Quelques mois après la sortie d’un film biographique sur Billie Holiday, en voici un autre sur la vie d’Aretha Franklin, Respect, qui sortira en salle le 13 août. Porter à l’écran la vie d’une icône de la musique est un exercice périlleux, qui peut donner le meilleur comme le pire. Tour d’horizon.

Les classiques

Les films biographiques musicaux se sont multipliés au cours des dernières années, au point de devenir un genre cinématographique en soi. Parmi ceux devenus des classiques, Amadeus, de Milos Forman, lauréat de huit Oscars en 1984, a fait de Mozart une star pop à titre posthume. The Doors, d’Oliver Stone, a ensuite fait grand bruit à sa sortie en 1991, avec Val Kilmer qui se glissait parfaitement dans la peau de Jim Morrison. What’s Love Got to Do With It a aussi marqué les esprits à sa sortie en 1993, car le film abordait le thème de la violence conjugale et Angela Bassett y incarnait avec brio la bête de scène qu’est Tina Turner.

Au Québec

Au Québec, on compte aussi plusieurs biopics musicaux marquants. En 2004, il y a eu Ma vie en cinémascope, de Denise Filiatrault, avec Pascale Bussières incarnant la chanteuse Alys Robi. Gerry, avec Mario Saint-Amand. Ou encore Dédé à travers les brumes, avec Sébastien Ricard. « C’était un exercice audacieux et périlleux », avait déclaré à La Presse l’acteur avant la sortie du film, réalisé par Jean-Philippe Duval, en 1999. À l’époque, le public n’avait toujours pas digéré l’échec des téléséries sur Félix Leclerc et Harmonium.

Touche pas à mon idole

Tourner un film biographique sur un artiste (et non un documentaire classique) est effectivement un exercice casse-gueule. Soit les gens attendent la sortie du film avec trop d’enthousiasme et des attentes élevées, soit ils l’attendent avec une brique et un fanal. On assiste en quelque sorte au syndrome « touche pas à mon idole ». Un exemple récent : Aline, film inspiré de la vie de Céline Dion. On ignore comment le public québécois accueillera Aline, présenté en primeur récemment au Festival de Cannes, mais Valérie Lemercier a fait le choix judicieux d’assumer qu’elle réinventait certains faits, à commencer par le nom de la diva de Charlemagne.

Trop de raccourcis

Si tant de cinéastes veulent porter à l’écran la vie de stars de la musique, c’est parce que la réalité est parfois meilleure que la fiction. Les Johnny Cash, Ray Charles et Billie Holiday ont vécu des contes de fées et des descentes aux enfers, deux ingrédients qui ajoutent beaucoup de tragédie à un scénario de film… Mais la recette n’est pas aussi simple que cela. Les cinéphiles ne pardonnent pas certains raccourcis historiques ou romancés qu’on tente subtilement de dissimuler au profit de la trame narrative. Ce fut le cas dans Bohemian Rhapsody, qui compte de nombreuses erreurs de fait. Contrairement à ce que laisse entendre le film réalisé par Bryan Singer (puis en renfort par Dexter Fletcher), Freddie Mercury ne se savait pas séropositif avant le célèbre concert de Live Aid, en 1985. Queen venait de tourner et ne remontait pas sur scène après des années d’absence.

Chouchous des Oscars ?

Même si les critiques ont été tièdes pour Bohemian Rhapdosy, Rami Malek a néanmoins remporté l’Oscar du meilleur acteur. Renée Zellweger a aussi reçu la prestigieuse statuette, pour avoir prêté ses traits à Judy Garland dans Judy, ainsi que Jamie Foxx en 2005. Il faut dire qu’on oubliait que celui-ci n’était pas le vrai Ray Charles dans Ray. On peut en dire autant de Marion Cotillard jouant Édith Piaf dans La vie en rose. Elle a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice en 2008, ce qui est très rare pour un film « en langue étrangère ». Enfin, si on replonge encore davantage dans le passé, Diana Ross a été nommée en 1972 pour Lady Sings the Blues, dans lequel elle incarnait Billie Holiday.

Des attentes élevées pour Respect

Les attentes sont donc très élevées à l’occasion de la sortie de Respect, le 13 août. Jennifer Hudson y interprète Aretha Franklin. Derrière la caméra, on trouve la réalisatrice sud-africaine Liesl Tommy. La bande-annonce laisse entrevoir qu’on parlera de la vie personnelle mouvementée (et du mariage difficile) de la queen of soul, en parallèle de son engagement dans le mouvement pour les droits civiques.

Respect sort six mois après The United States vs Billie Holiday, qui n’a malheureusement pas eu droit à une sortie en salle, mais qui mérite d’être vu pour la performance d’Andra Day. Les deux films s’inscrivent dans le courant des œuvres dans lesquelles les artistes afro-américains se réapproprient leur histoire. Hollywood a peut-être tiré des leçons du passé. En 2005, la famille de Nina Simone n’a pas digéré le fait que Zoe Saldana ait obtenu le rôle-titre du film Nina pour lequel il fallait maquiller son visage pour qu’il soit plus foncé. L’actrice d’origine latine a même déclaré que Nina Simone méritait mieux…

All I’m askin’is for a little respect, le chantait si bien Aretha Franklin…

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que Diana Ross a été oscarisée en 1972 pour Lady Sings the Blues, mais elle a été nommée sans remporter la statuette.