Un jugement récent de la Cour supérieure condamne le Festival des films du monde (FFM) à rembourser près de 1 million de dollars à la SODEC. Or, personne ne sait si le FFM pourra payer ses dettes ni quels sont les plans de son président fondateur, Serge Losique.
Au bout de quatre années de litige, un juge de la Cour supérieure a ordonné au Festival des films du monde (FFM) de rembourser quelque 886 000 $, plus les intérêts et les frais de justice, à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), le 27 novembre dernier.
La SODEC avait intenté une poursuite contre Serge Losique et le FFM en novembre 2015 pour défaut de remboursement d’un prêt consenti par sa banque d’affaires cinq ans plus tôt.
Or, après avoir refusé pendant quatre ans de rembourser ces sommes, le FFM « a acquiescé sans réserve » à la demande en justice de la SODEC, en plus de retirer sa propre démarche judiciaire. En 2016, le FFM avait en effet avancé que la poursuite de la SODEC lui avait causé des torts, et son avocat réclamait 2,5 millions de dollars en dommages à l’organisme subventionnaire québécois.
Jointe par La Presse, Monique Simard, qui était présidente et chef de la direction de la SODEC au moment du dépôt de la poursuite, a seulement pu dire qu’on lui a annoncé l’automne dernier qu’elle n’était plus citée comme témoin par la Cour supérieure.
À la SODEC, on a refusé de commenter la nouvelle. La directrice des communications, Johanne Morissette, nous a renvoyé au cabinet d’avocats Robinson, Sheppard Shapiro.
« Le FFM a effectivement consenti à rembourser notre client et le jugement est en cours d’exécution », s’est contenté de nous dire l’avocat représentant la SODEC, Me Martin Côté.
Serge Losique injoignable
Depuis plusieurs semaines, La Presse tente en vain de parler à Serge Losique ou à quiconque au FFM. Même sa ligne personnelle à Montréal indique qu’il n’y a plus d’abonné au numéro…
Toutefois, La Presse a pu brièvement s’entretenir avec son fils, François Beaudry Losique, actuel directeur du cinéma Impérial. Ce dernier nous confirme que les bureaux du FFM, à l’étage de l’Impérial, sont « déserts depuis un bout de temps ».
Selon M. Beaudry Losique, son père a pris du mieux depuis l’été dernier ; sa santé est bonne et, à 88 ans, il a recommencé à conduire sa voiture. Par contre, il n’a pu nous mettre en contact avec lui ni nous donner des nouvelles sur l’avenir du FFM. « Je travaille pour l’Impérial. Je ne suis pas au courant des affaires du Festival depuis de nombreuses années », déclare-t-il.
Relancé à plusieurs reprises depuis quelques semaines par La Presse, l’avocat représentant le FFM, Me Richard Mallette, n’a pas répondu à nos questions sur la cause de son client.
Un autre litige
La décision du juge Martin Castonguay s’applique légalement depuis le 28 décembre dernier. Comment le Festival, sans financement public et déjà lourdement endetté, parviendra-t-il à amasser près de 1 million de dollars ? Le FFM fait aussi face à au moins un autre litige financier, avec la Commission des normes du travail. Plusieurs employés ayant travaillé lors des dernières éditions du FFM attendent toujours d’être payés. Leur cause sera entendue en cour le 15 mai prochain.
Vérification faite, l’entreprise fondée par Serge Losique n’est pas sous la protection de la Loi de la faillite et l’insolvabilité ; ni de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
En 2017, Serge Losique a tenu son festival à bout de bras malgré des coupures de courant d’Hydro-Québec, une programmation incomplète et une organisation chaotique. L’année suivante, il a frisé l’annulation en raison de taxes impayées à Revenu Québec. En juillet 2019, par voie de communiqué, M. Losique a annoncé que le FFM ferait relâche, pour la première fois depuis sa création en 1977. « Une pause pour mieux préparer une grande édition en 2020 », avait-il alors laissé entendre.
Le Festival des films du monde est-il cliniquement mort ? À première vue, cela semble le cas. Les bureaux du FFM, rue De Bleury, dans le Quartier des spectacles, sont désertés depuis des lustres. Son site internet est suspendu. Sa ligne téléphonique est hors service. Et la dernière publication sur la page Facebook du festival remonte… au 8 septembre 2018.