L’entretien avec le réalisateur de French Exit, Azazel Jacobs, débute sur un éloge de Montréal, qu’il s’empresse de déballer avant que nous ne parlions de son film, qui prend l’affiche ce vendredi. À la question « Comment allez-vous ? », il répond qu’il va bien, mais que Montréal lui manque.

« Ma femme et moi parlons souvent de nous enfuir à Montréal », dit le réalisateur au bout du fil. « Je ne pourrais pas vous dire à quel point j’aime votre ville. » La métropole a joué le rôle principal de New York dans le plus récent film d’Azazel Jacobs. En tournage en 2019, celui qui connaissait déjà un peu Montréal y a passé un « moment incroyable » (nous y reviendrons).

L’œuvre qui a donné lieu à ce tournage au Québec, c’est French Exit (Sortie côté tour, en français), adaptation cinématographique du roman du même nom, paru en 2018. Et comme son titre le laisse supposer, le reste du film se déroule en France, à Paris.

Depuis qu’il a lu l’ébauche du livre de son ami Patrick deWitt pour la première fois, Azazel Jacobs est fasciné par l’univers de ce roman campé entre le surréel, l’absurde, la comédie et le drame, mais également (et surtout) par son personnage central, Frances Price (jouée par Michelle Pfeiffer).

« Le livre – tout comme le film, je l’espère – un mélange de tons qui se contredisent et se complètent à la fois », dit le réalisateur new-yorkais.

Ce qui m’a beaucoup attiré dans cette histoire, c’est l’étrangeté et la nouveauté de cet univers. Quand je pense au film maintenant, j’ai l’impression d’avoir visité une autre planète et des gens d’un autre monde. Et en même temps, j’ai pu me reconnaître en eux.

Azazel Jacobs, réalisateur

French Exit raconte comment Frances et son fils, Malcolm (Lucas Hedges), dont la relation n’est pas tout à fait saine, quittent New York pour s’installer à Paris, alors qu’il ne reste plus que des miettes à la fortune familiale. Là-bas, accompagnés du chat Small Frank (qui n’est nul autre que la réincarnation du mari de Frances), ils font des rencontres étonnantes et donnent un nouveau cours à leur vie.

Fidèle au livre

Le Canadien Patrick deWitt et l’Américain Azazel Jacobs se connaissent depuis 20 ans et se parlent tous les jours. Jacobs, qui signe notamment le film The Lovers (2017), admire l’écriture de son ami. « Il m’avait envoyé [ses livres] Sisters Brothers et Undermajordomo Minor avant qu’ils ne soient finis, et j’ai adoré. Mais quelque chose me disait que je n’étais pas la bonne personne pour raconter ces histoires dans des films, dit-il. Pour [French Exit], dès que je l’ai fini, j’ai voulu entrer dans ce monde, être avec ces gens et raconter leur histoire. »

Les deux hommes se sont alors attelés à l’écriture du scénario. C’était alors la deuxième fois qu’ils travaillaient ensemble, puisque deWitt a scénarisé le film Terri (2011), réalisé par Jacobs. « Rien ne peut me rapprocher plus d’un ami, ou même d’un collaborateur, que de travailler avec lui », affirme le réalisateur.

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Le réalisateur Azazel Jacobs, sur le plateau de tournage du film French Exit

Chacun tenait à ce que le script reste fidèle à l’œuvre originale. Si certaines adaptations s’éloignent du matériau de base, French Exit, le film, est entièrement imprégné du livre. « Le roman est au cœur de l’amour que les acteurs et moi portons à l’histoire », raconte Azazel Jacobs. Ainsi, les « chapitres manquants » dans le film sont infusés dans le récit par des références, par exemple. « Si vous êtes fan du livre, il y a de fortes chances que vous soyez fan du film », résume-t-il.

Michelle Pfeiffer à tout prix

La principale essence de French Exit, c’est Frances Price, que Michelle Pfeiffer interprète splendidement (sa performance lui a d’ailleurs valu une sélection aux prix Golden Globes). « J’aime de Frances qu’elle ne se soucie pas de ce que les autres pensent, dit le réalisateur. J’adore ça chez les gens et dans l’art. Ç’a été une grande inspiration. Ça m’a donné le courage de faire un film aussi particulier que celui-ci. Un film qu’on aime ou qu’on n’aime pas. »

Si Azazel Jacobs et Patrick deWitt ne voulaient arrêter leur choix sur aucune actrice en particulier pour jouer Frances, afin d’éviter d’être déçus, il n’a fallu qu’une rencontre avec Michelle Pfeiffer pour qu’ils ne voient plus qu’elle dans ce rôle.

J’étais déjà fan, bien sûr, mais aussi très impressionné par ses plus récents choix, Ant-Man, Maleficient, Murder on the Orient Express, notamment. Elle a le courage d’aller là où on ne l’attend pas.

Azazel Jacobs, réalisateur

« Plein d’espoir » tout en essayant de contenir ses attentes – « c’est comme les premiers pas dans une relation de couple », blague-t-il –, le cinéaste a tout tenté pour que Pfeiffer incarne le rôle. Un choix qui l’enchante encore à ce jour. « Elle a été une collaboratrice tellement importante, raconte-t-il. Tout comme Lucas [Hedges], elle s’est jointe au projet très tôt, donc, on a pu travailler pendant un long huit mois et apprendre à se connaître. »

Cette collaboration avec les acteurs principaux, impliqués jusqu’au remaniement du script, a été essentielle au film. Tout comme l’a été Montréal, affirme Azazel Jacobs. Alors que notre précieux temps est écoulé, le réalisateur tient à glisser un dernier mot sur la métropole avant de raccrocher, réitérant son attachement à la ville. « Beaucoup de ce que j’aime dans ce film a pu être possible non seulement grâce au talent incroyable des collaborateurs et de l’équipe [en partie montréalaise], mais aussi grâce à ce que j’ai ressenti dans cette ville. Ça n’aurait pu être fait d’une autre façon. »

Quelque chose nous dit que cette histoire entre Azazel Jacobs et Montréal n’est pas terminée…

French Exit (Sortie côté tour) est en salle dès ce vendredi.