(New York) Si l’Amérique en a fait un de ses mythes, Bruce Springsteen chante pourtant régulièrement ses doutes sur le rêve américain.

Avec son long métrage Western Stars — son premier — sur les écrans vendredi aux États-Unis, le fils prodigue du New Jersey plonge le spectateur dans ses interrogations existentielles qui l’accompagnent depuis des décennies : le conflit entre liberté temporaire et vie commune.

Le film-concert, contemplatif, montre des paysages à perte de vue en Californie où se mélangent des chevaux sauvages et une voiture avec le Boss au volant qui sillonne un chemin de terre au lever du soleil, le tout ponctué d’images d’archives familiales.

Un moyen efficace pour le septuagénaire de pallier l’absence d’une tournée qui accompagne généralement la sortie d’un album.

L’artiste joue les 13 pistes de son dernier opus, Western Stars, dans son film éponyme, en compagnie de plusieurs musiciens, dont sa femme Patti Scialfa, mais aussi d’un orchestre composé de trente musiciens.

La performance, en direct, a été filmée dans une grange de sa propriété dans l’État du New Jersey. Cette prouesse musicale n’empêche pas le célèbre rockeur de souffler au spectateur ses angoisses, près d’un demi-siècle après ses premières scènes.

« Il est facile de se perdre — ou de ne jamais se trouver », lâche, en voix hors champ, le guitariste. « Plus vous vieillissez, plus s’alourdissent les bagages du passé. »

Rappelant les « parties destructives » de sa personnalité, Bruce Springsteen confie que dans sa jeunesse, « si je vous aimais, j’aurais essayé de vous blesser. »

« Vous courez jusqu’à laisser derrière vous tout ce que vous avez aimé et tout ce qui vous aime », dit-il.

« Écrire sur l’égarement »

Bien que sa célébrité soit intrinsèquement liée à ses talents de musicien, l’auteur Bruce Springsteen a souvent imprégné ses textes d’une empreinte cinématographique.

C’est en 1975 avec Born to Run que « The Boss » se révèle à l’international sur un album où il balade son auditoire dans l’Amérique des villes austères emplies d’une jeunesse désireuse d’aventures.

Son 19e album, Western Stars, road-trip californien nostalgique, s’éloigne de ses registres classiques ayant fait de lui un héros de la classe ouvrière américaine.

Il considère le film — qu’il a coréalisé avec Thom Zimny — comme la dernière partie d’une trilogie qui compte ses mémoires publiées en 2016 et son spectacle intimiste acclamé à Broadway peu après.

La rock star, qui est ouvert sur ses batailles contre la dépression, a confié publiquement avoir suivi une thérapie pendant des décennies.

« Je sais bien écrire sur le fait d’être perdu », lance-t-il.

Patti Scialfa, sa femme depuis près de 30 ans et membre de son fameux E Street Band, est à la guitare et à la voix dans le film, mais on la retrouve aussi sur des images d’archives du couple lors de leur lune de miel.

Et Bruce Springsteen, 70 ans, de se faire philosophe dans l’émission du célèbre animateur Jimmy Kimmel sur la chaîne ABC cette semaine.

« Quand on est jeune, il ne s’agit que de savoir où je veux aller, faire ce que j’ai envie de faire, être celui que j’ai envie d’être et ça va, car on a la vingtaine ».

« Mais à un moment pendant la trentaine, ça commence à vous rattraper et votre définition de la liberté doit s’étendre pour inclure la famille, la vie civile, vous savez, la communauté avec laquelle vous êtes impliqué. »