(Paris) C’est « LE » film de la fin d’été : Tenet, blockbuster malin entre espionnage et science-fiction, signé du prince du box-office Christopher Nolan, est attendu comme le messie par les exploitants de salles déprimés par le contexte sanitaire.

Cette superproduction à 200 millions de dollars, après plusieurs reports, est la seule du genre à oser sortir maintenant. Disney, par exemple, a préféré sauter la case grand écran pour son produit phare, Mulan, redirigé vers les plateformes.

Mais Warner Bros. fait confiance à son champion : les films de l’auteur qui a réinitialisé Batman avec sa trilogie ont rapporté plus de 4 milliards de dollars.  

Tenet sera visible dès le 26 août, pas aux États-Unis, mais dans plus de 70 pays, dont la plupart de ceux d’Europe, sans oublier le Canada, l’Australie et la Corée du Sud. Pour les États-Unis, Warner Bros. s’est laissé quelques jours de plus et table aussi sur l’important week-end férié de la Fête du travail, avec une sortie le jeudi 3 septembre.

À la question « Ce film sauvera-t-il le cinéma en 2020 ? », la BBC répond par l’affirmative dans une récente analyse, dépeignant Nolan comme un « saint-patron » des salles obscures. Le créateur d’Inception et d’Interstellar est conscient de son poids dans l’industrie du film, comme en témoigne sa récente tribune dans le Washington Post. « Ces dernières semaines nous ont rappelé, s’il y en avait besoin, qu’il y a des choses bien plus importantes dans la vie que d’aller au cinéma, écrit-il. Mais quand on réfléchit à tout ce que le cinéma nous offre, il n’est peut-être pas si inutile que ça ».  

« Sauter dans l’écran »

Tenet a tout pour remplir sa mission. L’accroche scénaristique du film se reflète dans son titre, un palindrome, c’est-à-dire un mot qui se lit dans les deux sens.

Soit le traitement que Nolan réserve aux personnages de son film, qui vont pouvoir avancer normalement dans l’intrigue ou reculer dans le temps pour tenter d’avoir un coup d’avance sur l’autre.  

De quoi dynamiter, avec cette touche de fantastique, une trame sinon classique d’un agent secret - John David Washington, fils de Denzel, vu dans BlacKkKlansman - aux trousses d’un esprit du mal - Kenneth Branagh, glaçant - qui menace l’humanité.

Sans révolutionner les genres auxquels son film s’attaque avec fougue pendant 2 h 30, Nolan pousse le curseur très loin. Pour le volet espionnage, il y a des effluves de James Bond.  Nolan a confessé mercredi dans une conférence de presse mondiale par écrans interposés - COVID-19 oblige - avoir été marqué par L’espion qui m’aimait, un Bond période Roger Moore. « C’est le premier que j’ai vu, à 7 ans, avec l’impression que je pouvais sauter dans l’écran pour aller aux quatre coins du monde, c’est ce sentiment que j’ai voulu retrouver ».

« Vivre en plein cauchemar »

Tenet, tourné dans sept pays différents, respecte le cahier des charges. Mais la touche Nolan, c’est un héros noir, ce que n’ont jamais tenté jusqu’ici les décideurs de la franchise du célèbre agent secret au service de sa Majesté.  

Le casting est d’ailleurs impeccable. Robert Pattinson campe à merveille un personnage ambigu, qui, comme il s’en réjouit, « aime le chaos et vivre en plein cauchemar ». Et Elizabeth Debicki endosse une nouvelle fois l’habit d’une femme bafouée qui reprend sa liberté, comme dans Les Veuves de Steve McQueen. « Sa force vient de son voyage vers la résilience », raconte joliment l’actrice.  

Pour l’action pure, il y a des échos des déflagrations de Heat voire de Matrix, références toutefois prises de vitesse par le dispositif narratif d’une dernière demi-heure insensée.  

Sur le fond, le réalisateur américano-anglais, qui a soumis son script à des scientifiques pour coller aux théories sur la marche du temps, n’est pas le premier à réfléchir aux conséquences sur le présent d’une manipulation du passé. Terminator ou Edge Of Tomorrow (avec Tom Cruise) l’ont déjà fait. Mais ici, les passerelles temporelles sont plus nombreuses et plus poreuses.