Agacée par la sortie publique de Claude Chamberlan, cofondateur et ancien dirigeant du Festival du nouveau cinéma (FNC), l’actuelle direction de l’événement ne manifeste pourtant pas d’inquiétude et désire aller de l’avant.

« C’est blessant et inutile. Mais j’ai reçu beaucoup de témoignages de soutien, dit l’actuel directeur général du FNC, Nicolas Girard Deltruc, en entrevue téléphonique depuis Cannes. Mais si je mets de l’huile sur le feu, cela va créer un préjudice au festival. »

« Actuellement, les choses vont super bien. D’ailleurs, c’est probablement une des raisons qui exaspère le bon Chamberlan, dit Jacques Méthé, président du conseil d’administration du FNC. […] En ce qui nous concerne, il n’y aura pas de suite. À moins qu’il y ait escalade. »

« Notre approche est simple : on attend que ça finisse. […] Nous ne sommes pas, personne, tentés de perpétuer des guéguerres. Ce n’est pas ça que je fais dans la vie. » - Jacques Méthé, président du conseil d'administration du FNC

La semaine dernière, M. Chamberlan a envoyé une lettre enflammée à de nombreux journalistes et personnes influentes du milieu cinématographique. Dans celle-ci, il dénonçait une série de départs, par renvois ou par dépit, de plusieurs employés, dénonçait un « climat de peur et d’intimidation » instauré par Nicolas Girard Deltruc, évoquait du même souffle un « climat toxique » et une campagne de « salissage » contre l’ancienne garde.

Le magazine spécialisé Qui Fait Quoi a publié la lettre dans son intégralité le jeudi 9 mai. Samedi, le quotidien The Gazette a publié un article sur l’affaire avec le témoignage de M. Chamberlan et ceux de quelques anciens employés qui sont partis, dégoûtés par le climat malsain ou par l’attitude de MM. Girard Deltruc et Méthé à leur égard.

Tensions entre Chamberlan et Girard Deltruc

Tant Jacques Méthé que Nicolas Girard Deltruc affirment que la lettre de M. Chamberlan s’appuie sur des conflits survenus dans le passé et n’est aucunement le reflet de la situation actuelle.

Jacques Méthé reconnaît sans détour qu’il existait un climat de tension et de conflit de personnalités entre MM. Chamberlan et Girard Deltruc. C’est pour ça, d’ailleurs, qu’il avait été appelé en renfort à la fin de 2017.

PHOTO FOURNIE PAR NICOLAS GIRARD DELTRUC

Nicolas Girard Deltruc (au centre) et Vanessa Redgrave (deuxième à partir de la gauche) lors de l’édition 2017 du FNC.

« Après l’édition d’octobre 2017, les coprésidentes du conseil d’administration Denise Robert et Liliana Komorowska m’ont engagé afin que je serve de courroie de transmission entre les employés et le conseil. Il me fallait démêler tout ça. » 

« C’était un peu le bordel. Ça avait l’air d’une grosse garderie sans moniteur depuis une semaine. »

« Durant deux jours, je suis allé écouter ce que les personnes avaient à dire de cette situation. La perception générale que j’ai eue est que les gens voulaient que ça finisse », ajoute-t-il.

Quelques mois plus tard, M. Méthé accepte une offre de se joindre au conseil d’administration, dont il devient président en avril 2018. Il a confirmé de façon claire Nicolas Girard Deltruc dans sa fonction de directeur général et a proposé à M. Chamberlan, qui avait annoncé son départ après l’édition de 2017, un « truc ponctuel » pour 2018.

« M. Chamberlan est allé à Cannes. Cela faisait partie de l’entente. Il a suggéré un certain nombre de films. Il en a parrainé un ou deux. Mais entre lui et moi, les choses ont été pénibles. Il a été franchement désagréable. À la fin de 2018, on lui a dit : c’est terminé. »

La Presse : Qu’est-ce qui a été désagréable avec M. Chamberlan ?

Jacques Méthé : « Tout. »

Vanessa Redgrave

Dans l’article paru dans The Gazette, Claude Chamberlan affirme que Nicolas Girard Deltruc a été très désagréable avec la comédienne Vanessa Redgrave, invitée à l’édition de 2017, parce que cette dernière aurait refusé de se faire prendre en photo avec lui.

Nicolas Girard Deltruc réfute cette allégation et nous envoie illico une photo de lui avec l’actrice. « Elle est venue avec son fils et nous les avons amenés à l’Auberge Saint-Gabriel. Elle a voulu manger uniquement des pommes de terres à l’eau pour être proche des gens pauvres. Je suis allé voir le cuisinier, elle a reçu ses pommes de terre et elle s’est mise à râler en disant qu’elles n’étaient pas bonnes. Moi, je n’ai rien dit. Après, j’ai dit que ce serait bien qu’on prenne des photos. Elle ne voulait pas, mais son fils lui a dit que ce serait bien. Elle en a pris aussi ! »

M. Girard Deltruc reconnaît par ailleurs, comme il est écrit dans la lettre de M. Chamberlan, que le FNC a dépensé, sur deux années, quelque 110 000 $ en frais juridiques dans la foulée de la syndicalisation des employés à la CSN.

« Parce qu’il nous fallait mettre un cadre juridique autour d’un groupe de personnes qui n’avait jamais été syndiqué avec de nombreux cas individuels, dit-il. Le jugement de la juge fait office de jurisprudence dans le domaine des festivals. Il fallait déterminer qui pouvait être syndiqué et qui non. Autrement, les négociations avec la CSN vont bien. »

La CSN n’a pas voulu se prononcer, si ce n’est que pour dire que les discussions progressent, que tout le monde est à la table et qu’on négocie.

Enfin, l’affaire a fait assez de bruit pour attirer l’attention de la SODEC, un des organismes publics subventionnaires du festival. Dans un courriel adressé à La Presse hier en fin d’après-midi, la SODEC a fait savoir qu’elle avait l’intention de s’entretenir avec le conseil d’administration. À Téléfilm Canada, autre organisme subventionnaire, on nous dit que si le FNC dépose une demande de subvention cette année, il devra respecter toutes les règles du programme et démontrer qu’il respecte toutes les règles de bonne gouvernance.