Incarnant pour la première fois de sa carrière un premier rôle dans un long métrage, Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, la comédienne norvégienne Renate Reinsve est repartie de Cannes avec le prix de la meilleure interprétation féminine. En entrevue avec La Presse, elle revient sur ce personnage marqué par ses hésitations.

Quel métier choisir ? Avec qui être bien en couple ? Avoir des enfants ou pas ? Voyager ou rester ? S’éloigner de sa famille ou la fréquenter à reculons ?

Entrer dans la trentaine est un moment fascinant de la vie. Il ressemble à ces routes à carrefours giratoires où l’on a plusieurs options de sortie, à défaut de quoi, on tourne en rond longtemps. Un moment à la fois euphorisant parce qu’on est encore jeune et angoissant parce qu’on veut faire les bons choix avant de filer vers le mitan de la vie.

Sans surprise, le sujet a souvent été abordé, que ce soit au cinéma, à la télé ou dans la littérature.

« Je viens moi-même de passer à travers cette période », dit Renate Reinsve, 34 ans, en visioconférence de New York.

C’est un moment complexe où on laisse des choses derrière soi, mais au sortir duquel on apprend beaucoup. Pour moi, le film de Joachim est un film coming of age de la trentaine.

Renate Reinsve

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes et finaliste aux Oscars dans les catégories du meilleur scénario original et du meilleur film dans une autre langue que l’anglais, Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier (Oslo, 31 août) a reçu des tonnes d’éloges. La comédienne norvégienne a d’ailleurs obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes.

Depuis, les bonnes nouvelles s’accumulent. En France, le film a reçu un accueil critique dithyrambique. L’ancien président américain Barack Obama l’a inscrit sur sa liste des meilleurs films de 2021. Sorti modestement la semaine dernière aux États-Unis grâce à une distribution de Neon, il a récolté 135 042 $ sur quatre écrans à son premier week-end, un score ahurissant de 33 760 $ par écran, note un article de Variety.

En anglais, le film s’intitule The Worst Person in The World, ce qui amuse Mme Reinsve. Pour elle, cette dure épithète n’est pas un jugement extérieur. Avec ses hésitations et ses faux pas, sa Julie se sent elle-même la pire personne de la planète dans la première moitié du film.

Est-ce que Renate pourrait devenir amie avec cette Julie aux mille hésitations ? De l’autre côté de l’écran, Mme Reinsve éclate de rire.

« Vous savez, notre travail est de plonger dans notre personnage, dit-elle. Depuis le tournage, j’ai vu le film trois fois. Au début, je dirais qu’il m’aurait été difficile d’être amie avec cette femme qui ne se branche sur rien. Elle a si peur de l’intimité. Elle ne s’ouvre à personne. Mais à la fin, oui. En fin de tournage, je ne voyais plus de différence entre Julie et moi. »

Des questionnements partagés

Il faut dire que le spectateur voit Julie se transformer peu à peu à mesure que le film avance. On la voit apprendre à se connaître, à laisser les choses aller, à assumer ses choix. Ces changements sont évidemment provoqués par une série de rencontres, d’évènements, qui la font réfléchir et avancer.

Julie finit par vieillir et apprend à s’abandonner au chaos. Elle réalise qu’elle ne peut pas contrôler les choses qui se passent autour d’elle. Tous ses plans ne vont pas nécessairement se réaliser.

Renate Reinsve

Dans les semaines qui ont suivi la sortie du film en Europe, Mme Reinsve indique que plusieurs hommes de son âge l’ont abordée pour parler des sentiments qui habitaient son personnage. « Plusieurs m’ont fait part de leurs incertitudes, dit-elle. Ils me disaient ne pas savoir ce qu’ils veulent faire. Les femmes me semblaient plus certaines de leurs choix. »

Connue en Norvège pour son travail au théâtre, Renate Reinsve a elle-même été habitée par les questionnements de son personnage. Elle qui avait eu un tout petit rôle dans Oslo, 31 août songeait sérieusement à faire une croix sur sa carrière de comédienne quand Joachim Trier l’a appelée pour lui dire qu’il avait écrit un rôle sur mesure pour elle.

On peut présumer que ses plans ont changé depuis. Après tout, il faut savoir s’abandonner au chaos !

Julie (en 12 chapitres) est présenté en salle en version originale avec sous-titres français et en version originale avec sous-titres anglais