(Biarritz) Elle s’est battue pour promouvoir une « diplomatie féministe », a été membre du conseil de sécurité de l’ONU, a joué les médiatrices entre les États-Unis et la Corée du Nord : The Feminister offre un portrait intense de l’ex-ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallström.

En 90 minutes, ce film de Viktor Nordenskiöld présenté au Festival international documentaire de Biarritz (Fipadoc), suit la dirigeante sociale-démocrate de 2014 à 2018, de ses premiers pas en tant que cheffe de la diplomatie suédoise jusqu’au bout de son premier mandat.

À peine nommée aux Affaires étrangères, elle annonce son intention de conduire une « diplomatie féministe », une formule qui fait mouche et attire l’attention des médias internationaux.

The Feminister est la chronique de cette épopée toute en montagnes russes. Car la ministre suédoise, qui a quitté ses fonctions l’an dernier pour raisons familiales, va traverser de nombreuses crises comme lorsqu’elle enclenche la reconnaissance de la Palestine comme un État, ou qu’elle critique abruptement Israël, ce qui lui vaut des accusations d’antisémitisme et des menaces de mort.

Et lorsqu’elle dénonce frontalement la situation des droits de l’Homme en Arabie saoudite, elle plonge la Suède dans un bras de fer difficile.

Mais durant ces épisodes de grande tension, la dirigeante ne laisse rien transparaître en public de ses doutes et de ses émotions, qu’elle laisse en revanche transparaître dans le film.

Qu’on soit admirateur ou critique de la diplomatie façon Wallström, le documentaire, déjà diffusé en Suède et qui a séduit plusieurs festivals dans le monde, s’avère un exercice de transparence rarement pratiqué à ce niveau de pouvoir.

Coulisses des négociations

Pour réaliser ce film, Viktor Nordenskiöld a en effet bénéficié d’un accès exceptionnel, suivant la dirigeante dans son travail au quotidien, et il a pu notamment filmer les coulisses de la médiation qu’elle a menée entre la Corée du Nord et les États-Unis. Même s’il a été obligé d’arrêter la caméra à certains moments clés de ces négociations secrètes.

« Il y avait des limites [à ce que je pouvais filmer], mais je pense qu’on m’a donné tout ce qui était possible, et parfois même, on oubliait que j’étais là », a confié le réalisateur, dans un entretien à l’AFP.

« J’étais un peu hésitante au début, mais je l’ai fait dans un souci de transparence », explique Margot Wallström, venue également au Fipadoc. En outre, « c’est une question de confiance, tu n’avais pas d’intention cachée », lance-t-elle au réalisateur.

Si le documentaire montre que son idée d’une diplomatie féministe et volontariste s’est heurtée à bien des réticences, elle juge le bilan de son action positif.

« S’il y avait une chose à retenir, c’est l’énorme intérêt qu’elle a suscité partout dans le monde », fait valoir l’ancienne ministre, qui souligne que les grands principes qu’elle défendait (l’égalité des droits, une meilleure représentation des femmes, et des moyens budgétaires pour remplir ces objectifs) ont essaimé dans la diplomatie en Suède comme dans d’autres pays.

« Ces idées gagnent du terrain » et produisent des résultats « très concrets », affirme encore la responsable, qui dit avoir agi par pragmatisme et non par idéologie. « Pourquoi vouloir une diplomatie féministe ? Ce n’est pas une problématique qui ne concerne que les femmes. C’est parce qu’on sait que là où y a plus de femmes (au pouvoir, NDLR), le monde est plus sûr ».

Un moment fort du film, et un motif de fierté personnelle est l’obtention par la Suède d’un siège temporaire au conseil de sécurité de l’ONU, qui couronne ses efforts pour remettre son pays au centre de l’échiquier diplomatique.

Mais la satisfaction est de courte durée. Fin 2016, alors que Margot Wallström rêvait d’une victoire de Hillary Clinton, l’élection de Donald Trump douche ses espoirs progressistes et ouvre une période d’instabilité inédite dans les relations internationales.

« Je pense qu’être un ministre des affaires étrangères n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui. […]. Il y a tellement de choses inattendues qui se produisent, tous les jours », dit à l’AFP l’ancienne cheffe de la diplomatie suédoise, qui travaille désormais sur des sujets comme le désarmement, et le lien entre le changement climatique et les conflits.