(Venise) Loin des paillettes, les cinéastes se penchent à la Mostra de Venise sur les problèmes économiques du monde, qu’ils tentent de rendre accessibles : scandale des Panama papers pour Steven Soderbergh, crise grecque chez Costa-Gavras.

Dans The Laundromat, film Netflix présenté dimanche en compétition pour le Lion d’or, l’Américain Steven Soderbergh s’intéresse à un sujet a priori ardu, le scandale financier parti de Panama qui avait secoué le monde en 2016.

Cette fuite de 11,5 millions de documents, issus des archives du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, avait permis de mettre en lumière l’argent caché par des dirigeants politiques, des sportifs ou des personnalités du spectacle via des sociétés offshore.

Le réalisateur a choisi d’aborder cette histoire par le biais d’une comédie grinçante mettant en scène le destin d’une Madame Tout-le-monde, incarnée par Meryl Streep.

Après la mort accidentelle de son mari, confrontée à une fraude à l’assurance, cette veuve va commencer à mener une enquête, qui la mène sur la piste du cabinet des avocats Jürgen Mossack (Gary Oldman) et Ramon Fonseca (Antonio Banderas).

« Ce type de corruption est le problème clé de cette époque, avec le changement climatique », a expliqué Steven Soderbergh en conférence de presse.

Mais, a indiqué le cinéaste, qui s’est notamment inspiré de Docteur Folamour de Stanley Kubrick sur la guerre froide, « nous avons décidé que l’humour noir était ce qui aurait le plus de chances de marquer la mémoire des spectateurs ».

Dans le film, adapté d’un livre du journaliste Jake Bernstein, les deux avocats, exagérément élégants et séduisants, guident les spectateurs entre les séquences.

Ils leur donnent au passage un petit cours d’économie simplifié pour expliquer l’évolution financière mondiale depuis la préhistoire, tandis que le film fait un détour comique par la Chine, le Mexique ou Los Angeles pour des facettes différentes de ce scandale.

« Plaisanterie très sombre »

« C’est un façon divertissante, rapide et drôle de raconter une plaisanterie très, très sombre », a souligné Meryl Streep, avant d’ajouter gravement : « C’est un crime qui n’est pas sans victimes. Et beaucoup de ces victimes sont des journalistes ».

« Des gens sont morts », a-t-elle encore dit, citant la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, qui enquêtait sur la corruption. « C’est pour cela que ce film est drôle, mais il est très important ».

Autre sujet difficile à traiter, la crise de la dette grecque est la star d’Adults in the room du Franco-Grec Costa-Gavras,  projeté hors compétition.

Cette adaptation du livre Conversations entre adultes, dans les coulisses de l’Europe, de l’ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, suit le personnage de cet homme politique (joué par Christos Loulis) à travers les méandres de la crise de 2015.

Le réalisateur engagé, 86 ans, explique avoir eu des difficultés financières à monter son film sans stars internationales, « sans histoire d’amour, sans poursuite de voitures, et sans violence », a-t-il plaisanté auprès de l’AFP.

Défi de taille, il tente de rendre son sujet divertissant, même s’il raconte le bras-de-fer de l’ex-ministre avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international principalement à travers des réunions, notamment celle de l’Eurogroupe réunissant les ministres des Finances de la zone euro.

« Je pense qu’on peut trouver des moyens de faire du spectacle, et raconter quand même ce qui se passe. Il suffit de respecter l’éthique des situations, des personnes », souligne-t-il.

S’il dit « vouloir juste montrer » les choses, le cinéaste n’a cependant pas pu s’empêcher de faire part de ses critiques, lors de la conférence de presse, sur les orientations actuelles de l’Europe, devenue, selon lui, « un empire néo-libéral ».

« Et il a un problème, c’est que les 15 dernières années il a été très très mal dirigé par des hommes qui n’étaient pas à la hauteur », a-t-il ajouté, citant les deux derniers présidents de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Barroso et le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.  

« J’espère que la nouvelle (présidente de la Commission Ursula von der Leyen), qui est Allemande, va changer les choses », a-t-il dit.