus du tout ça ! »

De son côté, Philippe Falardeau apprécie le relatif anonymat dont il dispose cette année, dans la mesure, où contrairement aux films de la compétition, les séries sélectionnées dans le programme Berlinale Series ne bénéficient pas d’une grande couverture médiatique.

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Les autrices Suzie Bouchard (à gauche) et Florence Longpré avec le réalisateur Philippe Falardeau lors de la première mondiale de la série Le temps des framboises, qui a clôturé la section Berlinale Series au Zoo Palast de Berlin.

« Je retrouve un peu l’état d’esprit dans lequel j’étais en l’an 2000 quand je suis allé présenter La moitié gauche du frigo à Rotterdam. Je voyais comme un cadeau le simple fait que des spectateurs soient assis dans la salle. J’ai eu la chance d’aller voir un autre film à la Berlinale cette semaine et le plaisir qu’ont eu les spectateurs à voir du cinéma sur grand écran était palpable. Nous sommes d’ailleurs venus ici pour soutenir également cette espèce d’acte de résistance que fait la Berlinale en tenant une édition en vrai, même si l’aspect festif habituel est complètement absent. Ça redémarre et on veut être là ! »

Dans son allocution au public du Zoo Palast, le cinéaste québécois n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler à quel point l’art est aussi un service essentiel, même s’il ne figure pas dans les professions suggérées dans les documents que les Canadiens doivent remplir pour entrer et sortir du pays. « N’ont-ils rien appris ? Qu’est-ce qui nous a gardés sains d’esprit pendant le confinement, sinon les livres, la musique et les films ? Pourtant, nous avons toujours à en justifier le caractère essentiel. C’est le message qu’envoie la Berlinale cette année. »

Un ton particulier

Ponctuée par la très belle trame musicale de Martin Léon, fidèle complice depuis quelques films, Le temps des framboises est née d’une idée que le réalisateur de Monsieur Lazhar entretenait depuis longtemps, qui tournait autour des travailleurs saisonniers venus du Sud.

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Philippe Falardeau

« Ça me trottait dans la tête depuis l’époque de Congorama, en fait, indique Philippe Falardeau. J’ai ressorti cette idée quand les producteurs de Trio orange sont entrés en contact avec moi, en leur expliquant que je n’avais cependant pas envie de l’écrire. On m’a alors demandé qui j’aimerais rencontrer pour l’écriture du scénario et j’ai tout de suite pensé à Florence Longpré. Quand je lui ai fait part de cette idée, elle était très sceptique, mais dès qu’elle est rentrée chez elle, elle m’a rappelé en me disant qu’elle avait pensé à quelque chose. Et c’est devenu ce que c’est devenu ! »

Le ton très particulier, où se mélangent humour absurde, situations improbables et drames poignants, a séduit Micheline Lanctôt dès la lecture.

« Je fais des séries depuis 40 ans et il y avait longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi bon, bien écrit, original, et aussi attachant. Vraiment, j’ai été conquise tout de suite. Nous avons tous été épatés. »

La mise en chantier d’une deuxième saison sera évidemment tributaire de l’accueil que réservera le public québécois à la série, mais les scénaristes en sont déjà à l’étape de l’écriture et tous les artisans sont prêts à reprendre du service, y compris Philippe Falardeau. Ce dernier n’abandonne pas le long métrage pour autant, mais il appert que les prochaines semaines seront quand même consacrées à la suite du tournage de sa série documentaire Mégantic, qu’il avait interrompu au profit du Temps des framboises.

Le temps des framboises sera offert aux abonnés du Club illico au mois d’avril.