(Cannes) En larmes, le monstre sacré du cinéma Alain Delon a reçu dimanche une Palme d’or d’honneur au Festival de Cannes pour l’ensemble de sa carrière malgré des protestations d’associations féministes, remerciant le public à qui il a voulu dire au revoir.

« Il y a longtemps que je n’ai pas autant chialé », a avoué l’acteur de 83 ans, le visage rougi, en recevant cette récompense des mains de sa fille Anouchka, sous un tonnerre d’applaudissements.

Dans une salle comble, en présence notamment du ministre de Culture Franck Riester, du président du Festival Pierre Lescure et de son délégué général Thierry Frémaux, le public avait été invité à porter un badge avec le mot « star », rappelant celui que l’acteur avait porté au Festival en 2007.

« Ce soir c’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant », a réagi l’acteur. « Je vais partir, mais je ne partirai pas sans vous remercier ».

« Si je suis une star, et c’est pour ça que je veux vous remercier, c’est au public que je le dois et à personne d’autre », a-t-il ajouté, soulignant qu’il pensait aussi à deux des femmes de sa vie, les actrices Mireille Darc et Romy Schneider.

Auparavant, l’icône du cinéma français des années 60 et 70 avait foulé le tapis rouge de Cannes au son notamment de la musique du Clan des Siciliens d’Henri Verneuil. Portant au revers de sa veste un badge représentant la couverture du magazine Paris Match de la naissance de sa fille, il avait longuement salué la foule et signé quelques autographes.

Pétition

Cette journée d’hommage avait commencé en fin de matinée par une masterclass au cours de laquelle il avait évoqué pendant près d’une heure et demie ses souvenirs de cinéma.

Il en avait profité pour rendre hommage aux femmes qui lui ont permis de devenir acteur. « Ce sont les femmes qui m’ont aimé, qui m’ont fait faire ce métier, qui ont voulu que je le fasse et qui se sont battues pour que je le fasse », a lancé celui qui a tourné avec Visconti, Melville ou Antonioni.

Cette Palme d’or a été précédée d’une polémique, déclenchée avant même le début du Festival. Des féministes ont reproché à l’acteur d’être « raciste, homophobe et misogyne », selon les termes de l’association américaine Women and Hollywood, s’appuyant sur des propos qu’il a tenus jadis. Une pétition, qui a recueilli plus de 25 000 signatures, a aussi demandé à Cannes de « ne pas l’honorer ».

« On n’est pas obligé d’être en accord avec moi. Mais il y a une chose au monde dont je suis sûr, dont je suis fier, vraiment, une seule, c’est ma carrière », a déclaré l’acteur en recevant son prix. « Cette Palme d’or, on me l’a offerte pour ma carrière et pour rien d’autre, et c’est pour ça que je suis fier ».

Dans Le Journal du dimanche, il s’était efforcé de répondre à ses détracteurs, leur reprochant d’avoir « inventé des déclarations ».  

« Alain Delon n’a pas peur de déplaire, de se tromper, et n’a pas peur d’être seul », a souligné dimanche soir Thierry Frémaux, indiquant que le Festival serait « toujours du côté des artistes ».

Relations mouvementées

S’il a accepté de recevoir cette Palme d’honneur, Alain Delon a toujours entretenu des relations mouvementées avec le Festival de Cannes.

Il était venu pour la dernière fois sur la Croisette en 2013 pour la projection d’une copie restaurée de Plein Soleil de René Clément, après avoir présenté en 2010 une version restaurée du Guépard.  

Mais avant cela, le comédien au caractère ombrageux avait boudé pendant dix ans le Festival, vexé de ne pas avoir été invité aux célébrations du 50e anniversaire en 1997.  

 Alain Delon est venu en compétition à Cannes pour la première fois en 1961 pour Quelle joie de vivre de René Clément, puis pour L’Eclipse de Michelangelo Antonioni en 1962, Prix du jury, et Le Guépard de Luchino Visconti, Palme d’or 1963.

Mais en 1976, Monsieur Klein de Joseph Losey avait été froidement accueilli, provoquant une première fâcherie.