Depuis vendredi, The Guilty, d’Antoine Fuqua, est présenté sur grand écran au Québec et au Canada. À Montréal, une salle exploitée par la chaîne Cineplex Odeon, et quatre autres exploitées par la chaîne Guzzo, proposent notamment à leur clientèle ce remake d’un thriller danois à succès, dont la tête d’affiche est Jake Gyllenhaal.

Nous avons affaire ici à un précédent, dans la mesure où, jamais auparavant, une grande chaîne d’exploitation n’avait accepté d’offrir dans ses salles un film Netflix. Tant chez nous qu’aux États-Unis, la position des grands exploitants a toujours été très ferme : tant que Netflix ne respecterait pas la fenêtre d’exclusivité attribuée aux salles de cinéma – 90 jours en principe – avant de présenter un long métrage sur sa plateforme, pas question d’ouvrir au géant de la diffusion en ligne les portes de leurs salles, même pour des productions prestigieuses comme Roma (Alfonso Cuarón) ou The Irishman (Martin Scorsese). La pandémie a cependant forcé tout le monde à redéfinir les règles.

« Je profite de l’occasion pour essayer de proposer un nouveau modèle, assure Vincent Guzzo, président et chef de la direction des cinémas Guzzo, au cours d’un entretien avec La Presse. Depuis longtemps, je veux introduire dans le marché une fourchette de prix différents, selon le type du film à l’affiche, de la même manière que dans une salle de spectacle, le tarif est différent selon le type de spectacle qu’on présente. Netflix a accepté que je présente The Guilty dans mes salles à prix réduit. J’en présenterai sûrement d’autres, à la condition qu’on puisse quand même bénéficier d’une certaine exclusivité avant l’arrivée du film sur la plateforme. »

Du côté de Cineplex Odeon, on précise cependant que le thriller est présenté dans le cadre d’une série « Évènements spéciaux », et bénéficie d’une seule séance par jour.

« Cette entente avec Netflix est établie uniquement pour ce film, indique Daniel Séguin, vice-président principal chez Cineplex Odeon. Mais la pandémie a fait en sorte que l’industrie évolue. Les grands studios se rendent d’ailleurs compte qu’un film a besoin d’une sortie dans les salles pour bien performer sur les plateformes. »

Une nouvelle dynamique

En fait, on sent bien que les exploitants ont conscience que leur industrie est en profonde transformation. Sur le site internet du Cinéma du Musée, on annonce même la sortie prochaine en salle de The Power of the Dog, film de Jane Campion (coproduit par Roger Frappier), récemment primé à la Mostra de Venise, dont Netflix est le diffuseur. Il y a trois ans, le réseau dont cette salle fait partie – avec le Cinéma Beaubien et le Cinéma du Parc – avait pourtant refusé de présenter Roma, même s’il est spécialisé dans le cinéma international.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Benedict Cumberbatch et Jesse Plemons dans The Power of the Dog. Le film de Jane Campion a récemment obtenu le prix de la mise en scène à la Mostra de Venise.

« La dynamique change, indique Mario Fortin, l’administrateur de ces trois cinémas. Les derniers 18 mois ont évidemment eu un impact. Nous avons mis de l’eau dans notre vin et Netflix aussi. On tient quand même à obtenir la meilleure fenêtre d’exclusivité possible et nous y allons cas par cas. »

Auparavant relégués à quelques salles indépendantes, dont certaines plus marginales, certains longs métrages dont Netflix possède les droits d’exploitation pourront désormais être vus sur grand écran, dans les meilleures conditions possibles. Le cinéphile ne peut que s’en réjouir.