(Cannes) Un redneck venu de son Amérique profonde, une bobo marseillaise fan de théâtre : Matt Damon et Camille Cottin se livrent à un étonnant pas de deux dans la cité phocéenne, dans Stillwater, évènement hors compétition à Cannes.

Propulsée par le succès mondial de la série Dix %, qui a fait connaître son jeu enlevé et pétillant jusqu’aux États-Unis, l’actrice française donne la réplique à la vedette hollywoodienne dans ce film signé de l’Américain Tom McCarthy, présenté sur la Croisette.

Matt Damon, physique taillé dans un bloc, casquette vissée sur la tête, est parfait en Bill Baker, Américain taiseux du Midwest, vie privée en vrac et gagnant durement sa vie sur les plateformes pétrolières. Le personnage « vient du cœur du pays de Trump, il est vraiment issu de cette culture », a expliqué Matt Damon à l’AFP.

Bill débarque à Marseille, où sa fille (interprétée par Abigail Breslin, la fillette de Little Miss Sunshine il y a 15 ans), croupit à la prison des Baumettes, condamnée pour avoir tué son amante et colocataire. Elle cherche à prouver son innocence. Balourd et maladroit, saura-t-il l’aider et retisser du même coup les liens avec elle, tout en déjouant les pièges et chausse-trappes d’une ville bouillante qu’il ne connaît pas ?

« On dirait l’histoire hollywoodienne standard, d’un père qui va innocenter sa fille, l’aider grâce à ce qu’il sait faire », poursuit Matt Damon, « mais c’est réellement le contraire, parce que ce type ne sait rien faire. Il ne comprend pas la langue, il ne comprend pas la culture. Il ne comprend pas vraiment où il est ».

« L’énergie du stade »

Rencontrée au hasard dans un hôtel, Virginie, le personnage interprété par Camille Cottin, est son contraire absolu : cultivée, légère, proche de sa petite fille qu’elle élève seule. « C’est une personnage que j’ai aimé, car il est à fond dans l’humanité » explique de son côté Camille Cottin : « elle est solaire, elle est ouverte et chaleureuse, je pense être comme ça, plus que froide et dans le contrôle ».

Sur le tournage, Camille Cottin a été marquée par le jeu de Matt Damon : « sa concentration, et la façon dont l’énergie du personnage est constamment là… Ça se diffuse et ça entraîne », ajoute-t-elle.

Au-delà de l’enquête que mène Bill pour innocenter sa fille, des snacks des quartiers Nord aux cafés du Vieux-Port où traînent des flics corrompus, le film montre l’alchimie entre ces deux personnages, qui vont peu à peu perdre leurs certitudes.

« Parfois, les réalisateurs américains viennent en Europe ou en France pour faire un film, mais ils plantent leur tente là et laissent les talents français de côté », a expliqué à l’AFP le réalisateur Tom McCarthy, oscarisé en 2016 pour Spotlight sur le journalisme et les abus sexuels dans l’Église catholique.

Pour Stillwater, la très grande majorité de l’équipe était française, et deux scénaristes français ont collaboré à l’écriture, pour éviter les clichés. Le film « est une collaboration, une rencontre entre des cultures cinématographiques », souligne Tom Mc Carthy, qui a confié de nombreux rôles à des Marseillais.

La sinistre prison des Baumettes (aujourd’hui rénovée), la splendeur des Calanques, le calme des arrière-cours, le film met à profit la légende noire et la lumière crue de Marseille, jusqu’à une scène clé tournée au sein même du Stade Vélodrome, pendant un véritable match. De quoi marquer le réalisateur : l’OM « a un cœur incroyable, et des admirateurs incroyables. L’énergie dans ce stade, le fait de filmer là, c’était vraiment très spécial ».