(Londres et Paris) En pleine crise sanitaire, des fans de cinéma ont pris le chemin des salles obscures mercredi à Londres pour voir « LE » film de la fin d’été : Tenet, blockbuster entre espionnage et science-fiction, signé du prince du box-office Christopher Nolan, attendu comme le messie pour raviver un secteur déprimé par la pandémie.

Une fois n’est pas coutume, le film est sorti dans plus de 70 pays, surtout sur le Vieux Continent, avant les États-Unis, où Warner Bros. table sur l’important week-end férié de Labor Day, avec une sortie le 3 septembre.

Cette superproduction à 200 millions de dollars, après plusieurs reports, est la seule du genre à oser sortir maintenant. Disney, par exemple, a préféré sauter la case grand écran pour son produit phare, Mulan, redirigé vers les plateformes.

À Londres, le film semble remplir ses promesses. Soixante-et-une personnes ont assisté à la séance de la mi-journée à l’Odeon de Leicester Square, et les ventes de billets sont « très fortes » pour les prochaines séances à travers le pays, a constaté sa directrice Tessa Street.

« C’est vraiment le film parfait » pour faire revenir le public dans les cinémas, qui ont commencé à rouvrir début juillet au Royaume-Uni, estime-t-elle, interrogée par l’AFP. « Les gens qui viennent disent qu’ils reviendront, c’est super ».

Pour Kevin Toussaint, un cuisinier français de 31 ans résidant à Londres, c’était une première sortie au cinéma depuis la levée du confinement. « J’ai vu qu’ils montraient Tenet, et je suis curieux », a-t-il dit à l’AFP.

Le film a même pu compter sur un ambassadeur de prestige : dans une courte vidéo diffusée sur Twitter, la vedette américaine Tom Cruise a dit avoir « adoré » le film, qu’il a vu masqué à Londres, estimant « super d’être de retour dans une salle de cinéma », une façon d’encourager les spectateurs à revenir.

« Sauter dans l’écran »

Tenet a tout pour remplir sa mission. L’accroche scénaristique du film se reflète dans son titre, un palindrome, c’est-à-dire un mot qui se lit dans les deux sens.

Soit le traitement que Nolan réserve aux personnages de son film, qui vont pouvoir avancer normalement dans l’intrigue ou reculer dans le temps pour tenter d’avoir un coup d’avance sur l’autre.

De quoi dynamiter, avec cette touche de fantastique, une trame sinon classique d’un agent secret — John David Washington, fils de Denzel, vu dans BlacKkKlansman — aux trousses d’un esprit du mal - Kenneth Branagh, glaçant — qui menace l’humanité.

« Ce film est dix fois plus difficile à comprendre qu’Inception », a commenté sur Twitter un spectateur sud-coréen, qui a pu voir le film durant le week-end avant sa sortie officielle, comme 84 000 de ses compatriotes. « Mais Nolan est clairement un génie ».

Sans révolutionner les genres auxquels son film s’attaque avec fougue pendant 2 h 30, Nolan pousse le curseur très loin. Pour le volet espionnage, il y a des effluves de James Bond. Nolan a confessé la semaine dernière dans une conférence de presse mondiale par écrans interposés — COVID-19 oblige — avoir été marqué par The Spy Who Loved Me (L’espion qui m’aimait), un « Bond » période Roger Moore. « C’est le premier que j’ai vu, à 7 ans, avec l’impression que je pouvais sauter dans l’écran pour aller aux quatre coins du monde, c’est ce sentiment que j’ai voulu retrouver ».

« Vivre en plein cauchemar »

Tenet, tourné dans sept pays différents, respecte le cahier des charges. Mais la touche Nolan, c’est un héros noir, ce que n’ont jamais tenté jusqu’ici les décideurs de la franchise du célèbre agent secret au service de Sa Majesté.

La distribution est d’ailleurs impeccable. Robert Pattinson campe à merveille un personnage ambigu, qui comme il s’en réjouit « aime le chaos et vivre en plein cauchemar ». Et Elizabeth Debicki endosse une nouvelle fois l’habit d’une femme bafouée qui reprend sa liberté, comme dans Widows (Les veuves) de Steve McQueen. « Sa force vient de son voyage vers la résilience », raconte joliment l’actrice.

Sur le fond, le réalisateur américano-anglais, qui a soumis son script à des scientifiques pour coller aux théories sur la marche du temps, n’est pas le premier à réfléchir aux conséquences sur le présent d’une manipulation du passé. Terminator ou Edge Of Tomorrow (avec Tom Cruise) l’ont déjà fait. Mais ici, les passerelles temporelles sont plus nombreuses et plus poreuses.