(Los Angeles) Sidney Poitier, acteur de légende et pionnier de la cause noire à Hollywood, est mort à 94 ans, attirant vendredi des hommages unanimes, du gouvernement des Bahamas d’où il était originaire, à Barack Obama et aux Afro-Américains de l’industrie du divertissement.

Le premier ministre des Bahamas Philip Davis a convoqué la presse pour confirmer la mort d’une « icône culturelle, d’un acteur, metteur en scène, entrepreneur, militant des droits humains et diplomate ».

« Nous admirons l’homme pas seulement pour ce qu’il a fait, mais aussi pour ce qu’il était », a salué le chef du gouvernement des Bahamas.

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Son directeur de la communication Latrae Rahming a confirmé à l’AFP que Sidney Poitier « était mort à son domicile à Los Angeles » jeudi soir mais sans préciser la cause du décès de l’acteur de La Chaîne, de Devine qui vient dîner ou de Dans la chaleur de la nuit.

Le président américain Joe Biden a rendu hommage à un « acteur comme il n’y en a qu’un dans une génération et un homme engagé, dont le travail était empreint de tant de dignité, de puissance et de grâce qu’il a changé le monde sur le grand écran et en dehors ».

« Monsieur Sidney Poitier, reposez en paix. Il nous a montré le chemin des étoiles », a aussitôt tweeté la vedette américaine Whoopi Goldberg.  

La comédienne et productrice multirécompensée Viola Davis a également rendu hommage à l’acteur.  

« La dignité, la normalité, la force, l’excellence et la pure énergie que vous apportiez à vos rôles, nous ont montré, à nous personnes noires, que nous comptions ! ! », a déclaré l’actrice oscarisée sur son compte Instagram.

Né prématuré à Miami, en Floride, le 20 février 1927, à l’occasion d’un déplacement de ses parents venus des Bahamas voisines, Sidney Poitier obtient ainsi la double nationalité américaine et bahamienne.

Un sourire incandescent

En 1964, il est le premier Afro-Américain à remporter l’Oscar du meilleur acteur pour Le Lys des champs.

« Le voyage a été long pour en arriver là », lançait-il très ému, en recevant la statuette dorée.  

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En 1964, Sidney Poitier est le premier Afro-Américain à remporter l’Oscar du meilleur acteur pour Le Lys des champs.

Grâce à ses rôles, le public a pu concevoir que des Afro-Américains pouvaient être médecin (La porte s’ouvre - 1950), ingénieur, professeur (Les anges aux poings serrés - 1967), ou encore policier (Dans la chaleur de la nuit - 1967).  

Mais à 37 ans, lorsque l’acteur au sourire incandescent reçoit son Oscar, il est la seule vedette noire à Hollywood.  

« L’industrie cinématographique n’était pas encore prête à élever plus d’une personnalité issue des minorités au rang de vedette », décryptait-il dans son autobiographie This Life.  

« À l’époque […] j’endossais les espoirs de tout un peuple. Je n’avais aucun contrôle sur les contenus des films […], mais je pouvais refuser un rôle, ce que je fis de nombreuses fois ».

Devine qui vient dîner ?

Dans Devine qui vient dîner ? en 1967, il campe le fiancé d’une jeune bourgeoise blanche le présentant à ses parents, un couple d’intellectuels qui se croient ouverts d’esprit. La rencontre est un choc, et donne un film qui marquera toute une génération, bien au-delà des États-Unis, sur le racisme de l’époque.

Les militants de la cause noire critiquent cependant âprement Sidney Poitier pour avoir accepté ce rôle de médecin de renommée internationale, aux antipodes des discriminations dont souffrent ses pairs. Il est désigné comme le « n**** de service », « fantasme de blanc ». Ses qualités irréelles de gendre idéal masquent sa négritude et les problèmes racistes, estiment-ils.  

Et aujourd’hui, nombre de professionnels aux États-Unis continuent de critiquer la place minoritaire et le manque de reconnaissance des personnes issues de minorités dans l’industrie du cinéma.

« Ouvrir des portes »

L’ancien président des États-Unis Barack Obama (2009-2017), premier Afro-Américain à ce poste, avait décoré en 2009 l’acteur de la médaille de la Liberté et a salué dans un tweet le fait qu’il « avait ouvert les portes à une génération d’acteurs » noirs.

Même formule pour la super vedette américaine Denzel Washington qui a déclaré dans un message à l’AFP que son « ami » Sidney Poitier « avait ouvert des portes qui nous étaient à tous fermées depuis des années ».

À la télévision, il avait incarné des figures politiques noires américaines et internationales, comme l’ancien président sud-africain Nelson Mandela ou le premier juge noir de la Cour suprême Thurgood Marshall.

Il fut même, dans la vraie vie, ambassadeur des Bahamas au Japon en 1997.

En 2002, Sidney Poitier avait reçu un Oscar d’honneur pour « ses performances extraordinaires, sa dignité, son style et son intelligence ».

Pour l’acteur afro-américain Jeffrey Wright, il était un « bel homme, gracieux, chaleureux et majestueux ». Reposez en paix, Monsieur. On vous aime « .