(Venise) Le Festival de Venise attend samedi son palmarès, avec le thriller historique implacable de Roman Polanski sur l’Affaire Dreyfus, J’accuse, et le Joker de Todd Phillips, avec un Joaquin Phoenix impressionnant en ennemi de Batman, parmi les favoris pour le Lion d’or.

Présidé par la réalisatrice argentine Lucrecia Martel, le jury de la 76e Mostra devra choisir samedi soir qui succédera à Roma du Mexicain Alfonso Cuarón pour le Lion d’or, la récompense suprême, parmi les 21 films en compétition.

Parmi eux, le film de Roman Polanski J’accuse, qui raconte l’Affaire Dreyfus du point de vue du lieutenant-colonel Georges Picquart, qui avait réhabilité le capitaine injustement condamné, est l’un des favoris de la presse étrangère et italienne sur le Lido.

Il est à la première place du classement d’un panel de journalistes internationaux et italiens établi par le journal italien Ciak, publié pendant le festival.

Applaudi lors de la projection et la conférence de presse, le film a d’ores et déjà remporté samedi le prix Fipresci de la critique internationale à Venise – pour son « point de vue inhabituel » sur l’Affaire Dreyfus, sa mise en scène « rigoureuse et élégante », ses dialogues « puissants » et la performance « exceptionnelle » de ses acteurs, selon la Fipresci.

Ce thriller politique est un film « indispensable » selon le quotidien Le Monde, une « œuvre rigoureuse et sévère qui renonce à tous les effets » selon l’espagnol El Pais, tandis que pour le quotidien italien La Repubblica, il raconte cette histoire avec « rythme » et « une précision historique impressionnante ».

Mais, alors que Roman Polanski, toujours poursuivi par la justice américaine pour une affaire de viol d’une mineure en 1977, a fait le parallèle entre son histoire et sa propre vie, s’estimant lui aussi « persécuté », certains ont exprimé des réserves sur le film, le site américain Indiewire l’ayant jugé « trop défensif et didactique » et Le Figaro l’ayant qualifié de « film à thèse ».

Dilemme

Précédé aussi par une controverse sur sa sélection, critiqué par des féministes, ce film devrait mettre le jury face à un dilemme. La présidente du jury Lucrecia Martel avait elle-même suscité la polémique au premier jour du festival en se disant « très gênée » par sa présence en compétition, avant de revenir sur ses propos, en disant qu’elle n’y était « en aucune façon opposée ».  

Également bien placé dans les pronostics, Joker de l’Américain Todd Phillips, qui revisite le film de superhéros en explorant les origines de l’adversaire de Batman, pourrait prétendre à une récompense.  

Son acteur principal, Joaquin Phoenix, a particulièrement impressionné dans son rôle d’homme torturé et malade, maltraité par la vie, glissant peu à peu dans une folie diabolique.

Joker est à égalité en deuxième position dans le classement des journalistes internationaux et italiens avec Marriage story de Noah Baumbach, film Netflix sur l’histoire d’un couple qui se sépare, remarquablement interprété par Adam Driver et Scarlett Johansson.

S’il recevait la récompense suprême, ce serait le deuxième film Netflix de suite à être couronné à Venise, après Roma, alors que la Mostra a fait des vagues en choisissant de sélectionner en compétition des films de la plateforme américaine, contrairement à Cannes.

Le jury, dont les choix peuvent être très différents des pronostics, pourrait aussi contourner la difficulté en récompensant un tout autre film, dans un festival où figuraient d’autres longs métrages appréciés, dont l’odyssée spatiale américaine Ad Astra de James Gray avec Brad Pitt, tandis que l’acteur Luca Marinelli a séduit la presse italienne dans une adaptation de « Martin Eden » de Jack London.

PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Brad Pitt

L’émouvant film australien Babyteeth de Shannon Murphy, l’un des deux seuls films réalisés par une femme en lice, sur une jeune femme atteinte d’un cancer, pourrait aussi séduire le jury.  

Tout comme Waiting for the barbarians du Colombien Ciro Guerra, film à l’image soignée et aux résonances contemporaines sur la peur de l’autre et les dérives brutales du pouvoir, avec Mark Rylance et Johnny Depp, qui n’a cependant pas les faveurs de la presse.

Film-choc sur les horreurs de la guerre, The Painted Bird du Tchèque Vaclav Marhoul a secoué les festivaliers, mais sans convaincre non plus les critiques.