En réalisant son premier court métrage, Saccage, en 2015, Marianne Farley a agi par curiosité, cherchant à savoir si elle avait une vision. La réponse est oui.

Non seulement a-t-elle du souffle, et son nouvel opus, Frimas, en fait la preuve, mais elle annonce déjà sa volonté à explorer plusieurs registres, sa capacité à se renouveler.

Avec Marguerite, son deuxième court métrage de fiction, Marianne Farley a été finaliste aux Oscars. Son troisième opus, Frimas, lancé vendredi soir au festival REGARD de Saguenay, était donc attendu. Visiblement, elle tire son cinéma vers le haut.

Porté par une Karine Gonthier-Hyndman en feu, ce drame sans compromis raconte l’histoire d’une femme qui se fait avorter à l’insu de son mari dans des conditions horrifiantes. La mise en scène est frontale et plonge le spectateur dans une clandestinité à la fois indescriptible et anxiogène.

La réalisatrice l’a souvent dit en entrevue, la montée de l’extrême droite la préoccupe, notamment sur le droit des femmes à l’avortement. Dans son esprit, les acquis ne sont pas scellés à jamais. Pour cette raison, son film est campé dans un futur proche où l’avortement est illégal. Le personnage de Kara (Gonthier-Hyndman) se fait avorter dans un camion de quartiers de viande roulant sur l’autoroute.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL REGARD ET H264.

Chantal Baril et Karine Gonthier-Hyndman forment un duo des plus convaincants dans Frimas de Marianne Farley.

Fort, le message passe aussi par la parole du personnage du médecin (Chantal Baril) qui lance à Kara : « Ton mari n’est pas pro-vie, il est antiavortement ».

Marianne Farley a tour à tour été chanteuse, comédienne et productrice avant de passer à la réalisation. Avec Au nord d’Albany, en cours de postproduction, on verra sous peu son premier long métrage de fiction.

À une remarque de La Presse lui signalant sa visible aisance dans ce métier, la cinéaste répond : « Je m’épanouis comme je ne me suis jamais épanouie dans autre chose. En me retrouvant réalisatrice sur un plateau, j’ai ressenti que je pouvais utiliser tout ce qui fait partie de moi. J’avais l’impression d’être enfin moi-même. »

À ce jour, ses films explorent des univers très différents avec une récurrence de l’un à l’autre : des femmes essayant de se soustraire à une situation éprouvante. Dans Saccage, une vieille dame se cache dans son garde-robe alors que des voleurs pillent sa maison. Dans Marguerite, une vieille femme sort du placard en côtoyant son aide-soignante homosexuelle. Dans Frimas, une femme se cache pour avorter. Dans Au nord d’Albany, une femme s’enfuit de la justice avec ses enfants. »

« Je pense que c’est dans mon subconscient, dit Mme Farley en riant. Ce qui me touche, ce sont les êtres humains capables de sortir de leur cocon. On est tous, à différents niveaux, dans une prison intérieure. Et on peut en sortir avec l’aide des autres. Mes films soutiennent que c’est par les rencontres que les humains réussissent à s’ouvrir, à vivre une transformation. Je pense qu’il est difficile de se transformer soi-même si on n’est pas confronté à quelqu’un d’autre. »

Les frais d’hébergement de ce reportage ont été payés par REGARD.