(Bangalore) De vieux films souvent, le masque obligatoire et plus grand-chose à déguster dans son fauteuil : malgré tout, les cinémas qui rouvrent jeudi en Inde espèrent attirer la clientèle après quasiment sept mois de fermeture à cause du coronavirus.

La pandémie a frappé les salles obscures dans le monde entier. Mais en Inde, où le cinéma s’apparente à une religion avec des vedettes adorées comme des dieux, c’est toute une culture qu’elle a bouleversée.

Bollywood, endeuillé par la perte récente de plusieurs vedettes emportées par le coronavirus, le cancer ou le suicide et frappée d’accusations sur la consommation de drogue, a bien besoin de bonnes nouvelles. Mais l’industrie du cinéma la plus prolifique au monde devra peut-être encore patienter.

Au Sharada à Bangalore, la séance matinale pour Kaanadante Maayavadanu, un film d’action, n’attire qu’une maigre file d’attente. Dans la queue, Chandrashekhar Naidu se dit « ravi » de retrouver le cinéma. « Je préfère regarder un film sur grand écran, les téléphones ne procurent pas autant de plaisir », explique à l’AFP cet homme d’affaires âgé de 55 ans.

Des responsables du secteur cités par le quotidien The Indian Express assurent que les réservations sont très faibles et que des salles ont annulé leurs séances matinales.

PVR, plus gros exploitant en Inde qui a essuyé une perte trimestrielle de 30 millions de dollars, n’ouvrait ses cinémas jeudi qu’à ses employés, aux policiers et à leurs familles, avant d’accueillir le public vendredi dans certaines salles.

Retrouver la confiance

« En ce moment, nous travaillons à retrouver la confiance des gens en leur faisant savoir que les cinémas sont des endroits sûrs et sécurisés pour eux », dit à l’AFP Lalit Ojha, directeur régional du deuxième exploitant national de multiplex INOX Leisure Ltd.

Les salles du groupe ne diffusent d’abord que de vieux films. La température des spectateurs sera vérifiée à l’entrée, la moitié des sièges devront rester vides pour respecter la distanciation physique et seule de la nourriture empaquetée sera disponible.

Oubliées les agapes proposées auparavant dans les cinémas haut de gamme où l’on pouvait manger du biryani ou des coupes de glace au caramel fondant dans son fauteuil inclinable.

« Nous espérons la sortie d’une superproduction pour Diwali », ajoute M. Ojha. Cinémas et commerces font d’habitude le plein pour la fête hindoue des lumières, prévue cette année le 14 novembre.

Sortir au cinéma a toujours été un loisir accessible en Inde : 75 roupies (un dollar) pour trois heures d’émotions, de danses et de chansons dans une salle avec l’air conditionné.

Mais les producteurs, nerveux, ont jusqu’à présent réfréné les annonces de grosses sorties, beaucoup préférant les plateformes de streaming comme Netflix, Amazon Prime et Disney+ Hotstar.

Les analystes ont beau souligner l’appétit refoulé dans un pays où les fans vont habituellement chaque semaine au cinéma et où 1800 films sont sortis en 2018, beaucoup pourraient ne pas se déplacer pour de vieux films.

Cercle vicieux

« C’est un cercle vicieux — les gens ne vont pas aller au cinéma sauf s’il y a des nouveautés. Et les producteurs ne vont pas sortir de films sans la garantie de faire de bonnes affaires », décrit à l’AFP l’analyste Komal Nahta. « Au bout du compte, quelqu’un devra bien prendre un risque et sortir un film intéressant ».

Certains seraient prêts à s’aventurer, avec au moins un film en hindi, Suraj Pe Mangal Bhari, attendu le 13 novembre pour Diwali.

Le producteur Aditya Chopra, grand nom de Bollywood, prépare pour la même période Bunty Aur Babli 2, suite d’un succès de 2005, selon les médias.

Reste qu’avec plus de sept millions de cas, la menace du coronavirus reste forte en Inde. À Bombay, qui abrite Bollywood, les autorités ont repoussé l’ouverture des cinémas.

« Bombay est au cœur de l’industrie cinématographique — si les cinémas y sont fermés, la bataille est déjà à moitié perdue », pense Komal Nahta.

Les autres cinémas pourront s’estimer heureux s’ils vendent ne serait-ce que la moitié des billets — 25 % de la capacité habituelle, évalue-t-il. « S’ils arrivent à remplir 60 % des sièges disponibles, ce serait une nouvelle extraordinaire pour l’industrie ».