(Paris) Avec So Long, my Son, primé à Berlin, le réalisateur de Beijing Bicycle Wang Xiaoshuai aborde la politique de l’enfant unique dans son pays. Pour lui, elle illustre le fait que les Chinois ne sont pas « moteurs de leur vie », mais soumis aux « directives d’en haut ».

Récompensé par un double prix d’interprétation à la Berlinale cette année pour ses acteurs principaux Yong Mei et Wang Jingchun, So Long, my Son raconte le destin d’un couple sur trois décennies, des années 1980 aux années 2010, tragiquement marqué par la perte d’un enfant.

Au début des années 80, Liyun (Yong Mei) et Yaojun (Wang Jingchun) sont les parents d’un jeune garçon, Xing Xing, obligés de renoncer à avoir un autre enfant du fait de la politique de l’enfant unique.

Mais un jour, Xing Xing se noie accidentellement. Liyun et Yaojun vont alors tenter de se reconstruire, malgré le souvenir de ce fils perdu.

Avec cette grande fresque émouvante de trois heures, où la politique et l’Histoire se mêlent à un mélodrame familial, le tout avec une construction non linéaire ambitieuse (ellipses, flashbacks…), Wang Xiaoshuai explique avoir répondu à l’envie qu’il avait « toujours eue » de « faire un film avec un arc temporel aussi long ».

« Je n’avais pas nécessairement au départ une accroche pour traiter d’une période aussi longue, jusqu’au jour où, en 2015, on a annoncé la fin de la politique de l’enfant unique », a ajouté le cinéaste de 53 ans, Grand prix du jury à Berlin en 2001 pour Beijing Bicycle, et Prix du jury à Cannes en 2005 pour Shanghai Dreams.

« Ça m’a fait prendre conscience à quel point en tant que Chinois, on avait vécu quelque chose de complètement hors-norme et unique au monde. C’est ce qui m’a donné envie d’en faire un film ».

« Habitude »

Pour lui, la fin de cette politique en 2015 est « une bonne chose ». « Ça permet malgré tout d’être plus moteur de sa vie, d’avoir plus de liberté sur le type de famille qu’on veut constituer ».

Mais, souligne-t-il pour expliquer le silence autour de cette politique, « de manière générale, dans la Chine contemporaine, les Chinois n’ont pas l’habitude de vivre pour eux, de se mettre en avant ».

« Ce qu’ils font, c’est toujours pour le collectif et pour le pays », ajoute le cinéaste. « Les Chinois ne sont pas moteurs de leur vie et la moindre directive d’en haut a une très forte influence » sur eux.

« Au moment où la politique de l’enfant unique a été mise en place, il y avait une sorte de compréhension » au nom des intérêts économiques du pays, et « petit à petit, c’est devenu une habitude », poursuit-il. Aujourd’hui encore les conséquences de cette politique se ressentent « sur l’éducation, la structure familiale ».

« On dit que la réalité aujourd’hui c’est souvent six adultes pour un enfant, puisqu’il y a les quatre grands-parents, les parents et puis l’enfant unique, ce qui est un rapport un peu déséquilibré ».

Désormais « ce qui a pris le dessus, c’est la quête d’argent à tout prix » et « même si les gens peuvent avoir plus d’enfants, ils optent à la limite pour ne plus en avoir du tout, car c’est une trop grande pression économique », dit-il.

Projeté en février à la Berlinale, So Long, my Son a eu plus de chance que One Second de Zhang Yimou (réalisateur d’Épouses et concubines), déprogrammé au dernier moment, comme d’autres films chinois dans des festivals internationaux, alors que la censure s’est renforcée en Chine depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012.

« On se pose tous la question de ces retraits de films récemment », souligne Wang Xiaoshuai. Il l’explique notamment par le fait qu’auparavant « il fallait d’abord avoir le visa de censure concernant le contenu du film », puis « un second visa, appelé technique, pour pouvoir diffuser en salles », alors que « maintenant, les deux ont été réunis en un seul », compliquant les choses.

« Un tel retrait est très grave pour un film », juge-t-il.