Jean Sébastien Lozeau avait peu de moyens pour réaliser son premier long métrage de fiction, Live Story, chronique d’un amour malsain diffusé sur les réseaux sociaux. Mais il ne manquait ni d’idées ni d’ambition. Parce que cet homme lui-même blessé a beaucoup de choses à dire. La Presse l’a rencontré.

Live Story – Chronique d’un couple est une histoire d’amour-haine, de déchirements et de réconciliations, de tempêtes et d’accalmies filmés, publiés et commentés à coups d’émoticônes sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas un film sur ces réseaux, tranche le scénariste et réalisateur Jean Sébastien Lozeau.

« C’est un film consacré à la solitude des gens, dit-il dans les bureaux du distributeur K-Films Amérique, où nous l’avons rencontré. Parce que les deux personnages centraux sont des gens profondément seuls. Comme n’importe qui, ils cherchent l’amour, mais n’arrivent pas à le trouver de façon saine. Pour moi, les réseaux sociaux servent à montrer, à représenter cette solitude. »

Les deux personnages par lesquels l’histoire se déploie, ce sont Alex (Sébastien Ricard) et Monica (Marilyn Bastien), deux êtres écorchés et vivant, chacun à leur manière, dans les extrêmes.

Alex est excessif en tout. Il veut aller trop vite. Il rêve de résultats immédiats. Avec lui, tout ce qui compte est la destination ; au diable le chemin pour s’y rendre.

De son côté, Monica est incapable de croire que son destin est le bon et se replie sur elle-même à la moindre aspérité. Son humeur est imprévisible et volcanique.

En quête d’approbation, accro au tribunal virtuel, Alex filme leur amour, allant de plus en plus loin dans l’intimité. Un jeu dangereux, explosif.

« Mon film a été lancé au festival Percéides [à Percé, à la mi-août] et des gens, notamment des jeunes, sont venus me voir après la projection pour me dire comment ils s’étaient reconnus à travers les personnages », lance un Jean Sébastien Lozeau souriant et affable.

Une longue feuille de route

Réalisateur, documentariste, scénariste, écrivain, Jean Sébastien Lozeau roule sa bosse depuis un bon moment dans le monde des arts. Sa propre histoire a très clairement alimenté son travail. D’ailleurs, Live Story est une adaptation de son second roman intitulé Ces jours juste avant le dernier.

Enfant, M. Lozeau a vu ses parents se joindre aux Témoins de Jéhovah. Malgré lui, il a été entraîné dans cette spirale. Il en est sorti, non sans stigmates.

En 2013, j’ai publié mon premier livre intitulé Réveillez-moi. J’évoquais mon enfance forcée chez les Témoins de Jéhovah. Ce fut un double best-seller qui a vraiment touché les gens. J’ai enchaîné avec un documentaire, Au nom de Jéhovah, dans lequel je parle de ce qu’est l’enfance dans une secte et, de façon plus large, de l’enfance volée, des vies comme des rêves brisés.

Jean Sébastien Lozeau

Le thème des extrêmes traverse donc l’ensemble de ses œuvres. Ses prochains projets, dont il parle avec parcimonie, semblent toutefois s’en éloigner.

Pour Live Story, son premier long métrage de fiction, M. Lozeau a travaillé sans subvention. Tout a été tourné en 11 jours. Les deux comédiens, des amis, ont embarqué dans son projet. Marilyn Bastien signe la production du film.

Sébastien Ricard défend le plus gros rôle. L’histoire du film, c’est celle du personnage d’Alex. M. Lozeau parle de lui en mots élogieux.

« Il est mon acteur préféré, dit le réalisateur. Si je tournais à Hollywood, je le choisirais. J’aime sa personnalité, sa façon de penser, son art, la façon dont il parle. Sébastien est un gars super drôle, intelligent et cultivé. »

Le film est émaillé de plusieurs chansons québécoises signées Malajube, Les Cowboys Fringants et Les Trois Accords. À défaut d’un budget, Jean Sébastien Lozeau a de l’enthousiasme à revendre et s’est fait convaincant auprès des musiciens.

S’il parle d’amour tordu, son film, dans l’ultime, constitue un appel à s’aimer. Un message qui, encore une fois, passe par le personnage d’Alex.

« À la fin de l’histoire, Alex se rend compte que pour être heureux et avoir une vie plus saine, il doit apprivoiser ses propres abîmes. Et il y parviendra en s’aimant lui-même, dit M. Lozeau. Voilà un principe universel qui est facile à dire, mais pas facile à appliquer dans nos vies. »

De bonnes idées, mais peu de moyens

À défaut de budget, le scénariste et réalisateur ne manque ni d’idées, ni de sens critique, ni de mots pour raconter une histoire. Si son scénario manque un peu de substance et tourne un peu en rond, l’homme a d’excellentes idées sur le plan de la mise en scène, en plus d’avoir une plume bien affûtée. Un exemple de mise en scène : la cage de plexiglas dans laquelle Monica est enfermée et incapable d’aller toucher à son « moi ». Ou cette double scène d’amour, divisée en deux volets, dans laquelle les paroles font contraste avec les images, belle façon d’illustrer qu’il y a parfois des fossés entre l’être et le paraître. Les mots ? Ils flirtent avec une poésie du cœur. « On s’est mis à nu en gardant nos vêtements », dit Alex. Ou encore, « on ne s’émerveille plus du papillon qui s’envole, de la pleine lune, du vent sur la peau… » Ça fait un peu psycho pop, mais ça reste vrai et ça passe bien dans le jeu de Sébastien Ricard. Souhaitons à Jean Sébastien Lozeau de continuer à s’exprimer. D’aucuns seront à l’écoute.

Live Story — Chronique d’un couple

Drame

Live Story — Chronique d’un couple

Jean Sébastien Lozeau

Avec Sébastien Ricard et Marilyn Bastien

1 h 19

5/10