En temps normal, Tenet serait déjà l’un des grands évènements cinématographiques de l’année. Les attentes envers le nouveau film de Christopher Nolan sont cependant encore plus grandes aujourd’hui puisqu’il annonce la relance des superproductions hollywoodiennes sur grand écran. En plus d’assister à une rencontre de presse virtuelle destinée à la presse internationale, La Presse a pu s’entretenir avec Elizabeth Debicki, vedette féminine d’un film pas comme les autres.

Qu’il s’agisse d’Inception, d’Interstellar, de Dunkirk ou de The Dark Knight, Christopher Nolan tient à garder jalousement ses secrets jusqu’au tout dernier moment. À quelques jours de la sortie internationale de Tenet, mercredi, le cinéaste a enfin levé un peu le voile sur ce thriller d’espionnage intrigant, où la notion du temps emprunte une forme plus originale.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

John David Washington et Elizabeth Debicki dans Tenet, film de Christopher Nolan

« L’idée de ce film me trotte dans la tête depuis une dizaine d’années, explique-t-il. Ceux qui connaissent mon travail pourront d’ailleurs établir certains liens avec de plus vieux films. Cette fois, j’ai souhaité me frotter au genre du thriller d’espionnage en essayant d’entraîner le spectateur dans des concepts de temporalité un peu inédits. Il m’a fallu six ou sept ans pour écrire le scénario. »

Un vrai film d’espionnage

Ce concept inédit fait écho à un « renversement temporel » qu’il ne faudrait pas confondre avec un voyage dans le temps. Interprété par John David Washington (BlacKkKlansman), le personnage principal, connu seulement sous le nom de « Protagonist », est un agent d’élite qui, armé d’un seul mot – Tenet –, doit accomplir une mission de laquelle dépend le sort de l’humanité. Et ce, dans une dimension où le temps ne s’écoule plus tout à fait de la même façon.

À partir du moment où j’ai décidé de concevoir un film d’espionnage, j’ai essayé d’écrire l’histoire la plus captivante possible, précise le cinéaste. Le récit a d’ailleurs beaucoup évolué au fil de l’écriture parce que j’ai mis beaucoup de temps à trouver une façon d’allier le concept d’une autre temporalité à celui d’un vrai thriller. Je tenais aussi à ce que l’histoire ait une dimension internationale et qu’elle se déroule dans plusieurs pays.

Christopher Nolan

Tourné en Estonie, en Italie, en Inde, au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et aux États-Unis, Tenet a été filmé en majeure partie avec des caméras IMAX, lesquelles ont cependant dû être ajustées afin d’obtenir les effets désirés. Tenant aussi à filmer les scènes d’action de la façon la plus réaliste possible, sans trop recourir à des images de synthèse, Christopher Nolan s’est donné les moyens de ses ambitions.

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John David Washington et Christopher Nolan sur le plateau deTenet, film de Christopher Nolan

Un vieux Boeing 747, remisé à l’aéroport de Victorville, non loin du désert des Mojaves en Californie, a été retapé pour mieux être détruit ensuite à la faveur d’une scène où l’appareil s’encastre dans un édifice. Une autoroute à six voies traversant la ville de Tallinn, en Estonie, a été complètement fermée pendant quelques semaines afin que l’équipe de Tenet puisse tourner l’une des séquences les plus spectaculaires du film. Il a aussi fallu redonner son lustre au Linnahall de Tallinn, où a été tourné le prologue, une salle de concert et de sports construite expressément pour les Jeux olympiques de Moscou en 1980, apparemment complètement laissée à l’abandon depuis 10 ans.

« En utilisant de vrais décors, un défi de ce genre se pose devant nous chaque semaine, observe Emma Thomas, productrice de tous les films de son mari, y compris Following, le tout premier, réalisé en 1998. Évidemment, ce genre de tournage est très complexe sur le plan de la logistique, ne serait-ce que pour obtenir les autorisations. Ce que nous avons fait dans un aéroport, pour ne parler que de cette séquence, aucun aéroport n’a l’habitude de le faire ! »

« Un sentiment très pur, très fort »

« Quand on souhaite créer un divertissement à grand déploiement, poursuit le cinéaste, on peut vite se rendre compte des limites de ce qu’on peut faire quand on se cantonne à un seul endroit. Le monde est si vaste. Le fait de tourner dans plusieurs pays nous permet d’inviter le spectateur à quitter son monde pour un instant et de lui faire visiter des endroits où il ne se rendra probablement jamais. Cette approche a aussi son importance sur le plan dramaturgique, car la menace au cœur de l’histoire de Tenet est globale. En montrant ce monde, et en montrant aussi les peuples qui vivent dans ces différents pays, ça crée un sentiment de solidarité planétaire, je crois. »

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John David Washington, Robert Pattinson et Jack Cutmore-Scott dans Tenet, film de Christopher Nolan

Quand il évoque un modèle du film d’espionnage, Christopher Nolan pense notamment à The Spy Who Loved Me (Lewis Gilbert), qu’il a vu à l’âge de 7 ans, et grâce auquel il a découvert l’univers de James Bond.

« En regardant ce film sur grand écran, j’ai tout à coup pris conscience des immenses possibilités qu’offrait le cinéma. C’était comme si je m’étais évadé complètement de mon monde, comme si tout pouvait devenir possible. En réalisant Tenet, j’avais envie de retourner à ce sentiment très pur, très fort. »

Un personnage sur mesure pour Elizabeth Debicki

Révélée grâce à The Great Gatsby, de son compatriote Baz Luhrmann, l’actrice australienne Elizabeth Debicki est l’une des étoiles montantes du cinéma international. Sur la recommandation de sa productrice, Christopher Nolan a porté attention à l’actrice en regardant Widows, film de Steve McQueen. Il fut si subjugué par la performance de cette dernière qu’il a réécrit le personnage de Kat, au départ plus âgé, sur mesure pour elle.

« C’est drôle, car la toute première fois que j’ai rencontré Chris, nous n’avons pas parlé du film du tout ! confie l’actrice au cours d’un entretien accordé à La Presse. Nous avons parlé de tout et de rien, avons bu quelques tasses de thé, et je suis partie. Je n’ai entendu parler du projet que quelques semaines plus tard. Et j’ai su qu’il avait réécrit le personnage pour moi seulement une fois le tournage terminé ! C’est d’ailleurs bien qu’il ait agi ainsi, car, honnêtement, je ne sais pas comment j’aurais réagi si on me l’avait dit ! »

L’actrice, récemment choisie pour incarner la princesse Diana dans les deux dernières saisons de la série The Crown, indique avoir toutefois bien remarqué à la lecture du scénario une espèce d’aspect synchronique entre son personnage et elle. Qui n’est sans doute pas l’effet du hasard.

« Ça correspond tout à fait à ce que j’ai envie de faire en tant qu’artiste, précise-t-elle. Cela dit, un scénario de Christopher Nolan ne ressemble à aucun autre, tout comme ses films, qui sont uniques. En le lisant, j’en comprenais bien l’esprit, mais j’avais plus de mal à imaginer ce que tout ça donnerait visuellement. Pour tout dire, je pouvais difficilement imaginer les scènes d’action à la lecture, même si elles sont parfaitement décrites, parce que je n’ai pas l’habitude de tourner ce genre de séquences. En même temps, j’avais l’impression qu’on m’avait donné une clé pour ouvrir un coffre magique ! »

Estimant que le cinéma de Nolan s’adresse autant à l’intellect qu’à l’instinct du spectateur, Elizabeth Debicki s’est abandonnée à la vision d’un créateur d’exception.

« Tout ce qui apparaît à l’écran vient de l’esprit de Chris, autant que de son cœur. Et nous, les interprètes, sommes les vecteurs de son imagination. Nous avons ainsi la responsabilité de bien donner vie au monde qu’il a créé. Cela donne un très bel échange. Cette confiance qu’il accorde vous donne aussi une espèce de liberté, en tant qu’acteur, comme celle d’un musicien qui veut donner le meilleur de lui-même à son chef d’orchestre. »

Tenet prendra l’affiche le 26 août en version originale, en version doublée en français, et en version originale sous-titrée en français.

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John David Washington dans Tenet, film de Christopher Nolan

John David Washington – Protagonist

Faisant partie d’une escouade d’élite, Protagonist est le personnage principal du film, entraîné dans un monde parallèle pour une mission périlleuse. « Rien n’est dit, mais dans mon esprit, je crois que ce gars a été recruté très jeune, affirme John David Washington. Il est mû par la foi en l’humain et est convaincu de ses capacités d’évolution. En guise de préparation, je me suis beaucoup entraîné physiquement et je me suis inscrit à l’université Christopher Nolan. C’est très formateur et enrichissant. Chris a été très patient avec moi à Bombay, car nous avons tourné une scène où mon personnage grimpe sur un immeuble. Or, j’ai peur des hauteurs ! Disons que ce fut un défi ! »

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Robert Pattinson dans Tenet, film de Christopher Nolan

Robert Pattinson – Neil

Ce personnage, dont on ne sait rien de l’histoire, sort un peu de nulle part et fait équipe avec Protagonist dans de nombreuses situations critiques. « Il y a tellement de dimensions à ce personnage qu’il est difficile de le définir, commente Robert Pattinson. Mais Neil est lui-même conscient de sa complexité. Il est plutôt inhabituel – et amusant – d’avoir à jouer un personnage évoluant dans un monde tout aussi complexe que lui. J’en suis venu à déduire que Neil fait partie de ces êtres qui apprécient le chaos dans lequel on les place. Il aime voir comment Protagonist compose avec l’incroyable situation – très désagréable – dans laquelle il se trouve. C’est comme si Neil adorait vivre dans un cauchemar. »

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Elizabeth Debicki dans Tenet, film de Christopher Nolan

Elizabeth Debicki – Kat

Mariée à Sator, le vil personnage de l’histoire, Kat se retrouve au cœur d’une intrigue dont le dénouement pourrait avoir de tragiques conséquences. « Je la décrirais comme une femme de contradictions, précise Elizabeth Debicki. Quand j’ai lu le scénario, j’ai eu le sentiment que Kat était une femme en guerre contre des facettes d’elle-même, qui doit entreprendre un périple psychologique très complexe pour découvrir sa propre résilience. Cette femme forte s’engage aussi dans une mission pour sa quête de liberté. Au premier jour, j’étais terrifiée sur le plateau, mais de tourner dans un cadre réaliste aide beaucoup. Tout autant que de jouer avec d’extraordinaires partenaires de jeu ! »

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Kenneth Branagh dans Tenet, film de Christopher Nolan

Kenneth Branagh – Sator

Cet oligarque russe est le personnage clé de la mission de Protagonist. Incarné par l’acteur britannique Kenneth Branagh, qui a campé le rôle d’un capitaine dans Dunkirk, Andrei Sator est un être sans foi ni loi. « Le personnage était déjà parfaitement décrit dans le scénario, indique l’acteur, aussi cinéaste. Chris a ce don de créer des personnages extraordinaires. Sator est un homme qui n’a que faire de son âme, même si ses gestes peuvent avoir des conséquences désastreuses pour l’humanité entière. Il fait un pacte avec le diable en se donnant un pouvoir terrifiant, mais en même temps, ce pouvoir s’accompagne d’une solitude terrifiante. Quand j’ai vu le film, ce personnage m’a fait peur à un point tel que je ne me voyais plus. Ce fut vraiment un privilège de le jouer. »