(New York) Les souvenirs peuvent-ils être trompeurs au point de transformer un rapport sexuel consenti en une agression ? C’est ce qu’a suggéré vendredi la défense d’Harvey Weinstein, en faisant témoigner une psychologue spécialiste des failles de la mémoire.

Depuis le début du procès le 22 janvier, les jurés ont entendu six femmes raconter les agressions sexuelles que leur a supposément fait subir le puissant producteur d’Hollywood, toutes vieilles d’au moins six ans, parfois même près de 30 ans.

Harvey Weinstein, 67 ans, nie les accusations portées contre lui et assure que ces relations étaient toutes consenties.

Vendredi, une psychologue renommée, Elizabeth Loftus, interrogée par une avocate de la défense, a exposé les multiples façons dont les souvenirs peuvent être déformés et la mémoire « contaminée » par de fausses informations ou suggestions.

Selon cette experte, professeure à l’Université de Californie d’Irvine et qui a déjà témoigné à quelque 300 procès, non seulement la précision des souvenirs se dégrade avec les années, mais la mémoire devient aussi « plus vulnérable à des informations postérieures à l’évènement », susceptibles d’en transformer la réalité.

Elle a pris l’exemple de témoins qu’« on presse de fournir plus de détails » sur un évènement qu’ils ont vécu.

Pour satisfaire cette demande, « ils peuvent avancer quelque chose qui n’est qu’une hypothèse, pour avoir ensuite l’impression que c’est un souvenir », a indiqué Mme Loftus.

Elle a souligné que des évènements qui, sur le moment, n’avaient « pas été traumatisants ou bouleversants » pouvaient le devenir dans nos souvenirs, pour peu que d’autres les aient « étiquetés » comme tels.

Elle a aussi expliqué que des expériences avaient montré que de faux souvenirs d’enfance pouvaient être « plantés » dans l’esprit de certaines personnes.

Parmi les informations susceptibles de « contaminer des souvenirs », elle a cité la couverture médiatique d’un évènement. Les accusations d’agressions sexuelles contre Harvey Weinstein font régulièrement la « Une » des médias américains depuis octobre 2017.

Le souvenir peut aussi être déformé dès le départ, si la personne était lors de l’évènement sous l’influence de l’alcool ou de certains médicaments, a-t-elle ajouté, citant notamment le valium.

Une des accusatrices de M. Weinstein, l’actrice Annabella Sciorra, avait dans son témoignage indiqué prendre du valium avant d’être supposément violée par M. Weinstein au début des années 90.

Lors du contre-interrogatoire de l’accusation, Mme Loftus a cependant fortement nuancé ses propos.

Elle a reconnu que la précision des souvenirs résistait mieux au temps quand l’évènement avait été particulièrement marquant ou traumatisant.

Elle a aussi reconnu qu’en plus de 40 ans d’expérience, son expertise, qui peut faire douter les jurés de la crédibilité des témoignages d’une victime, avait été quasiment exclusivement sollicitée par la défense.

La défense reprendra lundi.