Pendant la pandémie, notre critique vous propose chaque semaine trois longs métrages de répertoire à (re) découvrir. Au programme cette semaine : des films sur le monde du cinéma.

Cinéma d’ailleurs : 8 1/2 (1963)

Federico Fellini

Quand on évoque les films qui parlent de cinéma, et de ceux et celles qui le font, 8 ½ trône évidemment au sommet.

Au moment où il amorce le tournage d’Otto e mezzo, Federico Fellini a déjà six longs métrages à son actif, de même que des segments dans des films collectifs (d’où le titre, qu’il aurait choisi très tardivement).

Le réalisateur de La dolce vita a aussi vécu une dépression quelques années auparavant, tout juste après avoir réalisé La strada. Dans ce film phare, le génie du maître italien est d’avoir su, grâce à son imagination débordante, transcender la nature très autobiographique de son récit.

La toute première scène du film fait d’ailleurs écho au sentiment d’étouffement que ressent Guido, cinéaste alter ego incarné par le sublime Marcello Mastroianni, alors qu’il se retrouve prisonnier de sa voiture dans un immense bouchon, d’où il parvient à s’envoler.

En pleine préparation de son film, pressé par tous, le créateur n’a d’autre choix que de se projeter dans sa propre vie en replongeant dans ses souvenirs et ses fantasmes. L’enfance, bien sûr, marquée autant par une éducation religieuse que par les présences féminines, l’éveil à la sexualité, son rapport avec les femmes, puis, l’implacable réalité, dans laquelle il doit « gérer » sa relation avec son épouse (Anouk Aimée), qu’il aime, tout autant que celle qu’il entretient avec sa flamboyante maîtresse (Sandra Milo).

La trame musicale (signée Nino Rota), les images en noir et blanc (signées Gianni Di Venanzo), les personnages, la mise en scène, bref, tout dans ce film s’inscrit dans la mythologie du septième art.

Transformant en statuettes deux des cinq nominations obtenues aux Oscars en 1964 (il a été désigné vainqueur dans les catégories du meilleur film en langue étrangère et des meilleurs costumes), 8 ½ n’a certes pas volé son titre de chef-d’œuvre.

À voir sur The Criterion Channel, iTunes, YouTube et Google Play. Aussi en Blu-ray/DVD.

Cinéma d’ici : La femme de l’hôtel (1984)

Léa Pool

Après Strass Café, le moyen métrage qui l’a révélée, Léa Pool a proposé La femme de l’hôtel, un film qui l’a non seulement imposée comme cinéaste, mais qui a aussi contribué à la naissance d’un nouveau courant du cinéma québécois dans les années 80, mené par une nouvelle génération de créateurs.

Installée au Québec depuis déjà quelques années au moment où elle choisit le cinéma comme mode d’expression, Léa Pool fait écho dans ce long métrage à une quête d’identité féminine à travers trois personnages.

Paule Baillargeon incarne une réalisatrice en recherche pendant un tournage de film, que la rencontre avec une inconnue en errance dans un hôtel (Louise Marleau) va beaucoup inspirer. La troisième est une chanteuse comédienne (Marthe Turgeon) qui doit incarner dans le film qu’on tourne une version du personnage inspiré par la mystérieuse « femme de l’hôtel ».

En jetant les bases de son style et de thèmes qu’elle approfondira ensuite dans plusieurs autres films construits autour de personnages féminins, Léa Pool, d’origine suisse, amène aussi une vision inédite de Montréal.

Avec l’appui du directeur photo Georges Dufaux, la réalisatrice de La passion Augustine ponctue son premier long métrage d’images — magnifiques — de la métropole québécoise, souvent tournées en hiver, et de quelques observations sur une ville « dont aucune rue ne mène au fleuve ».

Soulignons aussi l’apport musical d’Yves Laferrière, qui est aussi le compositeur de la chanson-thème du film, intitulée Touch Me (le tout premier enregistrement solo de Marjolène Morin), avec des sonorités emblématiques de cette époque.

À voir sur Illico et iTunes (Répertoire Éléphant).

Hollywood : The Player (1992)

Robert Altman

The Player (Le meneur est le titre français au Québec) repose avant tout sur une intrigue policière. Mais l’homme menacé dans ce récit étant un directeur de production à l’emploi d’un grand studio hollywoodien, et le signataire de ces menaces étant un scénariste, Robert Altman profite de l’occasion pour dresser un portrait impitoyable du milieu du cinéma. Et c’est franchement jouissif.

Portant à l’écran un scénario que Michael Tolkin a tiré de son propre roman, le réalisateur de Nashville et de Short Cuts nous entraîne ainsi dans les coulisses d’une industrie où l’on est parfois prêt à tout pour gagner sa place. Et la garder une fois celle-ci acquise.

Marqué d’abord par un plan séquence de huit minutes où, dans les bureaux d’un grand studio, on assiste de l’extérieur aux discussions portant sur des projets de film, The Player comporte aussi des participations d’à peu près toutes les plus grandes vedettes hollywoodiennes du début des années 90, lesquelles ont, pour la plupart, improvisé leur scène. Plusieurs artisans du milieu y apparaissent aussi.

Selon le site imdb, on compte 13 lauréats d’un Oscar dans la distribution, et quinze autres comédiennes et comédiens du film ont déjà obtenu une nomination.

Altman avait en outre réussi un très grand coup en s’assurant une participation de Julia Roberts, devenue superstar deux ans auparavant grâce à Pretty Woman, dont le nom est évoqué dans tous les projets évoqués dans le film.

Au Festival de Cannes, The Player a valu à Robert Altman le prix de la mise scène, et à Tim Robbins, formidable dans le rôle du « meneur », le prix d’interprétation masculine.

À voir sur The Criterion Channel, iTunes, YouTube et Google Play. Aussi en Blu-ray/DVD.