Fort de ses 16 citations, La déesse des mouches à feu a remporté pas moins de sept trophées Iris lors du Gala Québec Cinéma tenu dimanche. Sacré meilleur film de l’année, le long métrage a aussi valu à la cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette l’Iris de la meilleure réalisation. Souterrain, de Sophie Dupuis, a obtenu quatre trophées, et Le club Vinland, de Benoit Pilon, trois. Les Rose, choisi par le public, a par ailleurs eu droit à sa douce revanche.

Lancé l’an dernier dans un climat d’effervescence à la Berlinale, sorti en salle au Québec quelques mois plus tard avant que sa carrière ne soit interrompue en plein vol à cause de la pandémie, La déesse des mouches à feu a pu mettre un terme en beauté à cette année chaotique en étant plébiscité par les professionnels du cinéma québécois. Aux trois trophées déjà glanés jeudi lors du Gala des artisans dans les catégories montage, coiffure et distribution des rôles, le long métrage d’Anaïs Barbeau-Lavalette a ajouté à son palmarès l’Iris du meilleur film et de la meilleure réalisation. Le retour au jeu de Caroline Néron a été salué par l’Iris de la meilleure interprétation féminine dans un rôle de soutien, et la déesse elle-même, Kelly Depeault, a été désignée – dans un grand élan d’enthousiasme ! – révélation de l’année.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Le produteur Luc Vandal et la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette ont reçu les prix du meilleur film et de la meilleure réalisation pour La déesse des mouches à feu.

Rappelons que huit ans après Inch’Allah, Anaïs Barbeau-Lavalette est revenue au cinéma de fiction en portant à l’écran, de façon aussi frontale que sensible, le roman de Geneviève Pettersen dont Catherine Léger a signé l’adaptation. Le portrait qu’elle dépeint d’une adolescente de 16 ans, qui, au cours des années 1990, vit ses premières expériences de sexe et de dope pendant que ses parents s’entredéchirent, découle d’une vision à la fois brutale et chaleureuse.

« Je remercie ma gang de déesses, a déclaré Anaïs Barbeau-Lavalette lors de la cérémonie, retransmise en direct du studio 42 de Radio-Canada. « Ça me rassure de savoir que vous êtes la suite du monde ! »

Souterrain, Le club Vinland et Les nôtres font belle figure

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Sophie Dupuis a reçu le prix du meilleur scénario pour Souterrain.

Souterrain, de Sophie Dupuis, primé deux fois au Gala des artisans (meilleure direction de la photographie et meilleur son), a obtenu l’Iris très convoité du meilleur scénario. Théodore Pellerin, élu révélation de l’année en 2018 grâce à Chien de garde, le premier long métrage de la réalisatrice, s’est distingué cette fois dans la catégorie de la meilleure interprétation masculine dans un rôle de soutien. Dans Souterrain, l’acteur incarne un jeune homme handicapé, atteint aussi d’une difficulté de langage.

Après voir évoqué la nature solitaire du métier de scénariste, Sophie Dupuis a tenu à remercier le producteur Étienne Hansez, les acteurs « au contact de qui le scénario s’est bonifié », et a surtout voulu souligner l’apport des travailleurs miniers.

Ils m’ont ouvert leurs portes et leur cœur, et ce film leur rend hommage. Val-d’Or, je vous aime !

Sophie Dupuis, réalisatrice et scénariste

Le club Vinland, de Benoit Pilon, est reparti de la soirée avec trois trophées Iris au total. À ceux déjà attribués jeudi lors du Gala des artisans (direction artistique et costumes), il faut ajouter celui décerné dimanche à Sébastien Ricard, lauréat de l’Iris de la meilleure interprétation masculine dans un premier rôle. Pour le comédien, il s’agit d’un deuxième sacre dans cette catégorie, 11 ans après Dédé à travers les brumes, un film dans lequel il prêtait ses traits au regretté Dédé Fortin, leader du groupe Les colocs. Dans Le club Vinland, Sébastien Ricard incarne un frère enseignant qui, dans le Québec du début des années 1950, cultive le sens de l’aventure chez ses élèves, malgré les règles très strictes imposées par le clergé.

« Je tiens à saluer tous les enfants qui ont joué dans le film, auprès de qui j’ai beaucoup appris, qui sont maintenant devenus de jeunes hommes ! », a souligné l’acteur.

L’Iris de la meilleure interprétation féminine dans un premier rôle a été remis à Émilie Bierre, qui, à l’instar de Théodore Pellerin, avait déjà été élue révélation de l’année (Une colonie, 2019). Cette fois, la jeune actrice s’est démarquée grâce à sa composition dans Les nôtres. Dans ce long métrage de Jeanne Leblanc, Émilie Bierre, qui a accepté le prix « en toute humilité », est stupéfiante d’intériorité dans le rôle d’une toute jeune adolescente vivant dans une petite communauté, qui ne peut révéler l’identité du père de l’enfant qu’elle porte, ni trouver de refuge émotif nulle part.

Une première inattendue

Alors qu’il n’était même pas en lice au moment de l’annonce des sélections, avant que les organisateurs ne se ravisent et incluent aussi les documentaires, Les Rose, de Félix Rose, a remporté le prix du public, une première pour un long métrage documentaire dans toute l’histoire du gala, créé il y a 22 ans. Les Rose évoque la quête personnelle d’un fils désirant partir à la trace d’une partie de la vie de son père, dont on ne lui a jamais vraiment parlé, l’un des personnages clés de la crise d’Octobre de 1970 au Québec. Ironie du sort, le comité chargé de sélectionner les finalistes dans les catégories consacrées aux documentaires avait complètement ignoré ce long métrage. Le réalisateur a saisi l’occasion pour livrer un vibrant plaidoyer pour la diffusion des documentaires sur grand écran et la survie du patrimoine.

Déjà lauréat du prix Écrans canadiens du meilleur film documentaire le mois dernier, Errance sans retour, de Mélanie Carrier et Olivier Higgins, a par ailleurs reçu le même laurier au Gala Québec Cinéma. Avec les prix déjà reçus jeudi dans les catégories consacrées aux productions documentaires (grâce à la direction de la photographie et au montage), Errance sans retour a finalement obtenu trois trophées Iris. Rappelons que les cinéastes québécois ont posé leur caméra dans le camp de réfugiés Kutupalong, au Bangladesh, qui abrite des centaines de milliers de Rohingya en exil.

Vacarme, de Neegan Trudel, s’est par ailleurs inscrit au tableau d’honneur en décrochant l’Iris du meilleur premier film. Dans ce drame psychologique, le cinéaste relate le parcours d’une adolescente qui, placée dans un foyer par la Direction de la protection de la jeunesse, échappe à sa triste réalité à travers l’apprentissage de la musique.

Chez les courts

L’Iris du meilleur court métrage de fiction a été décerné à Écume, d’Omar Elhamy ; celui du meilleur court métrage d’animation à La saison des hibiscus, d’Éléonore Goldberg ; et celui du meilleur court métrage documentaire à Le frère, de Jérémie Battaglia.

Avec des prix partagés principalement entre trois productions dans les catégories dévolues à la fiction, cinq longs métrages sont néanmoins parvenus à transformer l’une de leurs sélections en trophée : Les nôtres (Émilie Bierre, interprétation féminine dans un premier rôle), My Salinger Year (Martin Léon, musique), Jusqu’au déclin (effets visuels), Blood Quantum (maquillages) et The Song of Names (film s’étant le plus illustré hors Québec). Des cinq longs métrages cités plus de dix fois, seul Target Number One, de Daniel Roby, a été complètement écarté du palmarès.

L’Iris Hommage a par ailleurs été remis jeudi à l’Association coopérative de productions audiovisuelles (ACPAV), qui célèbre cette année sa 50e année d’existence. C’est la première fois que cet honneur est remis à un organisme plutôt qu’à une personnalité.