Le Palais des Festivals à Cannes est sans doute ce qui ressemble le plus à un temple du cinéma. Pour y entrer, il faut d’abord monter les célèbres marches recouvertes d’un tapis rouge.

Mais au cours des 16 derniers mois, l’immeuble et ses nombreuses salles aux noms prestigieux n’ont pas été au cœur de la frénésie des cinéphiles. Après le report, puis l’annulation du festival, en 2020, le Palais a été transformé en hôpital au cours des premiers mois de la pandémie. Au début de l’année, il est devenu une clinique de vaccination de masse.

Mardi, le 74e Festival de Cannes, reporté de mai à juillet, lancera enfin ses activités. Les vedettes viendront gravir le célèbre tapis rouge. Les écrans s’illumineront. Enfin, les films tenteront de raviver en partie de la romance et de la grandeur endormies.

« C’est une sorte de pèlerinage, et encore plus cette année », explique Mark Cousins, un cinéaste qui présentera en première The Story of Film : a New Generation au cours de la première journée sur la plage de Cannes.

Pendant ce temps, au Palais, Leos Carax, le réalisateur qui souhaite tourner de vrais rêves de cinéma, lancera son très attendu Annette, une comédie musicale mettant en vedette Adam Driver et Marion Cotillard.

La pression d’organiser un bon festival chaque année à Cannes est toujours énorme. La dernière fois, Parasite de Bong Joon Ho, avait enlevé la Palme d’Or au terme d’une programmation relevée.

Mais encore plus cette année. Après les longs mois d’hibernation, le grand devoir de Cannes sera de réveiller le cinéma.

« Quand [le délégué général] Thierry Frémaux m’a appelé après avoir vu le film, il m’a dit que nous étions endormis, que nous voulions nous réveiller et reprendre là où nous nous étions arrêtés », raconte Mark Cousins, qui présentera également en avant-première un documentaire sur le producteur Jeremy Thomas.

« J’ai hâte de vivre le bourdonnement, le déluge, l’épuisement de Cannes. »

Cannes sera le premier grand festival du film à être présenté réellement, sans volet virtuel. Il n’y aura pas de place libre entre les festivaliers [masqués]. Les participants devront être complètement vaccinés ou subir des tests toutes les 48 heures.

Mais, beaucoup de choses seront différentes. De nombreux visiteurs étrangers ne seront pas là. Les excentricités, comme Sacha Baron Cohen qui descend la Croisette à dos de chameau, seront rares.

Même sur le tapis rouge, certaines traditions ont été supprimées pour des raisons de sécurité. M. Frémaux accueille généralement tous les cinéastes et les comédiens au haut des marches, donnant à chacun la bise sur chaque joue. Mais, il n’y aura pas de bise en 2021, pandémie oblige.

Certains cinéastes ont dû composer personnellement avec la COVID. La réalisatrice Mia Hanson-Løve a perdu son père. L’idée de présenter en première son Bergman Island ne la terrifie pas du tout.

« J’ai vécu cette réalité d’une façon brutale et intérieure, raconte-t-elle. Cela ne signifie pas que je n’étais pas au courant ou inconsciente. Je suis encore en deuil. Je ne veux pas que mes réponses paraissent légères, comme si je m’en fichais. Ce que je veux dire c’est : je n’ai pas peur, peut-être parce que j’ai vu la mort dans les yeux. »

Parmi les réalisateurs à l’affiche en 2021, plusieurs abonnés du Festival : Wes Anderson, Asghar Farhadi, Paul Verhoeven, Jacques Audiard, Bruno Dumont et Sean Penn.

Pas moins de 24 films se disputeront la Palme d’or qui sera décernée par un jury présidé par Spike Lee, le premier Noir à avoir cet honneur.