(Cannes) Six ans après le sacre puis la polémique autour de La vie d’Adèle, le Français Abdellatif Kechiche revient à Cannes présenter en compétition le deuxième volet de Mektoub My Love, déjà précédé d’une aura sulfureuse.

L’équipe a monté les marches jeudi soir pour une projection qui les emmènera tard dans la nuit : même ramené à 3h28 - au lieu des quatre heures prévus initialement - Mektoub, My Love : Intermezzo reste le film le plus long de la sélection.

Le réalisateur, qui était déjà en haut des marches alors que ses comédiens foulaient à peine le tapis rouge, les a ensuite rejoints pour la photo.

Le film devrait reprendre une partie de l’intrigue du précédent opus, sur un été lumineux à Sète, autour d’une bande de jeunes entre flirts, soirées et journées à la plage.

Une ode au désir donnant l’impression que les comédiens sont en liberté. «C’est très cadré en fait, c’est la magie Kechiche», a fait valoir avant la projection l’une des actrices, Afsia Herzi, qui avait été sacrée meilleur espoir féminin aux César en 2008 grâce au cinéaste avec La Graine et le Mulet.

Mektoub my Love : canto uno n’avait pas pu venir sur la Croisette en 2017, à cause d’un problème de contrat, selon Abdellatif Kechiche.  

Présenté quelques mois après à la Mostra de Venise, il était reparti bredouille et avait choqué certains par sa façon de filmer les femmes en s’attardant à leurs courbes.

Il avait été ensuite encensé à sa sortie en salles par la presse française, louant une distribution éclatante, avec des acteurs quasiment tous débutants (Ophélie Bau, ensuite nommée aux César, Shaïn Boumedine, Lou Luttiau, Alexia Chardard) aux côtés de comédiens plus confirmés comme Hafsia Herzi et Salim Kechiouche. 

Après avoir exploré les errements du beau mais timide Amin (Shaïn Boumedine), le dilemne d’Ophélie (Ophélie Bau), entre celui qu’elle doit épouser et son amant Tony (Salim Kechiouche), qui seront les personnages principaux de ce nouvel opus?

Filmer le corps féminin

La fin du premier laissait supposer la mise en lumière d’un personnage féminin un peu délaissé dans le premier... À voir.

Après la vague #metoo, la polémique sur la manière de filmer les corps féminins risque dans tous les cas de resurgir après la projection d’Intermezzo, rajouté à la dernière minute dans la liste des films en compétition.

Le film devrait en outre contenir une très longue scène de sexe, d’après une rumeur persistante mais non vérifiée. Si c’est le cas, ce ne serait en rien une surprise.

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Abdellatif Kechiche entouré d'Adèle Exarchopoulos et de Léa Seydoux à Cannes en mai 2013.

La présence du film en compétition signe dans tous les cas le retour de Kechiche sur la Croisette, depuis la polémique sur les conditions de tournage de La vie d’Adèle superbe histoire entre deux jeunes femmes de milieux opposés et récit d’un premier amour.

Fait inédit dans l’histoire de Cannes : le film et ses deux actrices, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, ont reçu la Palme d’or en 2013.

Quelques jours plus tard, la belle unité affichée au festival vole en éclats et le trio se déchire, lorsque les jeunes femmes dénoncent les conditions de tournage.

Léa Seydoux, elle aussi à Cannes ces derniers jours pour défendre le film d’Arnaud Desplechin (Roubaix, une lumière, en compétition), avait dénoncé des conditions de tournage «horribles».  

Plus mesurée, sa collègue Adèle Exarchopoulos, alors âgée de 19 ans, avait parlé de «dix journées entières à tourner» la très longue scène de sexe du film. Elle sera vendredi sur la Croisette pour défendre Sybil de Justine Triet, également en compétition.

Blessé par la polémique autour du film, Kechiche a mis ensuite cinq ans avant de revenir derrière la caméra.

En octobre dernier, le parquet de Paris a par ailleurs ouvert une enquête après une plainte à son encontre d’une femme de 29 ans pour agression sexuelle. Une source proche du dossier avait indiqué que l’enquête était toujours en cours et le cinéaste toujours pas auditionné.