(Bruxelles) Nullement blasés, toujours excités : le Festival de Cannes est toujours «une nouvelle aventure» pour les frères Dardenne, dont le dernier film Le jeune Ahmed sera en compétition cette année.

Déjà récompensés par deux Palmes d’or - Rosetta (1999) et L’enfant (2005) — les frères belges sont bien conscients que la barre est très haute pour une troisième Palme qu’aucun réalisateur n’a jamais obtenue. «On part avec un lourd handicap», plaisante Jean-Pierre Dardenne en entrevue.

Pour un film, «Cannes peut être un amplificateur ou un Terminator. En espérant que ce ne soit pas la version Terminator que nous allons vivre» — une mauvaise réception par les journalistes — Cannes «ne peut qu’être bien pour le film», ajoute-t-il.

Pour ce nouvel opus qui offre une huitième sélection à ces vétérans de la Croisette, Jean-Pierre et Luc Dardenne (nés en 1951 et 1954) ont tourné avec de très jeunes acteurs non professionnels.

«C’est un grand plaisir de découvrir pour la première fois un visage qui n’a jamais été filmé, de le voir vivre à l’écran. Le garçon de 12 ans et demi et la jeune fille de 13 ans et demi ont été formidables. On ne dirige pas de très jeunes adolescents, il faut mettre un climat autour d’eux pour qu’ils sentent ce qu’on cherche. Ils ont cette sensibilité extraordinaire», confie Luc Dardenne.

Sans rien dévoiler du film qui traite de la radicalisation islamiste d’un adolescent, Jean-Pierre Dardenne se contente de dire : «On ne fait pas un film sur un thème, on fait un film sur des personnages, on raconte l’histoire d’un enfant».

Sur le sujet controversé de la participation de films produits par Netflix dans les festivals, les frères Dardenne estiment que Cannes peut mener à bien cette négociation.

«Berlin (La Berlinale) n’a pas le poids, Venise n’a pas le poids pour négocier ça», estime Luc Dardenne.

Après l’édition 2017 où Netflix avait présenté deux films en compétition sur la Croisette, Cannes a imposé l’obligation de sortir en salle pour être en compétition. De son côté, la Mostra de Venise a donné son Lion d’or en 2018 à Roma, distribué par la plateforme américaine.

«Le Festival de Cannes peut être un moment où les questions Netflix apparaissent de la façon la plus aiguë. Les cinéastes produits par Netflix et qui veulent venir à Cannes vont aussi faire des pressions sur Netflix. Il faudra sans doute que les lois françaises changent. Il va falloir trouver d’autres fenêtres, une autre chronologie», estime Luc Dardenne.

«Les cinéastes américains veulent montrer leur film à Cannes. Cannes est un mythe pour eux. Avec l’arrivée de Disney (qui va lancer son propre site de streaming) et d’autres grandes plateformes, Nexflix va devoir réfléchir sérieusement», ajoute le cinéaste, partisan d’une sortie de trois mois dans les salles avant «tout autre type de diffusion».