Le seul festival de cinéma au Québec pouvant se permettre d’accueillir des spectateurs et des invités a été lancé samedi avec la présentation en primeur du Club Vinland, de Benoît Pilon. Mais cela n’en fait pas un festival « normal » pour autant.

(Rouyn-Noranda) L’Abitibi-Témiscamingue est colorée en jaune. C’est l’une des rares régions du Québec en « préalerte » à la COVID-19. Les organisateurs du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT) ont choisi d’aller de l’avant avec une édition comportant des projections en salle, mais ils ont dû néanmoins se soumettre à des règles sanitaires très strictes afin d’accueillir cinéphiles et invités. Jusqu’à jeudi, 90 films seront présentés, dont plusieurs en primeur, parmi lesquels Le club Vinland, de Benoît Pilon, et Les vieux chums, de Claude Gagnon. Ces deux longs métrages, dont les dates de sortie sont désormais à déterminer, auraient d’ailleurs dû prendre l’affiche ailleurs au Québec dans la foulée, mais la plupart des salles ayant dû fermer leurs portes, tout est en suspens.

Le Théâtre du cuivre de Rouyn-Noranda, qui pourrait accueillir 725 spectateurs en temps normal, devrait en laisser entrer 250 au maximum selon les règles imposées en zone jaune. Dans la pratique, on est loin de ce chiffre.

« On ne peut jamais se rendre à 250, car il faut tenir compte de la distanciation physique, indique Émilie Villeneuve, la directrice générale. Cela veut dire que si nous accueillons uniquement des spectateurs qui viennent seuls – c’est le cas de nos invités –, nous arrivons à 107, car il faut alors respecter la distance de 1,5 m – trois fauteuils – et condamner une rangée sur deux. Seuls des spectateurs provenant d’une même bulle familiale peuvent être placés ensemble. »

Reconnu pour sa convivialité, le FCIAT a aussi dû imposer des mesures strictes – et crève-cœur – visant à éviter tout contact entre les spectateurs. Il n’est plus question de jaser dans l’entrée du théâtre, ni de se rassembler entre les séances ou pendant la présentation d’un « bloc » de programmation. Chaque programme comprend la présentation d’un film d’animation, d’un court métrage et d’un long métrage. Les invités, venus de zones rouges pour la plupart, doivent emprunter une entrée distincte. Bref, une logistique complexe a dû être mise en place pour permettre la présentation des films sur grand écran.

Le club Vinland séduit

Pour Benoît Pilon, réalisateur du Club Vinland, le jeu en vaut largement la chandelle. Le réalisateur d’Iqaluit ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour faire le déplacement et venir présenter son film aux cinéphiles de Rouyn-Noranda, en compagnie des comédiens Sébastien Ricard, Émilie Bibeau et Arnaud Vachon, et de la productrice Chantal Lafleur.

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Benoît Pilon, Sébastien Ricard, Arnaud Vachon et Émilie Bibeau, du film Le club Vinland

« Notre récompense est de partager ce qu’on fait avec le public, de sentir la vibration d’une salle, a déclaré le cinéaste à La Presse. La première mondiale du film a eu lieu au festival de Pékin, où il y a aussi eu des projections en salle en respectant les règles de distanciation, mais il s’est déroulé sans invités. »

À Rouyn, on me donne l’occasion de présenter moi-même mon film devant un public pour la toute première fois. C’est comme un cadeau. Je me sens très privilégié, car très peu de festivals de cinéma peuvent être tenus de cette façon.

Benoît Pilon, réalisateur du Club Vinland

Très chaleureusement accueilli par le public du Théâtre du cuivre lors de la soirée d’ouverture, Le club Vinland s’inscrit dans la lignée de films comme Dead Poets Society ou Les choristes. Sébastien Ricard, excellent, incarne un frère enseignant dont le sens de l’aventure séduit la plupart de ses élèves, plus particulièrement un jeune homme un peu plus brisé (belle présence d’Arnaud Vachon), que sa mère (touchante Émilie Bibeau) élève désormais seule. Évidemment, le clergé ne l’entend pas tout à fait de la même façon.

> Voyez la bande-annonce du Club Vinland

Lors de sa présentation, Benoît Pilon a d’ailleurs fait écho au rôle important que les enseignants jouent dans la vie des jeunes. Les noms des acteurs qui défilent au générique de fin de ce beau film, dans lequel jouent aussi François Papineau, Rémy Girard et Fabien Cloutier, sont accompagnés du nom d’un enseignant ou d’une enseignante les ayant personnellement marqués. Voilà une belle attention.

Fascinante Imelda…

Par ailleurs, Martin Villeneuve s’est rendu à Rouyn avec les deux derniers volets d’une trilogie de courts métrages, amorcée en 2014, rendant hommage à sa grand-mère paternelle, morte à 101 ans, qu’il incarne en enfilant robes, perruques et chapeaux. Imelda 2 : Le notaire, lancé au Festival de cinéma de la ville de Québec en septembre dans une formule hybride, la confrontait à son fils (interprété par Robert Lepage), alors que dans Imelda 3 : Simone, présenté en primeur au FCIAT, l’aïeule, dont le côté cassant était bien réel, tente de faire la paix avec l’autre grand-mère de Martin – et Denis – Villeneuve (les deux femmes s’étant toujours détestées). Cette Simone est d’ailleurs incarnée par nulle autre que Ginette Reno. La chanteuse, dont le rôle le plus marquant au cinéma fut celui qu’elle a tenu dans Léolo (Jean-Claude Lauzon), n’avait pas été vue au grand écran depuis Le secret de ma mère (Ghyslaine Côté).

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Ginette Reno et Martin Villeneuve dans Imelda 3 : Simone, le troisième volet d’une trilogie que consacre Martin Villeneuve à sa grand-mère

« Je suis très émue, a déclaré la vedette sur la scène du Théâtre du cuivre. Martin m’a demandé de faire des choses que je ne fais pas d’habitude, mais je ne suis pas capable de lui refuser. Pourquoi ? », a-t-elle demandé.

Après le premier volet, Martin Villeneuve a d’abord eu l’idée de raconter la suite dans un long métrage, mais devant le refus des institutions, le réalisateur a décidé de se tourner vers le court métrage, produit de façon totalement indépendante. Robert Lepage et Ginette Reno avaient déjà donné leur accord à l’époque où un long métrage était dans les plans, mais le destin a joué ses cartes autrement. Dans le volet consacré à Simone, complètement réécrit, on entend même le personnage chanter La grosse, l’une des chansons les plus récentes de l’interprète de L’essentiel.

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Ginette Reno, lors de la soirée d’ouverture du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue

« Il y a deux ans, raconte le cinéaste, Ginette m’a demandé d’aller la voir parce qu’elle voulait me faire entendre une nouvelle chanson qui, m’a-t-elle dit, lui “servirait d’audition” pour Simone. Ginette a beaucoup d’humour, bien sûr, mais là, j’étais dans son salon, assis près d’elle quand elle a commencé à chanter, j’en ai eu des frissons. Toutes les paroles cadraient parfaitement dans l’histoire, d’autant que ma vraie grand-mère Simone chantait à l’église. C’était très touchant. Beaucoup d’anges gardiens ont permis la réalisation de ce film ! »

Le premier volet de la série Imelda, qui compte trois courts métrages de 14 minutes, peut être vu sur la plateforme Vimeo. Les deux autres seront offerts une fois la tournée des festivals terminée.

> Voyez Imelda

Le 39Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue se poursuit jusqu’au 5 novembre.

Les frais de voyage ont été payés par le FCIAT.