Chaque année, le Festival du nouveau cinéma présente des dizaines de courts métrages québécois, et la 48e édition ne fait pas exception. Parmi les œuvres retenues se trouve Delphine, plus récente offrande de Chloé Robichaud d’après un scénario de Nathalie Doummar qui, auparavant, en avait fait une pièce de théâtre.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Chloé Robichaud

Comment se porte le court métrage québécois ?

« Ça fait un bout de temps qu’il a belle réputation et ça n’a pas changé. De 2010 à 2012, je me suis retrouvée sur le circuit des festivals avec des courts et c’était, à ce moment-là, une période très effervescente. Par la suite, j’ai commencé à faire des longs tout en suivant d’un œil ce qui se faisait dans le court. J’y reviens maintenant et des programmateurs me disent à quel point notre cinéma est vivant, se démarque, et à quel point les réalisateurs sont créatifs. On l’a vu l’an dernier avec Fauve et Marguerite. »

Quelle est votre définition de Delphine ?

« Ce qui est intéressant ici est que l’histoire du personnage central (Delphine) est racontée par un autre personnage (Nicole) qui l’observe. Delphine est une jeune Libanaise arrivée au Québec sans parler français. Elle est un peu victime d’intimidation parce qu’elle ne parle pas la langue, ne s’est pas adaptée au climat ni à la culture. À l’adolescence, on va la voir se révolter à sa façon. Non seulement on voit sa vie à travers les yeux de quelqu’un d’autre, mais on constate que cela a un impact sur cette observatrice. Et, justement, quand on est jeune, on peut être témoin d’intimidation, de violence, et cela laisse des traces sur notre parcours. »

Y avait-il aussi un désir de parler d’intimidation au féminin ?

« Tout à fait. Ce qui m’a frappée dans la pièce de théâtre de Nathalie est l’intimidation et la violence au féminin. J’aime avoir dans mes films des personnages féminins complexes, vivant toutes sortes de situations, heureuses et moins heureuses. Autre aspect qui m’accroche : comment la sexualité au féminin peut être une source de répression. Ici, on comprend que Delphine est homosexuelle. Devenue adolescente, elle est moins « féminine » selon les codes de la société. Mais à l’inverse, on a aussi dans le film un personnage qui est féminin, met ses courbes en valeur et se fait aussi écœurer. Donc, c’est dur, pour plein de raisons, d’être femme à l’adolescence. Et cela cause beaucoup de blessures. »

Le cinéma peut-il aider à combattre l’intimidation ?

« Mon film n’est ni pamphlétaire ni pédagogique. Il raconte quelque chose qui est vécu et j’espère que les gens peuvent s’identifier à l’histoire et être touchés. Moi, je fais du cinéma parce que j’espère que, oui, ça peut changer les mentalités ou, à tout le moins, rendre les gens un peu curieux de la réalité de ceux et celles qui les entourent. »

Vous réalisez un premier film sans l’avoir écrit. Ça vous convient ?

« Oui ! J’aime écrire, mais cela peut être pour moi un processus assez long. J’essaie donc de m’allier à des scénaristes avec qui je peux avoir des atomes crochus ou partager des univers connexes ou complémentaires. En ce sens, le texte de Nathalie Doummar m’a attirée et j’ai beaucoup aimé l’expérience. »

Delphine se distingue par ses grandes qualités esthétiques. Merci de nous en parler.

« Comme dans tous mes films, j’aime cadrer, j’aime réfléchir à mes images [Ian Lagarde est ici à la direction photo], aux couleurs. J’aime diriger les acteurs, mais j’aime soigner les choses. Le film est pour moi comme un objet d’art. J’espère seulement que cet intérêt pour l’esthétisme n’empêche pas le film de rester réaliste et très proche des personnages. »

En 15 minutes, votre film comporte des récurrences comme ces visites dans la chambre de Nicole. Pourquoi ?

« C’est Nathalie Doummar qui a amené ça au scénario et j’ai toujours senti que ça servait très bien l’histoire. Avec ces retours dans le cocon familial, on comprend que la sécurité qu’elle trouve auprès de sa mère protège Nicole de la violence extérieure. Je trouvais ça assez beau que ça revienne alors que Nicole a 6 ans puis 16 ans. »

À la Cinémathèque québécoise demain, à 19 h, et le 17 octobre, à 17 h 15, dans le cadre d’un programme de courts métrages québécois en compétition