(Cannes) Les réalisateurs du monde entier se l’arrachent : à l’affiche de Bergman Island, en lice pour la Palme d’or, l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps, est devenue, à 37 ans, l’un des visages les plus recherchés du cinéma contemporain.

« Cette fille est un cauchemar… ça a été très difficile de travailler avec elle (rires)… Non, je plaisante bien sûr ! Vicky, c’est quelqu’un de très spécial », confie à l’AFP l’acteur britannique Tim Roth, à qui elle donne la réplique dans Bergman Island.

« C’était elle où personne, son nom s’était imposé à moi », complète la réalisatrice du film, la Française Mia Hansen Love, qui loue une actrice « lumineuse, d’une grande simplicité et intelligence ».

Port altier, moue enfantine et sourire candide, l’actrice luxembourgeoise, qui vit aujourd’hui à Berlin, est l’étoile montante du cinéma mondial, comme l’avait souligné le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, début juin.

En plus des rôles principaux de deux films sélectionnés à Cannes, l’un en compétition (Bergman Island, qui sort mercredi en salles en France), l’autre hors compétition de Mathieu Amalric (Serre-moi fort), elle est également de la distribution du film hollywoodien Old de M. Night Shyamalan, dont la sortie est prévue en juillet.

Ascension fulgurante

Née au Luxembourg d’une mère allemande et d’un père luxembourgeois, elle a enchaîné pendant une dizaine d’années des petits rôles dans des productions européennes — comme dans le drame belge Elle ne pleure pas, elle chante (2011) de Philippe de Pierpont ou Qui d’autre à part nous (2011) d’Andres Veiel — avant de connaître une ascension fulgurante grâce au film Phantom Thread (2017) de l’Américain Paul Thomas Anderson, où elle partage l’affiche avec l’acteur trois fois oscarisé, Daniel Day Lewis.

Une expérience « folle » qui l’a profondément marquée : « Pendant longtemps, j’ai eu du mal à accepter que j’avais fait ce film et que, soudainement, les gens parlent de moi et de mon travail. J’ai eu besoin de temps pour le digérer et l’accepter », raconte-t-elle dans un entretien à l’AFP.

Depuis, l’actrice formée à la Haute école des métiers d’art de Zurich croule sous les demandes d’Hollywood. Pas encore tout à fait à l’aise avec sa notoriété et son statut de star montante, elle choisit ses rôles soigneusement en se laissant porter par ses goûts et ses envies du moment.

Comme le fait de travailler avec Mia Hansen-Love : « J’avais vu son film Le père de mes enfants (2009) quand j’étais très jeune. Je me rappelle, lorsque je suis sortie du cinéma, j’étais complètement époustouflée, car pour la première fois, je voyais la mise en scène et le travail du réalisateur. Donc quand j’ai reçu le courriel de sa part, j’ai tout de suite dit oui ».

Le film, qui met en scène un couple de réalisateurs en quête d’inspiration sur l’île de Fårö, celle du cinéaste Ingmar Bergman, brouille habilement les frontières entre fiction et réalité, et propulse le personnage de Vicky Krieps dans plusieurs réalités parallèles.

« Un projet très personnel » qui lui a permis d’accepter sa propre « identité multidimensionnelle » : celle d’être à la fois mère et actrice. « J’ai toujours cru dans l’ordre du chaos. Assumer ce chaos, c’est tout simplement vivre », insiste-t-elle. « Faire ce film où mon personnage trouvait sa voie en tant qu’artiste m’a aidé à trouver la mienne ».

Polyglotte, elle est capable de jouer en français, en anglais en allemand et en luxembourgeois. « Parler plusieurs langues, c’est quelque chose de naturel pour moi parce que j’ai grandi en parlant plusieurs langues. Pour moi, la langue n’est qu’un véhicule pour aller quelque part », dit-elle.

Interrogée sur sa vision du féminisme, l’actrice répond qu’elle a toujours « consciencieusement » refusé de tomber dans le travers de la séduction, tant à l’écran qu’avec les médias. « Le féminisme, c’est simplement être qui nous sommes vraiment ».