Traditionnellement, le cinéma français est toujours bien représenté à Berlin et cette édition virtuelle ne fait pas exception à la règle. La Presse a eu l’occasion de visionner les nouvelles offrandes de Céline Sciamma et de Xavier Beauvois, toutes deux en lice pour l’Ours d’or. La première envoûte ; la seconde laisse plus perplexe.

Après le triomphe, partout sur la planète, de Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma a choisi de revenir à un cinéma plus dépouillé et à des thèmes récurrents dans son œuvre. Ayant cette faculté d’évoquer les blessures d’enfance avec subtilité et justesse, celle à qui l’on doit notamment Tomboy, mais aussi le scénario de Ma vie de Courgette, un film d’animation où étaient rassemblés des enfants « poqués » qui apprenaient ensemble la solidarité, propose ici un film remarquable.

L’héroïne de Petite maman est Nelly (Joséphine Sanz), une fillette âgée de 8 ans. Sa grand-mère vient de mourir, laissant sa mère (Nina Meurisse) dans un état de profonde tristesse. Très tôt, la cinéaste évoque la nature du lien unissant la fillette à sa mère endeuillée alors que cette dernière, au volant de la voiture, se laisse nourrir par une petite main, celle de sa fille, assise derrière. La scène se termine par une simple et tendre étreinte, un peu comme si Nelly s’était donné pour mission de protéger sa mère de la douleur qu’elle éprouve.

Ayant accompagné ses parents, qui ont dû se rendre dans la maison de l’aïeule disparue pour faire l’inventaire de ce qui s’y trouve, Nelly découvre dans les environs une cabane d’enfant en construction et est invitée par une fillette du même âge à la terminer. Dès lors s’effectue un effet de miroir que Céline Sciamma utilise pour établir un dialogue entre Nelly et sa mère. La fillette du même âge, interprétée par Gabrielle Sanz, se prénomme Marion. Elle vit exactement ce que la maman de Nelly, également prénommée Marion, a vécu dans son enfance.

Ce film est tout simple, tout court aussi (72 minutes), mais combien riche. L’aspect plus « surnaturel » s’inscrit tout naturellement dans un récit construit à hauteur d’enfant.

Visuellement splendide, interprété par des acteurs admirablement dirigés, Petite maman est l’œuvre d’une cinéaste accomplie au style unique. Nous aurons sans aucun doute l’occasion de revenir au cours de l’année sur ce long métrage présenté à Berlin en primeur mondiale.

Lavé par la mer

Jérémie Renier, que nous pourrons aussi voir au Québec le 12 mars dans Slalom, un film de Charlène Favier, est la tête d’affiche d’Albatros. Dans ce nouveau film de Xavier Beauvois (Les gardiennes), aussi inscrit dans la compétition officielle de la Berlinale, l’acteur belge se glisse dans la peau d’un policier officiant dans une petite localité en Normandie, non loin d’Étretat. Pendant le premier acte, le réalisateur de Des hommes et des dieux semble vouloir essentiellement dessiner le portrait d’un homme dont la vie professionnelle est parfaitement intégrée à la vie personnelle. Laurent (Jérémie Renier) s’apprête d’ailleurs à épouser l’amoureuse avec qui il vit depuis 10 ans (Marie-Julie Maille, aussi coscénariste et monteuse du film) et compte mener une vie de famille paisible. D’entrée de jeu, Albatros ne s’annonce pas comme un film policier du même genre que Le petit lieutenant, qu’a réalisé Xavier Beauvois il y a 15 ans.

PHOTO FOURNIE PAR PATHÉ DISTRIBUTION

Jérémie Renier est la tête d’affiche d’Albatros, un film de Xavier Beauvois.

Le récit aborde cependant une thématique plus sociale quand l’un des fermiers des environs, ne pouvant survivre financièrement à cause des normes très strictes établies par les gouvernements, affiche une tendance suicidaire. Cette partie, beaucoup plus dramatique, est ponctuée de scènes très fortes, au cours desquelles Jérémie Renier, excellent, a l’occasion de faire valoir la puissance de son jeu. Si on peut comprendre alors le besoin que ressent son personnage de se refaire une santé psychologique, le troisième acte du film, aussi spectaculaire soit-il sur le plan des images (cette partie se déroule dans l’océan), laisse néanmoins plus perplexe.

Qu’en pensera le jury ? Réponse ce vendredi, avec l’annonce du palmarès.