(Los Angeles) Un terrain de foot, deux enfants sur une mobylette et un âne qui écoute de la musique dans le désert tunisien : rempli d’humour et porté par deux jeunes comédiens non professionnels pleins de spontanéité, le film Nefta Football Club pourrait bien être dimanche la surprise française des Oscars.

En tournée de promotion à Los Angeles, le scénariste et réalisateur Yves Piat éprouve un « plaisir incroyable » à voir son film nommé — avec quatre autres — dans la catégorie du meilleur court métrage.

« J’étais au déjeuner des nommés, Charlize Theron m’a fait un “hug” pour me féliciter ! Ici aux États-Unis, ils adorent le film, je suis vraiment content de ça », confie à l’AFP le natif de Tourcoing, 46 ans.

« On a une catégorie assez ouverte, il n’y a pas un film qui s’impose, pas de favori, même si nous sommes plutôt la surprise de cette liste de nommés », admettent les producteurs, Damien Megherbi et Justin Pechberty, de la société Les Valseurs, déjà remarqués pour Vilaine fille, César du meilleur court métrage d’animation en 2019.

Une surprise ? Nefta Football Club a pourtant déjà eu une belle carrière depuis sa première projection en octobre 2018 au Cinemed, le festival du film méditerranéen de Montpellier, où il avait décroché le prix du public.

« Il a obtenu plus de 70 récompenses, dans des festivals du monde entier, dont une vingtaine de prix du public, notamment à Clermont-Ferrand », ville hôte du plus important festival de courts métrages en Europe.

Coup d’arrêt

Salué par la critique et par ses pairs, Yves Piat n’a cependant pas connu une carrière linéaire dans le milieu du septième art.

Formé au design industriel, ce Breton d’adoption n’a pas fait d’école de cinéma, mais se souvient avoir passé des heures à ingurgiter un cours proposé sur CD-ROM. « Je voulais comprendre comment tout fonctionnait, une caméra, le montage, la technique ».

D’abord aide-décorateur sur des tournages, puis régisseur, il se fait la main en réalisant de fausses publicités, puis un premier court métrage, Tempus Fugit, dans lequel apparaît l’acteur Maurice Garrel.

« J’avais 27 ans, c’était mon premier film, mais je n’étais pas suffisamment mature à l’époque pour imposer véritablement mes choix. J’ai accepté beaucoup de choses que je ne ferais plus aujourd’hui », raconte-t-il.

Son activité de réalisateur connaît un coup d’arrêt au milieu des années 2000, après s’être fortement investi dans un projet de long métrage qui n’aboutira pas.

« Pendant quatre ans et demi, cinq ans, j’ai fait un film qui ne s’est pas fait », résume-t-il simplement. S’il s’est ensuite tenu éloigné des plateaux pendant plus de dix ans, Yves Piat dit n’avoir « jamais arrêté de penser à faire des films », et avoir « toujours continué à écrire ».

Prise de risque

Revenu derrière la caméra en 2016, il propose, avec Nefta Fooball Club, un sujet sérieux, le trafic de drogue, traité avec légèreté. « Il y a un côté malin dans la façon de raconter les choses », estime-t-il. « Souvent les gens pensent que le film est un drame, mais en fait pas du tout ».

Le tournage, lui, a connu plusieurs péripéties. Prévu sur neuf jours au Maroc, il s’est finalement tenu en six jours en Tunisie, principalement pour des questions de budget. Et l’un des principaux acteurs a été recruté 48 heures avant les premières prises de vues, « après une balade dans Tunis ».

« Il y avait ce petit qui dansait au milieu de jeunes enfants un peu plus grands que lui… Ça a été une évidence alors que ce gamin n’avait jamais fait de théâtre et n’était sans doute jamais entré dans une salle de cinéma », se remémore le réalisateur. Une prise de risque qui s’est avérée payante.

Tournés vers la suite, Yves Piat et ses producteurs planchent désormais sur un long métrage, « un peu dans le même univers ». Un projet qui pourrait s’accélérer si l’équipe venait à décrocher un Oscar… ou un César, puisque le film est également en lice pour ces récompenses.