Meryam Joobeur et Maria Gracia Turgeon ont 28 ans. La première est réalisatrice ; la seconde, productrice. Elles partagent une vision commune du cinéma. Lundi matin, leur court métrage de fiction, Brotherhood, a été sélectionné comme finaliste en vue de la 92cérémonie des Oscars. Nous les avons rencontrées.

En préparant la réunion de son équipe, lundi matin, afin de regarder la cérémonie des nommés aux Oscars, la productrice Maria Gracia Turgeon savait que Brotherhood devait absolument être le premier nommé dans la catégorie des courts métrages de fiction.

La raison est simple : les films sont nommés en ordre alphabétique. Et comme Brotherhood était le premier des 10 films retenus dans la préselection (la short list, l’équivalent des demi-finalistes), il devait l’être aussi lundi matin.

Et ce fut le cas ! La joie et l’émotion se sont alors emparées de la quinzaine de personnes réunies dans les locaux de la firme Outpost, où la postproduction des images de Brotherhood a été faite.

> Regardez la réaction de l’équipe

Nous étions surpris et estomaqués. Nous nous sommes dit : “Eh voilà ! On s’en va aux Oscars”.

Maria Gracia Turgeon, productrice

« Notre logement est déjà loué. Les prochaines étapes seront d’acheter des billets d’avion, une robe et de continuer à pousser le film pour que les gens le voient. Le reste ne sera plus entre nos mains », continue-t-elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Maria Gracia Turgeon et Meryam Joobeur

« C’est très touchant d’avoir appris la nouvelle entourée des membres de l’équipe et de ma famille », indique quant à elle Meryam Joobeur, qui en est, avec Brotherhood, à son troisième court métrage (deux fictions et un documentaire). « Pour moi, ce qui est significatif est que le film trouve une résonance au-delà des frontières. Il parle d’une réalité qui se passe au Moyen-Orient, mais est capable de traverser les océans. »

Mettant en vedette Mohamed Houcine Grayaa et Malek Merchegui, Brotherhood raconte l’histoire de Malek, aîné de trois garçons d’une famille de fermiers tunisiens, qui, après un séjour en Syrie, revient avec sa nouvelle épouse complètement voilée. 

Sa présence crée un grand malaise chez son père, Mohamed, qui sait que Malek a fréquenté le groupe État islamique. Entre ses principes moraux et la solidarité familiale, Mohamed fait face à un choix déchirant.

Meryam et moi collaborons depuis plusieurs années. En matière de création, nous sommes très proches. Je ne me vois pas ne pas faire un film de Meryam avec qui je travaille actuellement sur un projet de long métrage. Elle possède une créativité et une sensibilité incroyables. Son univers est des plus intéressants, et sa signature est singulière.

Maria Gracia Turgeon, productrice

Maria Gracia Turgeon travaille avec la productrice Annick Blanc au sein de la boîte Midi la nuit. Après Fauve, de Jérémy Comte, c’est la deuxième année de suite qu’un court métrage de fiction qu’elle produit se retrouve finaliste aux Oscars.

« Je pense que j’ai du flair », répond-elle avec humilité lorsqu’on lui en fait la remarque. « J’adopte des projets qui, sans être les plus “business”, me passionnent et je m’y consacre à 100 %. Pour l’instant, cela a porté ses fruits. Je vais continuer sur cette lancée. » 

PHOTO FOURNIE PAR TRAVELLING DISTRIBUTION

Scène du film Brotherhood

Une année incroyable

Brotherhood est une coproduction entre le Canada et la Tunisie. C’est dans ce dernier pays qu’il a été tourné. Meryam Joobeur est d’autant plus heureuse que plusieurs acteurs de son œuvre n’avaient jamais joué avant.

Les jeunes acteurs, je les ai rencontrés au bord du chemin. Ils ont parfaitement intégré le projet, et nous avons tous fait corps ensemble. Au terme de ce procédé, j’étais fière et satisfaite. Pour moi, la réussite réside dans l’année incroyable que nous venons de passer. Le film a été projeté dans plus de 150 festivals.

Meryam Joobeur, réalisatrice

La jeune réalisatrice, arrivée au Canada en 2009 pour étudier le cinéma à l’Université Concordia, est aussi heureuse de constater qu’un changement apporté dans son approche de travail a porté ses fruits. « Avant, je ressentais beaucoup de pression de voir l’un de mes films diffusé en festival. Pour Brotherhood, j’avais juste envie de rassembler des gens que j’aime autour d’un sujet qui m’interpellait. »

Comme avec ses deux films précédents, elle désirait aborder un sujet de société ou politique sous un angle familial. Elle rit lorsque nous lui faisons remarquer que son histoire n’est pas sans rappeler la parabole du fils prodigue. « Plusieurs personnes m’ont fait cette remarque. Brotherhood est comme une très vieille histoire. C’est pour cette raison, je crois, que les gens y ont adhéré. »

> Regardez Brotherhood

Déception à l’ONF

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Debout, le commissaire national de l’ONF, Claude Joli-Cœur, a réconforté les troupes à la suite de l’annonce des finalistes lundi matin. À ses côtés, la productrice Julie Roy. 

À l’Office national du film (ONF) lundi, la déception était vive dans les locaux tout neufs de l’Îlot Balmoral, où quelque 25 employés, dont le commissaire national Claude Joli-Cœur, étaient rassemblés pour suivre la cérémonie d’annonce des finalistes.

C’est que deux films de l’ONF, Physique de la tristesse, de Theodore Ushev, et Oncle Thomas : la comptabilité des jours, de Regina Pessoa, faisaient partie de la présélection des courts métrages d’animation.

Ni l’un ni l’autre n’a toutefois été retenu parmi les finalistes. Claude Joli-Cœur a pris la parole pour saluer le travail de toute l’équipe.

Nous sommes tellement fiers de ces deux films. Ce sont des œuvres d’exception. Elles se démarquent et gagnent des prix depuis leur sortie en festival. On est déçus, mais cela n’enlève rien au niveau de créativité derrière ces deux films.

Claude Joli-Cœur, commissaire national de l’ONF

« Il faut aussi rappeler que les 10 films de la courte liste avaient été choisis parmi plus de 90 œuvres », a quant à elle indiqué Julie Roy, productrice exécutive au studio d’animation française.

Depuis sa création en 1939, l’ONF a récolté 75 nominations et remporté 12 Oscars.