(Paris) Le nouveau film de Danny Boyle, inspiré de la musique des Beatles, ressemble étrangement à une bande dessinée du même titre, parue en France il y a huit ans. Son auteur, David Blot, ne veut surtout pas parler de « plagiat », mais n’en pense pas moins…

Imaginez un monde où, soudainement, personne ne connaîtrait l’existence des Beatles, à part vous. Imaginez que, voyant cela, vous décidiez de vous approprier l’œuvre des Fab Four, et d’en tirer profit. Imaginez que, désormais célèbre, cette imposture vous culpabilise à mort…

Cette improbable histoire est bien sûr celle de Yesterday, le nouveau film de Danny Boyle, qui a pris l’affiche vendredi à grand renfort de publicité.

Le hic, c’est que cette improbable histoire est aussi celle de Yesterday, bande dessinée signée David Blot (scénario) et Jérémie Royer (dessins), parue en France en 2011.

Il y a bien quelques différences : Yesterday le film se déroule de nos jours après une panne d’électricité mondiale, alors que Yesterday la BD est une histoire de voyage dans le temps qui se passe en 1961.

Mais ils sont de plus en plus nombreux, depuis la sortie du film, à souligner les troublantes similitudes entre les deux œuvres : même prémisse, même titre, même groupe rock, même prénom de l’héroïne (Eli) et, bien sûr, mêmes enjeux moraux.

Il y a de quoi se questionner…

David contre Goliath

Un journaliste du magazine Première avait déjà soulevé toutes ces ressemblances en avril 2018, alors que le film était en production.

Maintenant que le long métrage est sorti, d’autres médias se sont emparés de l’histoire, certains n’hésitant pas à parler de « plagiat ».

Joint au téléphone, l’auteur de la BD, David Blot, évite pour sa part d’utiliser des mots aussi forts. Il préfère d’ailleurs « ne pas commenter » la situation et évite autant que possible de parler du film.

Mais il ne cache pas que cette histoire le choque et l’« emmerde » profondément.

Blot, qui est aussi animateur à Radio Nova, évoque notamment ce jour de février, où il a vu passer, pour la première fois, la bande-annonce du film britannique.

Un ami m’a envoyé le lien cinq minutes avant que j’entre en ondes. Je l’ai regardé et j’ai fait : « Putain ! Putain ! Putain ! » Les gens autour de moi croyaient que quelqu’un était mort dans ma famille !

David Blot

Maintenant que le film est à l’affiche, il a choisi de rester cool. Au lieu de s’agiter pour faire entendre sa « stupeur », David Blot s’est contenté de mettre en ligne l’intégrale de sa BD (qui n’était plus disponible depuis que son éditeur a fait faillite), une façon comme une autre de passer son message sans accuser qui que ce soit. Pas d’attaque frontale, pas de déclaration de guerre : David joue de prudence contre Goliath.

« Je ne suis pas Universal, le business et le corporate. Je n’ai pas d’éditeur… Je suis tout seul, tout seul et je ne veux pas d’emmerdes. »

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES

Couverture de la BD Yesterday, de David Blot (scénario) et Jérémie Royer (dessins)

Ça ne l’empêche pas de « discuter » à gauche et à droite avec des avocats et des spécialistes du droit d’auteur. « Des gens me joignent à ce sujet », dit-il.

Mais, pour l’instant, pas question de partir en croisade légale. « Tout est possible, bien sûr », mais il admet que cette partie des choses l’excite « beaucoup moins » que de republier sa BD ou de la pousser sur l’internet dans l’espoir de lui donner une seconde vie, rare conséquence positive de cette fâcheuse affaire.

« J’ai déjà le scénario pour la suite », ajoute-t-il, en précisant que Yesterday n’était que le premier tome d’une série appelée Les aventures de John Duval & The Futurians.

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES

Affiche du film Yesterday, de Danny Boyle

Pas de réaction

Outre-Manche, enfin, toujours pas de réaction. Il serait étonnant que les artisans du film, dont le réalisateur Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionaire) et le scénariste Richard Curtis (Four Weddings and a Funeral), n’aient pas été mis au courant de cette improbable ressemblance. L’affaire, qui fait le tour des réseaux sociaux, a notamment été reprise par Variety et IndieWire, deux gros médias américains spécialisés dans l’industrie du cinéma.

Il est ironique, tout de même, qu’une telle « coïncidence » concerne un film traitant, justement, de propriété intellectuelle… Mais David Blot, lui, ne la trouve pas drôle. Et ne sait toujours pas s’il ira voir le film, qui prendra l’affiche en France dans quelques jours.

« Riez, si vous voulez, dit-il, mais j’angoisse dans les salles de cinéma. »

Dans ce cas précis, on peut comprendre…