Quinze mois après l’annulation de sa 24édition en raison de la pandémie, le festival de courts métrages REGARD reprend son envol. À Saguenay comme dans le monde du cinéma, d’aucuns attendaient le retour de cet évènement très apprécié. Tandis que la ville passe en zone jaune, l’orange, couleur officielle du festival, s’éclate partout. La Presse est là !

(Saguenay) Mercredi soir, Fanny Marin voulait emmener sa fille Dorothée Bouliane à la première soirée de projections en plein air du festival REGARD. Or, tous les billets avaient été vendus. Mais… « Mais il y avait un concours sur la page Facebook du festival et, par miracle, on a gagné, lance Fanny, rencontrée dans le stationnement du centre Georges-Vézina transformé en ciné-parc urbain. J’ai aussi un bébé à la maison, alors on en profite pour se faire une soirée à nous. »

Mère et fille sont radieuses et ont hâte que la soirée commence. Dorothée, 9 ans, aime les documentaires animaliers, glisse-t-elle. Et comme elle est innue, elle était aussi heureuse d’assister au spectacle du groupe de musique autochtone Halluci Nation qui suivait les projections de films.

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Fanny Marin et sa fille Dorothée

Plus loin, Mustapha Fahmi, professeur de littérature et grand expert de Shakespeare à l’Université du Québec à Chicoutimi, jasait avec le cinéaste Sébastien Pilote (Le vendeur), qui siège au conseil d’administration de REGARD depuis ses débuts.

Je viens au festival depuis de nombreuses années et je le vois grandir en beauté. Je suis très heureux de la reprise des activités, d’autant que j’ai été moi-même durement frappé par la COVID-19.

Mustapha Fahmi

Dans le stationnement du centre, l’ambiance était à la fête. À l’entrée, les occupants des voitures étaient invités à jouer aux vedettes en se faisant photographier dans une borne photo (Photobox Studio) pour auto colorée. Partout sur le site, la scénographe de REGARD, Maude Fecteau, et son adjointe Sarah Presne avaient monté des décors délicieusement kitsch dominés par la couleur orange fluo du festival.

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Maude Fecteau et Sarah Presne

« On crée des décors comme nous le faisons à l’hôtel Chicoutimi, où nous avons normalement nos activités en soirée », dit Marie-Elaine Riou, directrice générale de l’évènement, qui sillonnait le stationnement en patins à roues alignées. « On reprend nos bonnes habitudes de mettre de l’ambiance. »

« On reprend. » Deux mots clés dans les circonstances. Car après avoir été annulé le 12 mars 2020 – après une seule journée d’activités –, REGARD revient à la lumière pour le plaisir des festivaliers, des artisans, des commerçants et de toute la ville.

« D’année en année, ce festival permet à Saguenay de rayonner, a confié il y a quelques jours la mairesse Josée Néron. Le conseil municipal vient d’adopter une résolution pour que la ruelle Paradis, au centre-ville, soit renommée de façon permanente ruelle du Court Métrage. Une façon de rappeler l’empreinte que laisse REGARD à Saguenay. »

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Le restaurateur Bénédicte Morin (Bistro Café Summum et Maria, Maria). L’an dernier, avec la fermeture des salles à manger, il a ouvert une succursale en roulotte. Mercredi, lors de notre passage à l’heure du dîner, l’endroit était très achalandé.

Édition hybride

Oh !, les choses ne sont pas encore totalement revenues à la normale. Pour cette édition, le nombre d’invités est très restreint. Les places pour les projections, même à l’extérieur, sont limitées. Le soir, la célèbre rue Racine est encore bien tranquille et il n’y a pas de soirées à l’hôtel Chicoutimi.

Mais il y a, chez les gens à qui La Presse a parlé, un double sentiment de bonheur et de soulagement à voir ce festival de calibre international (il est reconnu par l’Académie des Oscars) repartir sur ses habituelles bases festives, en route pour son deuxième quart de siècle.

« Je suis très fébrile d’y aller avec mon nouveau film », dit la cinéaste et artiste multidisciplinaire de Dolbeau-Mistassini Mélanie St-Germain, qui présente le court métrage Elles. « Avec la COVID-19, on a eu ce traumatisme, cette peur de perdre ce privilège de parler avec les autres, d’être privés de culture. Consommer de la culture, en donner et en recevoir, est lié à mon épanouissement personnel. »

Alors que Saguenay vient de passer en zone jaune, l’édition 2021 de REGARD s’adapte aux circonstances et est différente de sa formule habituelle sur de nombreux plans. D’abord, les organisateurs avaient décidé depuis un bon moment de la tenir en juin plutôt qu’en mars, comme de coutume, pour mettre toutes les chances de leur côté. Choix heureux et judicieux.

Ils ont aussi orchestré certaines activités avec celles du Festival Jazz et Blues de Saguenay, normalement tenu en avril.

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Marie-Elaine Riou, dans la ruelle du Court Métrage

Pour cette soirée d’ouverture [du ciné-parc de mercredi], nous avons travaillé en commun. Nous présentons un volet de la compétition officielle et Jazz et Blues présente le spectacle d’Halluci Nation.

Marie-Elaine Riou, directrice générale de REGARD

Ce ciné-parc urbain s’inscrit dans la continuité d’une initiative prise par REGARD l’été dernier. Puisqu’il n’avait pu présenter la 24édition, quatre soirées de ciné-parc et de spectacles musicaux avaient été présentées en juillet. Devant le succès qu’elles ont obtenu, la formule a été reprise. Et la soirée de mercredi au centre Georges-Vézina nous a permis de comprendre pourquoi.

Dans leurs voitures bien alignées face à l’écran, les spectateurs réagissaient avec des coups de klaxon répétés aux films. Il fallait entendre les gens rire durant l’irrésistible comédie Babarouta du Québécois Guillaume Collin. Tout de suite après, ils étaient estomaqués par Free Fall, du Français Emmanuel Tenenbaum, dans lequel des courtiers sans scrupules profitent des attaques du 11 septembre 2001 pour miser contre la Bourse (un peu comme dans The Big Short, sur la crise de 2008).

Enfin, l’édition actuelle est hybride avec des projections en salle et au ciné-parc. Les films pourront être vus en ligne du 14 au 27 juin moyennant le passeport de 30 $.

En 2022, REGARD reviendra en mars, couplé à la semaine de relâche. C’est sa niche. C’est sa place. Pour les Saguenéens, ce festival est synonyme de l’arrivée du printemps. D’ici là, le mot d’ordre de la présente édition est : « On sait que ce n’est pas pareil, mais ça va être le fun pareil ! »

Les frais d’hébergement de ce reportage ont été payés par le festival REGARD.