Six ans après Spotlight, qui lui a valu l’Oscar du meilleur film, Tom McCarthy est venu lancer Stillwater à Cannes, trois semaines avant sa sortie en Amérique du Nord. Mettant en vedette Matt Damon, Abigail Breslan et Camille Cottin, ce thriller, tourné en grande partie à Marseille, a convaincu les festivaliers.

Lors d’une conférence de presse tenue vendredi, le cinéaste Tom McCarthy a précisé que Stillwater n’était pas un film américain ni français. « Nous avons compris en cours de route que nous étions en train de fabriquer un film hybride, a-t-il précisé. Nous nous sommes aussi vite rendu compte qu’il fallait le faire d’une façon différente. »

En s’inspirant en partie d’une histoire survenue en Italie dans les années 2000, alors qu’une étudiante américaine a dû purger là-bas une peine d’emprisonnement de quelques années après avoir été accusée du meurtre de sa colocataire, le scénariste et réalisateur de Spotlight a tenté de faire écho à l’aspect international de son récit de la façon la plus juste possible. En campant son intrigue à Marseille, il a naturellement fait appel à des scénaristes français – Thomas Bidegain et Noé Debré ont tous deux travaillé avec Jacques Audiard – pour élaborer cette histoire d’un Américain de l’Oklahoma qui se retrouve en France pour tenter d’aider sa fille, accusée de meurtre.

PHOTO BRYNN ANDERSON, ASSOCIATED PRESS

Tom McCarthy, réalisateur de Stillwater

« Quand nous avons écrit le scénario, notre pays [les États-Unis] était en pleine transformation, a souligné Tom McCarthy. J’ai pensé qu’il serait utile de faire appel à deux scénaristes français afin de prendre du recul, voir les choses d’un autre angle, même si j’avais parfois l’impression, quand nous tournions à Marseille, de mieux comprendre les Marseillais que les habitants de Stillwater. Quand on vient de New York, l’esprit de Marseille, ça se comprend ! »

Sans clichés

Le contraste entre les deux mondes est frappant, bien sûr. Cela dit, l’une des forces de Stillwater est d’éviter les caricatures de part et d’autre. Issu d’un État, l’Oklahoma, qui ne pourrait être plus « rouge républicain » et où les partisans de Donald Trump ont été majoritaires au cours des deux dernières élections, Bill Baker (Matt Damon), un foreur de pétrole, ne correspond quand même pas à l’image du militant « patriote » obtus avec qui il est impossible de discuter. Le portrait que brosse McCarthy de la société française ne verse pas dans les clichés que propose habituellement le cinéma hollywoodien non plus. À cet égard, le personnage que campe Camille Cottin, qui se liera d’amitié avec Bill et participera à sa quête, cristallise aussi la perception qu’a eue le monde de l’Amérique au cours des dernières années.

Quelques très belles scènes illustrant la possibilité de mêler les deux cultures ponctuent par ailleurs le récit, notamment l’une où Bill invite Virginie à danser un slow sur une vieille chanson country. Beau moment. Aussi, il est rafraîchissant de suivre dans un thriller américain – parce que c’en est un finalement – des pistes plus originales, dont on ne peut rien deviner à l’avance. Le dénouement est aussi poignant qu’inattendu.

Solide Matt Damon

Matt Damon offre une solide performance dans la peau de cet homme carré dont les idées reçues seront bousculées. Américain dans toutes ses fibres, Bill se voit forcé d’entrer dans un monde dont il ne connaît aucun code – sans parler d’une méconnaissance totale de la langue – pour tenter de soutenir une fille qu’il connaît mal (Abigail Breslin), emprisonnée pour un crime qu’elle n’a pas commis, dit-elle.

Comme je suis moi-même un père de famille, j’ai l’impression que les sentiments qu’éprouve le personnage m’étaient très facilement accessibles. Je n’ai pas eu à creuser bien loin en tout cas. Tout était déjà là.

Matt Damon

À la projection officielle au Grand Théâtre Lumière, Stillwater a reçu une ovation qui a visiblement touché Matt Damon.

« J’ai été ému, a-t-il déclaré en rappelant la soirée de jeudi. Je suis vraiment heureux que nous soyons ici cette année, parce qu’on va se souvenir que ce film a été lancé à la fin de la COVID-19. Se retrouver dans une salle avec 1000 autres personnes qui nous sont étrangères, mais dont on sait qu’elles font partie de notre communauté parce que nous aimons la même chose. Ça nous rappelle fortement les raisons pour lesquelles nous exerçons ce métier. »

Présenté à Cannes hors compétition, Stillwater prendra l’affiche au Québec le 30 juillet.