Tatsouin ! Tatsouin ! Les notes de cor sonnant l’ouverture des épisodes de la télésérie humoristique Kaamelott s’apprêtent à résonner de nouveau le 23 juillet, cette fois dans les salles obscures du Québec. Oyez, oyez, braves ouailles kaamelottiennes de la Nouvelle-France, le roi Arthur et sa bande de bras cassés sont de retour, pour le premier long métrage d’une trilogie attendue depuis belle lurette. Alexandre Astier, acteur et orchestrateur en chef du cocasse univers médiéval, a affablement accordé un entretien à votre gazette favorite.

Diffusée en France de 2005 à 2009, la série n’a pas manqué de recruter un important bassin d’admirateurs au Québec, grâce notamment à sa retransmission sur Historia et YouTube. Pour les non-initiés, voici le concept en une ligne : au Vsiècle, investi de la mission d’unifier les clans de Bretagne (ancien nom de l’Angleterre) et de trouver le Graal, le roi Arthur (Alexandre Astier) s’entoure des chevaliers de la Table ronde les plus écervelés, déclenchant des avalanches d’exaspération, d’engueulades, de quiproquos, ce qui fait patiner sa quête.

Le film, qui devrait régaler les adeptes, intervient plus de 10 ans après la diffusion de la dernière saison. Logiquement campée une décennie plus tard, l’histoire raconte comment le roi Arthur, déchu, est sur le point de revenir, aidé (ou pas) par la Résistance formée en son absence, pour affronter son ex-bras droit Lancelot, devenu tyran.

Pour les mordus de Kaamelott, l’attente a été interminable. Mais pour Alexandre Astier, maître d’œuvre de la franchise (et homme-orchestre : acteur principal, réalisateur, scénariste, compositeur, monteur, etc.), le hiatus s’est fait naturellement. « Je ne le considère pas comme un délai, car cela voudrait dire que les choses auraient dû être enchaînées, alors que dans ma tête, elles ne devaient pas l’être. C’était très bien que ça s’arrête, je n’ai pas la sensation d’avoir attendu », a-t-il confié à La Presse par visioconférence, citant ses autres activités durant la dernière décennie (théâtre, rôles, films d’animation…).

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La quasi-totalité des personnages secondaires fétiches sont intégrés dans le film, au plus grand bonheur des inconditionnels de la série. Ici, Lionnel Astier, père d’Alexandre, reprend le rôle de Léodagan.

La COVID-19 a certes un peu grippé le projet, mais les astres se sont finalement alignés, donnant une nouvelle forme à l’univers Kaamelott, qui a évolué tout au long de son existence ; d’abord présentés sous forme de sketchs humoristiques, les épisodes se sont par la suite allongés, injectant des doses plus dramatiques. C’est justement ce savant mélange que l’on trouve dans le long métrage, et qui a constitué l’un des grands défis d’équilibriste du réalisateur lyonnais.

Le défi, c’est de faire cohabiter le tragique avec l’absurde. […] J’ai vieilli, gagné en expérience, et j’aime bien l’équilibre du film, je suis content que Kaamelott soit ça aujourd’hui.

Alexandre Astier, créateur et réalisateur de Kaamelott

Chevaliers de la table féconde

Des astres alignés, dont des étoiles, puisque des acteurs de renom ont répondu à l’appel du cor (citons Christian Clavier et Alain Chabat), de même que ceux incarnant les personnages chouchous du public (l’impayable duo Perceval-Karadoc).

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L’apparition de Sting, dans le rôle d’un Saxon aux penchants punks, est l’une des grosses surprises de la distribution.

Et dans « casting », on lit aussi… Sting ! Une apparition décalée et décoiffante du musicien, qui incarne un Saxon aux faux-semblants de punk. Astier avait pris le pari de lui faire parvenir une missive, car il cadrait avec l’esprit du personnage.

« Sans que j’y croie trop, on lui a fait une demande, qui a peut-être été appuyée par l’un de ses musiciens, un Français qui aime beaucoup Kaamelott. Et, le plus simplement du monde, il a dit oui, curieux de voir ça de plus près », raconte le réalisateur.

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Place à la nouvelle génération : de nouveaux chevaliers découvrent le roi Arthur, qu’ils n’ont jamais connu.

Aux côtés de ces noms en fer forgé, apparaît aussi à l’écran une nouvelle génération de chevaliers et de résistants, certains personnages étant joués par les enfants du réalisateur. Car Kaamelott, c’est aussi une histoire de famille ; les parents d’Alexandre sont de mèche depuis le début. Et à voir ces fraîches bouilles, on se demande s’il n’est pas en train de mettre la table (ronde) pour transmettre un héritage et garantir un avenir à très long terme à son œuvre.

L’intéressé confesse ne pas scruter aussi loin, mais ce legs semble autant narratif – « Je n’aurais pas voulu raconter une histoire où il n’y aurait pas eu l’influence d’un Arthur absent sur de jeunes gens, qui veulent en découdre, partir à l’aventure, fantasment la table ronde, vivent dans l’espoir de son retour. Cela amène une fraîcheur dans l’histoire, c’est agréable à écrire et indispensable à la continuation de la saga » – que professionnel, puisque sa descendance baigne ainsi dans le chaudron cinématographique. « Je ne me verrais pas aller tourner, puis rentrer chez moi et raconter ma journée à mes enfants. J’ai envie qu’ils viennent sur le plateau, vivent, comprennent, même si leur participation est modeste », pose-t-il.

Le Québec en a gros ? C’est pas faux

Oui, les cinéphiles québécois « en ont gros » (pour paraphraser Perceval et Karadoc) de subir d’importants décalages lors des sorties de films français. Qu’ils se réjouissent : Kaamelott conquerra les écrans simultanément en France et au Québec. Alexandre Astier nous dit avoir reçu à ce sujet moult doléances de la part des inconditionnels d’ici. Alors, même si la décision définitive n’est pas de son ressort, il a sorti le bélier pour insister auprès des distributeurs : « On a poussé, poussé, poussé pour que la sortie soit francophone », assure l’acteur, comptant sur des préventes encourageantes et une solide base de sympathisants locaux (anecdote révélatrice : un mémoire de maîtrise sur l’univers de Kaamelott a été déposé à l’UQAM en 2015 !).

Par ailleurs, il a déjà eu l’occasion de venir travailler au Québec, ainsi que d’y piquer sa tente en famille, dans le parc des Grands-Jardins. « J’ai eu peur des ours ! », rit-il, même si l’étymologie du nom Arthur est liée à cet animal.

Le premier volet étant prêt à s’envoler, où en sont les deux suivants ? Alexandre Astier en a déjà les grandes lignes en tête, mais préfère attendre le coup de cor officiel de la machine cinématographique avant de se lancer dans l’écriture, qu’il souhaite spontanée. Nous, on espère simplement ne pas attendre encore 10 ans. On en aurait gros.

Kaamelott – Premier volet, en salle dès le 23 juillet.

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