(New York) Les jurés au procès pour viol d’Harvey Weinstein ont commencé mardi à soupeser les allégations qui pourraient envoyer derrière les barreaux pour le reste de sa vie le magnat d’Hollywood autrefois omnipotent. La journée s’est toutefois terminée sans verdict. Les délibérations reprennent donc ce mercredi.

Les sept hommes et cinq femmes examineront les accusations selon lesquelles Weinstein aurait violé une femme dans une chambre d’hôtel à Manhattan en 2013 et aurait agressé sexuellement une autre femme, l’assistante de production Mimi Haleyi, en 2006.

Les jurés examineront également le témoignage de l’actrice Annabella Sciorra sur un viol que l’accusé aurait commis au milieu des années 1990. Cette allégation vise à démontrer que Weinstein correspond au portrait type du prédateur sexuel, mais il y a prescription dans ce cas en vertu du droit pénal des années 1990.

Environ 40 minutes après le début des délibérations, mardi, le jury a demandé par écrit au juge la définition juridique de termes tels que « consentement » et « contrainte », et des éclaircissements sur les motifs pour lesquels Weinstein n’avait pas été accusé d’autres chefs découlant des allégations de l’actrice Sciorra.

Lors du procès, qui s’est ouvert il y a un mois, les procureurs ont fondé leurs plaidoiries sur le témoignage cru et souvent déchirant de ces trois femmes, ainsi que de trois autres accusatrices qui ne faisaient pas partie de l’affaire à New York mais qui ont été autorisées à prendre la barre parce que Weinstein aurait utilisé les mêmes tactiques sur elles.

Les avocats du producteur déchu ont soutenu de leur côté que les relations sexuelles étaient consenties. Ils se sont concentrés sur des courriels amicaux que certaines des femmes ont envoyés à Weinstein et sur des rencontres que certaines d’entre elles ont eues avec l’accusé après les agressions présumées.

La parole libérée

Un torrent d’allégations contre Harvey Weinstein en octobre 2017 a donné naissance au mouvement #moiaussi, qui a « libéré la parole » de nombreuses victimes d’agressions sexuelles. Son procès est considéré comme un tournant décisif pour cette cause, mais le juge James Burke a prévenu les jurés qu’il ne s’agissait « pas d’un référendum sur le mouvement #metoo ».

L’avocate de Weinstein, Donna Rotunno, a envoyé un message similaire dans une lettre d’opinion publiée par Newsweek la fin de semaine dernière. La poursuite a soutenu que Me Rotunno semblait essayer d’influencer le jury.

L’avocate écrivait que les jurés avaient « une obligation envers eux-mêmes et leur pays de fonder leur verdict uniquement sur les faits, les témoignages et les preuves qui leur sont présentés dans la salle d’audience », et non sur des articles d’analyse, des croquis d’audience peu flatteurs ou d’autres influences extérieures.

Confrontée à sa lettre d’opinion devant le tribunal, mardi, Me Rotunno a déclaré qu’elle parlait « du système de jury dans son ensemble » et qu’elle ne s’adressait pas aux jurés dans l’affaire Weinstein.

La procureure adjointe Joan Illuzzi-Orbon a demandé au juge Burke d’exhorter les jurés à ignorer cette lettre « totalement inappropriée ». Elle lui a aussi demandé de révoquer la libération sous caution de Weinstein et de le renvoyer en prison, parce que, selon elle, cela n’aurait pas pu être fait sans son consentement.

Le juge a rejeté la requête, mais il a mis en garde Harvey Weinstein « contre les tentacules » de son gigantesque service de relations publiques.

Il y a deux semaines, Me Rotunno avait été critiquée au tribunal et dans les médias sociaux pour une entrevue qu’elle avait accordée à un balado du New York Times dans lequel elle rejetait le blâme sur les victimes.