(SAGUENAY) Hier, ils devaient se rassembler au 5 à 7 marquant le lancement de la compétition officielle de la 24édition du festival de courts métrages Regard. Annulation imputable à la COVID-19 oblige, ils se sont rassemblés à la Microbrasserie sur Mars dans une cohue où les mots solidarité et compréhension étaient sur toutes les lèvres.

À l’initiative de deux ou trois d’entre eux, les festivaliers ont en quelque sorte créé un évènement « Off festival Regard » dont l’appel à tous sur Facebook a été largement entendu. Résultat, autour de 17 h, la Brasserie sur Mars de la rue Racine se remplissait de dizaines de personnes au même rythme que les fûts de bière blonde se vidaient.

Pinte de blonde à la main, accréditation orange accrochée dans le cou, les festivaliers semblaient heureux de se retrouver. D’aucuns jasaient des nouvelles des dernières heures, de cinéma ou de la tempête de neige attendue aujourd’hui au Saguenay.

Marc Gauthier, directeur international du cinéma francophone en Acadie (FICFA), fut l’un des organisateurs de cette rencontre impromptue, avec Danny Lennon, organisateur du gala Prends ça courts ! tenu il y a 10 jours.

On était déçus de la décision. Mais on est quand même bien à Chicoutimi. C’est sur un coup de tête que nous avons lancé cet appel. L’idée est de rassembler le monde pour avoir quelque chose à faire. Mais aussi afin d’enlever un peu de poids sur les épaules de l’équipe organisatrice. Comme on dit en anglais : When life gives you lemons, make limonade (Quand la vie vous envoie des citrons, faites de la limonade).

Danny Lennon, organisateur du gala Prends ça court !

Julie Rousson, programmatrice de la compétition internationale du Festival de courts métrages de Clermont-Ferrand, fait partie de ces quelque 40 invités internationaux (sur un total de 500, dont la majorité devait arriver hier). Elle comprend dans quel état d’esprit sont les organisateurs.

« Notre festival (tenu en février) est passé très près de l’annulation, dit-elle. Je pense à l’équipe. Ça doit être terrible d’annuler et de gérer les aspects logistiques tout en aidant les invités internationaux qui ont envie de rentrer chez eux. Je suis censée repartir lundi, mais d’ici là, j’aimerais aider l’équipe. »

« J’ai reçu un appel annonçant l’annulation à 15 minutes de mon arrivée, dit Maxime Labrecque, membre du jury de l’Association des critiques de cinéma du Québec. Après le choc initial, je me suis dit : installons-nous, profitons du moment et réfléchissons à la suite des choses. Nos cœurs sont avec ceux des gens qui devaient présenter des films. »

PHOTO ANDRÉ DUCHESNE, LA PRESSE

Maxime Labrecque, membre du jury de l’ACCQ. « Nos cœurs sont avec ceux des gens qui devaient présenter des films. »

Réalisateur de Goodbye Golovin, Mathieu Grimard est l’un de ces réalisateurs. Il devait présenter son film hier après-midi dans le deuxième programme de la journée quand la nouvelle est tombée alors qu’il regardait des films du premier programme. « C’était comme absurde comme moment. Je suis super déçu, super frustré. J’ai envie de pleurer, mais si je m’éloigne de mon nombril deux secondes, je réalise que c’est la chose à faire. »

Nadia Savard et Daniel Gervais, copropriétaires de la Microbrasserie sur Mars où les bières portent des noms tels Fondation, Vénus du Berger ou HAL 9000, références à des œuvres de science-fiction dont ils sont friands, s’attendaient à une hausse de la fréquentation durant le festival. Mais pas autant qu’hier soir ! « On a appelé une employée de plus, dit Mme Savard. On compatit avec les organisateurs, mais il ne faut pas que les choses empirent. »

Onde de choc « indescriptible »

Un peu plus de trois heures plus tôt, à 13 h 53, lorsque les dirigeants de Regard ont annoncé l’annulation du festival qui avait été lancé la veille, les mines étaient longues dans le hall de l’hôtel Chicoutimi, quartier général du festival où logent plusieurs invités.

Alors que de nouveaux invités et des représentants des médias, comme nous, arrivaient pour le festival, les employés de l’accueil devaient leur annoncer la mauvaise nouvelle. Ailleurs, d’autres membres du personnel s’empressaient de prévenir les participants encore en chemin. En conférence de presse à l’hôtel de ville, la directrice générale du festival, Marie-Elaine Riou a expliqué, non sans émotion, l’état de la situation.

« On a travaillé durant des mois à organiser cet évènement, a-t-elle rappelé. Puis, tout a été extrêmement vite. En se réveillant ce [jeudi] matin, on ne pouvait pas imaginer la situation à 14 h. Mais à la suite de l’annonce relative aux évènements réunissant 250 personnes et plus, il a fallu se résigner, car la majorité de nos salles en comptent davantage. »

Mme Riou ne pouvait dire hier quel est l’impact financier de cette annulation, quoiqu’elle l’ait qualifié de « phénoménal » puisqu’il survient durant et non avant les activités.

Accompagnée de Sophie Beauparlant et de l’ancien ministre Stéphane Bédard, respectivement présidente et administrateur du conseil d’administration, Mme Riou a précisé que la direction avait gardé le contact depuis plusieurs jours avec la Direction régionale de la santé publique et que jamais, jusqu’à jeudi midi, la tenue du festival n’avait été remise en question.

La situation est un peu indescriptible, car on a essayé de voir venir et on ne croyait pas vraiment que ça pouvait arriver.

Marie-Elaine Riou, directrice générale du festival Regard

Dans le calendrier des évènements culturels de Saguenay, Regard occupe une place intéressante, mars étant en basse saison. Une trentaine d’employés étaient mobilisés à l’organisation depuis novembre, dit Sophie Beauparlant. S’y ajoutent des contractuels et quelque 200 bénévoles. Bon an, mal an, le festival attire entre 20 000 et 22 000 spectateurs.

« On espérait atteindre le chiffre de 25 000 cette année », ajoute Mme Beauparlant.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par le festival Regard.