(Paris) Alain Delon, à qui le Festival de Cannes s’apprête à remettre une Palme d’or d’honneur, a connu des rapports mouvementés avec le plus grand rendez-vous mondial du 7e Art, qui ne l’avait jamais récompensé jusqu’à présent.

« Nous sommes heureux qu’Alain Delon ait accepté d’être honoré par le festival. Il a pourtant longuement hésité », a indiqué le délégué général du festival, Thierry Frémaux.

Venu pour la dernière fois en 2013 pour la projection d’une copie restaurée de Plein soleil de René Clément, le comédien français de 83 ans avait aussi fait l’aller-retour à Cannes en 2010 pour présenter la version restaurée du Guépard.

Mais l’acteur star - connu pour ses emportements, ses provocations et son ego hypertrophié - a également beaucoup boudé le festival tout au long de ses six décennies de carrière.

C’est pourtant à Cannes qu’il a mis un premier pied dans le cinéma en 1957, invité par Jean-Claude Brialy qu’il avait rencontré à Saint-Germain des Prés à Paris.

Jeune homme au physique avantageux, sans formation d’acteur, Delon va s’y faire remarquer. Après un essai concluant, sa carrière sera lancée.

« C’est à Cannes qu’il a eu la révélation du cinéma. Le festival va être le tremplin de sa carrière », souligne le journaliste Bernard Violet, auteur en 2000 d’une biographie de la star.

Réquisitoire au vitriol

L’icône du cinéma français des décennies 1960 et 1970 monte pour la première fois les marches cannoises en 1961 pour Quelle joie de vivre de René Clément, en compétition.

Il y vient ensuite à six autres reprises, notamment pour deux de ses plus grands rôles, L’éclipse de Michelangelo Antonioni en 1962, Prix du jury, et Le guépard de Luchino Visconti, Palme d’or 1963, avant Monsieur Klein de Joseph Losey en 1976.

Mais ce dernier film est froidement accueilli, vexant l’acteur au caractère orageux. Cette première fâcherie avec Cannes s’amplifie en 1984, quand Notre histoire de Bertrand Blier, dans lequel il joue, n’est pas sélectionné.

L’acteur se livre alors à un réquisitoire au vitriol contre les responsables du festival, accusant « les pouvoirs publics » et ceux qui « ont donné le pouvoir de décision à des personnages qui sont l’expression du gâtisme intellectuel et cinématographique ».

Il faudra attendre la présence en compétition de Nouvelle vague de Jean-Luc Godard, en 1990, pour qu’il fasse un retour à Cannes en fanfare.

Arrivé en jet spécial à Nice, il prend alors une voiture puis un hélicoptère pour rejoindre l’extrémité de la Croisette, où l’attend son nouveau bateau. Il débarquera ensuite sur la plage pour prendre un bain de foule avant la projection, créant une vive animation.

En 1992, l’acteur, qui aime tester sa popularité, récidive en se rendant à pied à la projection du Retour de Casanova d’Edouard Niermans, soulevant une nouvelle fois l’enthousiasme de la foule.

Retrouvailles en 2007

Mais cette nouvelle idylle n’est que de courte durée. En 1997, il n’est pas invité, tout comme Jean-Paul Belmondo, aux célébrations du 50e anniversaire du festival, ce qui suscite son courroux.

Il boudera à nouveau le festival pendant dix ans. En 2006, il déclare même qu’il ne montera « plus jamais les marches ».

Les retrouvailles sont pourtant célébrées en 2007, alors qu’il est invité pour le 60e Festival. « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! », commente-t-il, arborant un badge marqué « star » et enflammant à nouveau la foule.

Si la Palme d’honneur qu’il s’apprête à recevoir apparaît comme un juste retour des choses pour le légendaire comédien du Guépard, elle hérisse certaines féministes.

La fondatrice du groupe de pression Women and Hollywood, Melissa Silverstein, a déclaré au magazine Variety être « très déçue » que Cannes honore celui qui a reconnu avoir giflé des femmes et qualifié l’homosexualité de « contre-nature ».

Pour l’association française Osez le féminisme, « Cannes envoie un signal négatif aux femmes et aux victimes de violences en honorant Delon ».