Comme le reste de l’industrie cinématographique, les festivals de films font face à la concurrence des nombreuses plateformes de diffusion. Comment se distinguer et durer dans ce contexte ? En développant son côté festif, affirme Nicolas Girard Deltruc, directeur général du Festival du nouveau cinéma, dont la 48e présentation commence mercredi soir.

On parlera beaucoup de gastronomie ces prochains jours dans les lieux où se dérouleront les activités du Festival du nouveau cinéma (FNC). On parlera aussi de féminisme, d’environnement, de nouvelles technologies et d’extraterrestres. Et ce, avant, pendant et après la projection de films.

Pour faire durer le plaisir ? Bien entendu ! Mais aussi, et surtout, pour que les festivaliers ressentent que leur expérience se distingue d’une sortie traditionnelle au cinéma ou d’un visionnement sur le canapé.

« Plusieurs festivals ne sont quasiment que des rétrospectives ou des présentations de films. Mais qu’est-ce qu’on fait de l’aspect festif ? demande le directeur général Nicolas Girard Deltruc. Il faut que l’on fasse la fête davantage. Le mot “festival” renvoie à l’aspect festif et nous voulons rehausser ce volet expérientiel et collectif. »

Pour les yeux et les papilles

Au cours d’une longue entrevue accordée à La Presse la semaine dernière, Nicolas Girard Deltruc est revenu souvent sur le volet gastronomie et cinéma que le FNC va explorer au cours des 12  jours de l’événement. Et qui pourrait être récurrent.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La projection du film Douleur et gloire de Pedro Almodóvar sera suivie d’un repas (payant) inspiré de l’univers du cinéaste au restaurant Le Blumenthal.

Déjà, par le passé, le FNC avait des ententes avec des restaurants du centre-ville pour y faire manger ses invités, notamment. Cette année, on rapprochera gastronomie et spectateurs à travers l’événement Papilles gustatives, au cours duquel la projection du film Douleur et gloire de Pedro Almodóvar sera suivie d’un repas (payant) inspiré de l’univers du cinéaste au restaurant Le Blumenthal.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Nicolas Girard Deltruc, directeur général du Festival du nouveau cinéma

Cela va permettre une rencontre, dans un même restaurant, de gens qui ne se connaissent peut-être pas et qui vont, on l’espère, se retrouver à discuter du film. On veut créer des échanges, des rencontres, des débats, des amitiés.

Nicolas Girard Deltruc

D’autres partenariats se traduiront par des événements spéciaux comme une nuit de projection des films de la franchise Alien, où des représentants d’entreprises d’effets spéciaux telles que Gameloft et Framestore viendront parler de leur travail.

Nicolas Girard Deltruc ne cache pas qu’il espère aussi, par ces initiatives, attirer des cinéphiles qui ne fréquentent pas le FNC. Et cela doit se faire sans toucher à la philosophie de base du festival en ce qui concerne la qualité et la signification des films présentés.

« Ce qui compte est le propos et le contenu, peu importe que ce soit projeté sur un écran, un building ou une tablette, dit Nicolas Girard Deltruc. On présente des œuvres récentes avec des points de vue d’auteurs qui ont des visions sur le monde qui nous entoure. C’est une occasion d’échanger avec son voisin. Notre philosophie, elle est là. »

Dans cette optique de partage, le FNC a accolé cette année des étiquettes « environnement » et « féminisme » à plusieurs films décrits dans le programme. Bien sûr, il y avait des films féministes et environnementaux auparavant, mais ils n’étaient pas autant mis en valeur. Plusieurs de ces projections seront suivies de rencontres et de tables rondes.

Vers l’avenir

La direction du FNC a vécu des turbulences au cours des derniers mois en raison d’une sortie médiatisée de son fondateur et ancien directeur général Claude Chamberlan. Ce dernier évoquait un climat de peur et de mauvaise gestion à l’interne, propos aussitôt niés par la haute direction.

Invité à revenir sur ces événements, Nicolas Girard Deltruc les commente avec prudence. 

Je suis au FNC depuis 15 ans. J’ai connu plusieurs crises. Tous les festivals en traversent. Dans les organismes du secteur culturel, la stabilité est fragile et les transitions ne peuvent pas se faire sans turbulences.

Nicolas Girard Deltruc

Cela dit, il défend son bilan bec et ongles.

« À mon arrivée en 2006, le festival avait plus de 500 000 $ de dettes. Ç’a été nettoyé en deux ou trois ans. Depuis ce jour-là, nous n’avons pas de dettes, pas de déficits. Tout le monde est payé. Je crée des emplois à plein temps. On n’a aucun souci à payer le loyer. Nous avons une gestion saine, vérifiée et contrôlée par un conseil d’administration strict. »

Dans les derniers mois, les employés du FNC se sont syndiqués et ils ont signé leur première convention collective. Nicolas Girard Deltruc ne croit pas que cela témoigne d’un fossé entre la direction et eux.

« Je ne suis pas un avocat en droit du travail, mais j’ai pris le dossier à bras-le-corps. Tout a été négocié devant le tribunal du travail et avec un médiateur. Des travailleurs autonomes sont devenus salariés et il a fallu calculer les charges sociales dans le budget du festival. J’ai retravaillé le budget en conséquence », résume-t-il.

À l’aube de cette 48e présentation, Nicolas Girard Deltruc est heureux de voir de nouveaux partenaires s’associer à l’événement, dont PNB Paribas et Samsung.

« Nous avons signé une entente monétaire de trois ans [dont le montant n’a pas été divulgué, NDLR] avec BNP, qui devient le présentateur des soirées et des événements, dit Nicolas Girard Deltruc. Ils s’investissent beaucoup dans le cinéma. Cet argent neuf nous permettra de rendre le festival encore plus festif. »

Quant à l’entreprise Samsung, elle financera l’équipement de la portion réalité virtuelle présentée au complexe Desjardins. « Il y a beaucoup d’intérêt pour ça, s’enthousiasme Nicolas Girard Deltruc. Nous sommes passés de 18 000 à 37 000 visionnements l’an dernier. Cette année, nous aurons 30 œuvres en libre accès pour le public. »

Dans ce contexte, on ne sera pas surpris d’entendre le patron du FNC parler d’avenir avec optimisme.

« Nous nous approchons de nos 50 ans et nous avons d’importants projets structurants qui vont concerner l’industrie, dit-il. Montréal est très flexible et même à l’avant-garde de l’industrie du cinéma. L’ONF s’installe près de la place des Festivals [à l’Îlot Balmoral] et cela facilitera des projets conjoints. Et lorsqu’on parle de nouveau cinéma, comme dans notre nom, cela signifie aussi de jouer un rôle actif dans la découverte et le développement de jeunes talents. »

Pour les détails, on repassera. « Nous dévoilerons nos projets au fur et à mesure », se contente de répondre Nicolas Girard Deltruc.

Le Festival du nouveau cinéma se déroulera du 9 au 20 octobre.