Dès sa fondation, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue a su attirer l’attention. Alors que la 40édition s’amorce ce samedi, avec la présentation en primeur québécoise de Tout s’est bien passé, de François Ozon, La Presse fait le point avec Jacques Matte, l’un des trois fondateurs d’un festival bien enraciné dans le paysage culturel québécois.

Il fallait quand même un certain culot. Au début des années 1980, trois jeunes cinéphiles, Louis Dallaire, Jacques Matte et Guy Parent, se mettent en tête de créer un festival de cinéma, qu’ils espéraient d’envergure, en plein cœur du territoire abitibien, à plus de 600 km au nord-ouest de Montréal. Leur objectif ? Présenter les meilleurs films du monde tout en laissant la part belle à la création locale. Le film d’ouverture de la toute première édition, en 1982, fut Fitzcarraldo, de Werner Herzog, alors présenté – quel exploit ! – en primeur nord-américaine. Lors de cette même soirée d’ouverture, deux courts métrages réalisés par des Abitibiens, 24K d’Yves Fortin et Mouche à feu, de Richard Desjardins et Robert Monderie, ont aussi été projetés.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU CINÉMA INTERNATIONAL EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Guy Parent, Jacques Matte et Louis Dallaire ont fondé le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue en 1982.

« Nous avons eu la chance d’avoir l’attention des médias montréalais dès le départ, car Hydro-Québec, qui a toujours appuyé le festival, a organisé un voyage à la Baie-James dans la foulée du festival pour les invités et les journalistes. Les visites de LG2 étant très populaires à cette époque, tout le monde est allé ! », rappelle Jacques Matte au cours d’une entrevue accordée à La Presse.

À deux heures de New York !

Le président du festival rappelle qu’il y a quatre décennies, la vivacité du secteur culturel à l’extérieur des grands centres urbains n’était pas la même que celle d’aujourd’hui. Sans grands moyens, les fondateurs avaient néanmoins l’ambition de laisser une empreinte, de donner de la visibilité à leur région, sans trop savoir comment s’y prendre. Puis, une société minière a fait valoir dans ses promotions d’entreprise que l’Abitibi était à deux heures de New York…

Cela nous a donné l’idée de mettre en valeur les particularités de la région. On s’est mis à faire visiter les mines à des invités qui capotaient tellement ils étaient contents.

Jacques Matte

« On les a aussi emmenés en forêt, voir les lacs. Claude Lelouch s’est initié à la chasse au faisan avec Jean-Claude Labrecque et Jean-Claude Lauzon au Témiscamingue. Nous avons voulu nous présenter au monde tels que nous sommes, avec fierté. »

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU CINÉMA INTERNATIONAL EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Claude Lelouch s’est initié à la chasse au faisan sous l’œil du regretté Jean-Claude Lauzon.

Bénéficiant rapidement de l’appui de cinéastes de renom – un autoportrait de Gilles Carle, ardent défenseur du festival, figure d’ailleurs sur l’affiche de cette édition anniversaire –, le festival a ainsi vu sa réputation s’élargir à l’étranger, grâce à l’accueil réservé à des invités de marque, l’un des plus éminents étant bien sûr Serge Gainsbourg, venu en 1989 présenter son film Stan the Flasher. Du passage de l’homme à tête de chou, il reste notamment une déclaration célèbre : « Le comble du snobisme, c’est d’aller à Rouanda [c’est ainsi qu’il l’avait prononcé] plutôt qu’à Cannes, Venise ou Berlin. »

Le même trio

Quarante ans après la création du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, le trio de fondateurs est toujours au poste, un fait plutôt inusité – et rare – dans le monde des manifestations culturelles.

AFFICHE FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU CINÉMA INTERNATIONAL EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

« Nous n’étions pas vraiment des amis au départ, mais nous nous sommes rencontrés par hasard, en parlant de cinéma », explique celui qui s’apprête à quitter la direction du Théâtre du Cuivre de Rouyn-Noranda, tout en continuant d’assurer la bonne marche du FCIAT avec ses comparses.

Tout a toujours bien fonctionné entre nous. On s’occupe tous de la programmation, mais nous avons chacun nos tâches parce que la logistique est quand même assez lourde, ne serait-ce que sur le plan du transport des invités.

Jacques Matte

Et l’avenir ? Qu’adviendra-t-il de ce festival le jour où, éventuellement, il ne sera plus dirigé par les mêmes personnes ?

« On en jase parfois, assure Jacques Matte. Mais à l’heure actuelle, nous sommes toujours en forme et aussi passionnés. Je suis convaincu que ce festival vivra au moins 100 ans ! Parce que le cinéma se transforme, ce sera toutefois sans doute différent. Louis, Guy et moi sommes de la même génération, et il est intéressant de voir comment les jeunes voient l’avenir du cinéma et du festival. Ils sont bien présents, en tant que spectateurs, et nous avons aussi toujours tenu à leur offrir un espace de choix pour leurs créations. C’est essentiel. On ne veut surtout pas rester une affaire de vieux ! »

Le 40Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue se déroule à Rouyn-Noranda du 30 octobre au 4 novembre.