La mort subite du réalisateur Jean-Marc Vallée, survenu le soir de Noël, a ébranlé le public québécois, comme en témoignent les dizaines de messages reçus à la suite d’un appel lancé par La Presse. Quel souvenir gardez-vous de l’œuvre du cinéaste ? Des lecteurs répondent.

Je vais me souvenir de l’âme de ses œuvres. « Hier encore », j’avais 20 ans et je découvrais un certain réalisateur polonais, Kieślowski. Son film La double vie de Véronique a bouleversé ma vie. Sans le savoir sans doute, j’ai toujours recherché ce bouleversement cinématographique. Quelques années plus tard, j’ai regardé Café de Flore de Jean-Marc Vallée. Je n’en croyais pas mon cœur de voir une telle sensibilité sur pellicule – du sujet en lui-même jusque dans les plus petits détails. Il faut dire qu’il avait le don du montage. Son travail de monteur est de l’orfèvrerie, de la dentelle qui vient lier les images entre elles. J’ai ensuite suivi sa carrière, ébahie par sa créativité, son intensité qui traversait nos écrans, télévisuels et intimes, pour venir chambouler nos univers. Son talent a cela d’unique et de précieux : il vient du cœur et de l’âme. Son travail respirait l’amour de l’autre. Il y a des gens comme ça. Ils sont rares. Regarder ce qu’a fait Jean-Marc Vallée, c’est accepter de plonger dans l’inconnu, en sachant qu’il y aura toujours une main tendue pour nous soutenir dans le chaos du monde. En somme, je me souviendrai de son travail pour l’humanisme qui s’en dégage. Il m’apparaît impossible de faire de telles œuvres sans être un humaniste soi-même.

Rachel Bergeron-Cyr

Merci, Jean-Marc Vallée ! J’ai vu C. R. A. Z. Y trois fois au cinéma quand il est sorti en 2005. Je le revois chaque année depuis. Cette histoire, c’est la mienne : un frère que je méprise, le déni de mon homosexualité, les partys de Noël (je suis né le 23 décembre), le rejet de ma famille, etc. Et surtout la fuite et la « tentative » de suicide quand il part à pied dans le désert ! C’est une histoire universelle remplie d’espoir et d’humanité. C’est pour ça que l’art, peu importe la forme, existe… Il nous fait grandir, nous ouvre au monde et, surtout, il nous rend heureux et fait de nous de meilleurs humains. Jean-Marc Vallée est un maître dans son domaine ! Mes condoléances à ses proches.

Dany Gravel

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

C.R.A.Z.Y.

Étant gai, j’ai été touché profondément par le film C.R.A.Z.Y. Au-delà de ce fait, énormément de Québécois s’y sont reconnus comme dans nulle autre œuvre cinématographique. Dès lors, j’ai suivi la carrière de Jean-Marc Vallée. Chaque œuvre était empreinte d’un supplément d’âme et d’humanité. Sa touche était sentie et subtile. Et son profond amour pour la musique transperçait l’écran. Elle était parfaitement intégrée, presque comme un personnage. L’être semblait habité de cette même humanité lors de ses entrevues et il paraissait humble et sincère. Son œuvre et lui vont nous manquer énormément !

Jean-Pierre Lemonde

Quand j’ai vu le film C.R.A.Z.Y. , je suis devenue automatiquement une fan de Jean-Marc Vallée. Parce que l’exactitude, la justesse, l’ambiance de cette époque est bouleversante pour une âme nostalgique et amoureuse de musique. Par la suite, j’ai vu ses autres films, que j’ai vraiment aimés, mais C.R.A.Z.Y. . restera à jamais le plus beau des voyages dans mes tripes. Merci à Jean-Marc Vallée. Je crois que c’est la première fois que je pleure un inconnu… C’est dire comme il marque notre vie.

Martine Simard

Mon premier souvenir marquant : C.R.A.Z.Y. , la profondeur des personnages, le jeu de tous les acteurs, les images et la bande sonore, qui allait dans tous les sens et qui accompagnait les situations avec brio. J’ai écouté cette bande sonore en boucle la journée où nous avons appris sa mort. Et j’ai pleuré. Sa sensibilité m’a rejointe. Et que dire de Big Little Lies, une série que j’ai achetée dès sa sortie ? En plus de l’histoire de ces femmes solidaires malgré leurs parcours si différents, encore là, la musique choisie m’a envoûtée. Jean-Marc Vallée m’a fait découvrir des artistes, des auteurs-compositeurs dont je n’avais jamais entendu parler. Et hier, j’ai regardé C.R.A.Z.Y. . sur ma tablette. Je ne me souvenais plus de certains détails, et j’ai apprécié toutes les prises de vue. Et surtout, je l’ai vu, LUI, faire un caméo. Et ça m’a touchée encore plus. Comment se fait-il que la perte de cet homme me touche et m’émeuve à ce point ? L’amour, ça ne s’explique pas. Ça se vit. Il laisse dans le deuil non seulement sa famille, ses ami-e-s, ses camarades, mais aussi tous ses fans qui, depuis la première heure, suivent cet artiste sensible, intègre et passionné de son métier. Nous l’aurons dans la mémoire longtemps. Merci pour tout, et reposez en paix, Jean-Marc.

Christiane Voinson

Le cinéma de Jean-Marc Vallée est universel, car c’est l’âme humaine qui est au cœur de son propos. Il a su en saisir les grandeurs, les misères et les bassesses et les porter à l’écran avec une subtilité dont peu de réalisateurs peuvent se targuer. J’ai la certitude qu’il a porté le cinéma québécois à un tout autre niveau pour atteindre une sensibilité sans frontière. Sa mort prématurée nous privera d’autres chefs-d’œuvre touchants et pertinents. Triste perte pour tous les gens qui ont aimé l’homme et son œuvre. Très sincères condoléances à tous ses proches.

Céline Jalbert

Durant mon parcours professionnel, j’ai eu l’immense privilège de croiser Jean-Marc Vallée. Un homme d’une très grande générosité et d’une sensibilité hors du commun. Durant le tournage de Café de Flore, on m’avait informé qu’il souhaitait discuter avec moi de l’un de ses projets personnels : faire un stage humanitaire à l’étranger avec ses fils. Nous en avons discuté longuement. Après notre discussion, il m’invita sur le plateau de tournage de Café de Flore, tard dans la nuit. Le tournage se déroulait dans l’appartement d’un collègue de travail de l’époque. J’ai eu la chance de le voir diriger Hélène Florent et Kevin Parent dans une scène intimiste dotée d’une puissante charge émotionnelle. Intense moment pour moi. Un souvenir indélébile. Des concours de circonstances, notamment sur le plan du degré d’insécurité sur le terrain de nos interventions, ont fait en sorte que son projet n’a pu se concrétiser avec l’organisation que je dirigeais à ce moment-là (Médecins du monde Canada). À chacune de nos rencontres subséquentes et fortuites (nous fréquentions le même restaurant), Jean-Marc prenait le temps de venir me saluer et de faire un brin de causette avec moi. Rien ne l’obligeait à agir ainsi. J’adorais la gentillesse et l’humilité de cet homme. Avec son départ, nous perdons certes un très grand artiste, mais l’humanité se sépare d’un grand Homme. Tu laisseras un grand vide. Merci pour tout, Jean-Marc Vallée.

André Bertrand (membre fondateur et directeur général de Médecins du monde Canada de 1997 à 2013)

Pour moi, l’œuvre de JMV était un gage de qualité, d’authenticité, de vérité. Une porte ouverte tout en subtilité sur l’univers intérieur des personnages, sans compromis, et avec un immense talent pour amener ses interprètes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Jamais je n’aurais manqué une de ses productions, télévisuelles ou cinématographiques. J’ai adoré Big Little Lies et Sharp Objects autant que C.R.A.Z.Y., Dallas Buyers Club ou Wild. Une lumière scintillante s’est éteinte dans mon petit monde de cinéphile… triste…

Anne-Louise Desjardins

C.R.A.Z.Y. a marqué un tournant pour la réceptivité du cinéma d’ici auprès du peuple québécois. J’en garde un souvenir ému et bouleversé.

Suzanne Leblanc