Il a reçu un Oscar et un prix d'interprétation à Cannes, et est demandé dans le monde entier. Mais l'acteur Javier Bardem regrette de ne pas recevoir davantage de propositions de films en Espagne, a-t-il confié à l'AFP, en marge du Festival de cinéma espagnol de Nantes.

«Je travaille moins en Espagne que ce qui me plairait. Je ne reçois pas de projets, parce que les gens pensent toujours que je vis à l'étranger, ou que j'ai des rémunérations stratosphériques, ce qui n'est pas la réalité», a indiqué dans un entretien avec l'AFP l'acteur espagnol lors de ce festival qui lui rend hommage, et où il présente plusieurs de ses films jusqu'à mercredi.

«Si c'est un film où il y a de l'argent, j'essaierai qu'on me paie, et sinon on trouvera une autre formule», a ajouté le comédien, qui habite dans la banlieue de Madrid avec sa femme Penélope Cruz et leurs deux enfants.

«Je m'adapte», résume l'acteur de tout juste 50 ans, qui joue aujourd'hui aussi bien dans des films d'auteur européens que dans des blockbusters hollywoodiens, comme Pirates des Caraïbes: la vengeance de Salazar (2017).

Celui qui a commencé sa carrière en Espagne dans les années 90, avec les réalisateurs Bigas Luna et Pedro Almodovar, tourne actuellement dans le film américain Dune de Denis Villeneuve, deuxième adaptation du roman éponyme après celle de David Lynch, dont le tournage a commencé en mars.

Il a aussi joué fin 2018-début 2019 dans le nouveau film de la réalisatrice anglaise Sally Potter (The Party), un drame familial avec Elle Fanning et Salma Hayek. «C'est un défi, parce que c'est une histoire complexe», commente-t-il. «Mais parler de films qui sont en montage est difficile».

Figure du macho

L'acteur - récompensé en 2008 par l'Oscar du meilleur second rôle masculin pour No country for old men, et en 2010 par le prix d'interprétation à Cannes pour Biutiful - reconnaît qu'il y a un «aspect romantique dans le fait d'être assis devant un grand écran» mais n'exclut toutefois pas de jouer dans un film Netflix.

«Les plateformes comme Amazon et Netflix sont en train de produire un cinéma que les studios se refusent à produire», juge-t-il. «Roma (d'Alfonso Cuaron, Lion d'or à Venise) est le cas le plus emblématique, ou le dernier film de Scorsese (The Irishman)».

Après près de 30 ans de carrière et pas loin de 50 films, Javier Bardem n'envisage pas en revanche de se tourner vers la réalisation, comme certains acteurs.

«Jouer est une preuve de confiance et d'énorme générosité. On offre son travail pour qu'ensuite quelqu'un d'autre s'en empare et le manipule, et pas toujours pour le meilleur.  Je comprends qu'un acteur dise "maintenant, je veux mettre en scène et transformer mon travail"», reconnaît-il.

«Mais mettre en scène, c'est bien plus que ça, c'est un travail extraordinairement difficile. Je ne me sens pas capable de le mener à bien. Et en plus, je n'en ressens pas la nécessité».

Incarnation à ses débuts du macho latin chez Bigas Luna, qui l'a fait jouer tour à tour un rôle d'homme viril dans Jambon, jambon (1992) puis d'homme d'affaires playboy dans Macho (1993), Javier Bardem souligne que ces deux films «se moquaient» de cette image de mâle viril arrogant, car «Bigas Luna avait un grand sens de l'humour».

Mais pour lui, cette figure du macho espagnol dont s'amusaient ces films n'a «pas beaucoup changé» dans la société.

«Le macho reste d'actualité, tout comme le "je fais comme ça me chante" et "vous ne savez pas à qui vous avez affaire". Malheureusement, la violence sexiste atteint des niveaux alarmants», regrette-t-il.