Il y a un an jour pour jour, les courts métrages Marguerite de Marianne Farley et Fauve de Jérémy Comte étaient retenus parmi les finalistes à la cérémonie des Oscars. Le distributeur Jean-Christophe J. Lamontagne a pu en mesurer les effets presque immédiats. Récit.

Le 22 janvier 2019, les locaux du distributeur h264 se résumaient à un espace long, glauque, exigu et défraîchi rue Sherbrooke. Un an plus tard, l’entreprise a déménagé dans un petit, mais flamboyant local du boulevard Saint-Laurent partagé avec le distributeur Métropole Films, où la lumière du jour entre en abondance.

« Je travaillais avec un employé. Nous sommes maintenant cinq, résume le fondateur Jean-Christophe J. Lamontagne. Je recevais deux ou trois propositions de courts métrages par semaine. J’en reçois maintenant de 5 à 10. Le nombre et la qualité ont explosé. Nous avons même accepté les propositions de représenter un film américain [A Million Eyes] et une coproduction France-Israël [Butterflies] qui est allée à Cannes. »

Ce sont les artisans de ces courts métrages qui sont allés vers h264. Et non le contraire.

« Les Oscars, ça change une vie », résume non sans fierté M. Lamontagne.

Garder le cap

Fierté, mais modestie aussi. La dose d’amour qu’a reçu ce dernier à la suite de la nomination des deux films aux Oscars lui a fait réaliser l’ampleur du chemin parcouru comme la responsabilité inhérente à la réputation acquise.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Christophe J. Lamontagne

Car h264 est devenue une entreprise avec un nom reconnu. Un synonyme de qualité et de sérieux qu’il faut maintenir à flot. Cela a forcé M. Lamontagne et son équipe à réfléchir sur la façon d’analyser les propositions. Doivent-ils modifier leurs critères d’analyse ou garder le cap ? La seconde option s’est imposée.

Nous nous sommes demandé si, à compter de maintenant, on prendrait des films en raison de leur potentiel à aller chercher des prix ou pour cibler un public en particulier. La réponse a été non. »

Jean-Christophe J. Lamontagne, fondateur de h264

« Notre ligne éditoriale a toujours été la suivante : choisir des films qu’on sent dans nos tripes et qu’on va défendre avec la même passion que leur réalisateur. En fin de compte, notre approche s’est consolidée. » 

Devenir agrégateur

L’autre grand changement survenu chez h264 est que la boîte a ajouté un important volet à son offre de services : agrégateur en distribution numérique auprès des grandes plateformes de diffusion telles iTunes, Amazon et autres Hulu.

Autrement dit, h264 est devenu le distributeur de distributeurs québécois auprès des géants du web. L’entreprise de M. Lamontagne représente par exemple les boîtes de distribution K-Films Amérique, Filmoption, Fragments, Maison 4:3, Les films du 3 mars. Outre les trois grandes plateformes ci-haut nommées, elle peut placer des films ou en proposer à Mubi, Criterion, Bell et Cogeco.

Si les activités de distribution de h264 sont concentrées sur le court métrage, celles entourant l’agrégation touchent les longs métrages, les courts, les séries télé et web.

« Nous sommes en négociations avec plusieurs autres compagnies, que ce soit des distributeurs ou des plateformes, dit M. Lamontagne. Nous avons aussi des ententes indépendantes. Par exemple, nous avons signé un contrat avec Anik Jean pour distribuer un film musical qu’elle a tourné il y a quelques années. »

Le projet de devenir agrégateur s’est concrétisé avant l’annonce des Oscars, mais M. Lamontagne ne l’a annoncé qu’en juin, pour ne pas avoir à travailler aux deux projets en même temps. En revanche, le fait que h264 soit aux Oscars avec deux courts métrages a eu un impact positif sur les activités d’agrégation. Le meilleur exemple vient de la rencontre qu’a eue M. Lamontagne, le 19 août dernier, dans les locaux d’Amazon.

« J’évoquais les films internationaux de mon catalogue quand les représentants d’Amazon m’ont dit s’intéresser à nos œuvres francophones, relate-t-il. Ils voulaient plus de contenu québécois. »

Nous avons eu une entente très rapidement. Ce fut un évènement plus grand que nature. Six mois auparavant, cela aurait été impensable. »

Jean-Christophe J. Lamontagne

Être visible

Représenter des films et séries auprès des géants du streaming, c’est bien. Mais être visible sur ces plateformes, c’est encore mieux. C’est le prochain défi de h264. M. Lamontagne dit qu’il doit voir à la « découvrabilité » de ses produits.

« On doit être le Ricardo de la distribution, dit-il. Avec Ricardo, tu tapes quelques mots dans un moteur de recherche et tu tombes sur ses recettes. Il y a beaucoup de travail à faire face à notre expertise en mise en marché numérique. C’est crucial parce qu’un client qui ne trouve pas rapidement ce qu’il cherche va passer à autre chose. »

Pour développer ce volet, h264 a bénéficié d’une subvention de 50 000 $ et travaille avec des experts dans le domaine. Rappelons qu’au moment de lancer le projet d’agrégation, l’entreprise a reçu une subvention de 235 000 $ de la SODEC.

Avec ces nouvelles responsabilités, M. Lamontagne a quitté la direction du festival Plein(s) Écran(s) qu’il avait fondé. Travaille-t-il moins qu’avant ? Ou plus ?

« Il faudrait demander à ma copine, rigole-t-il. Je pense que je travaille très fort, mais moins. Et surtout mieux. Comme je ne suis plus seul, je suis plus organisé. Je sais où je m’en vais. »