(La Rochelle) « Le vert n’est pas vert ! », résument les journalistes Guillaume Pitron et Jean-Louis Pérez. Les deux hommes sont les auteurs d’un documentaire, présenté à La Rochelle et qui sera diffusé sur Arte, qui explore la face cachée des énergies vertes.

Pendant un an, les deux hommes ont parcouru une dizaine de pays, en Afrique, Asie ou dans les Amériques, pour filmer Le côté obscur des énergies vertes, un documentaire de 90 minutes coproduit par la chaîne franco-allemande et la RTBF.

Toujours en cours de montage, le film a été présenté au marché international du film documentaire Sunny Side of the Doc qui, depuis lundi jusqu’à jeudi et depuis 30 ans, rassemble documentaristes, producteurs et acheteurs de programmes.

Voitures électriques, éoliennes, panneaux solaires… La promesse d’un monde meilleur, libéré des énergies fossiles, est un « mythe », disent les auteurs selon qui le monde subit désormais une nouvelle « dépendance » aux métaux rares, que les nouvelles énergies utilisent.

Les énergies vertes, « c’est surtout un business qui en remplace un autre », affirme à l’AFP Jean-Louis Pérez. « Le vert n’est pas vert », ajoute Guillaume Pitron, également auteur de La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique (Les liens qui libèrent, 2018).

Pour évaluer la qualité d’un produit vis-à-vis de l’environnement, « il ne faut pas regarder que la consommation d’une voiture électrique, sinon on passe à côté des pollutions délocalisées », dit M. Pérez.

Les « villages des cancers »

« Il faut adopter une approche globale pour prendre en compte tout le cycle de vie, de la construction à la destruction. Par exemple l’électricité est produite à 38 % par le charbon dans le monde. Or le charbon n’est pas la solution. Sans parler du problème du stockage de l’électricité », ajoute-t-il.

Les deux cinéastes ont filmé un lac artificiel de couleur complètement noire en Mongolie. « Il est pollué par les rejets des usines de raffinage de terres rares », disent-ils.

Dans l’Heilongjiang, « nous avons visité les “villages des cancers”, liés à l’extraction du graphite. Des villages vides où il ne reste qu’une ou deux personnes qui témoignent », disent-ils.

Car les batteries électriques et les objets numériques ont besoin de cobalt, de graphite, de tungstène, de lithium et des terres rares (lanthame, cérium, yttrium, etc.).

Ce besoin de ressources entraîne également des conséquences économiques. « On va changer de dépendance », dit M. Pérez, « on était dépendant des pays du Golfe pour le pétrole, on le sera de la Chine qui détient près de 90 % des terres rares ».

Guillaume Pitron redoute pour sa part « l’électro-monarchie en train de naître, la Chine, qui est le premier pays producteur de voitures électriques et premier pays consommateur ».

Les « Chinois sont très intelligents. Les Saoudiens n’ont jamais vendu de voiture avec le plein, mais les Chinois vendent des voitures électriques avec des batteries contenant des métaux rares », ajoute-t-il.

Les conséquences sont aussi sociales, les unités de production européennes n’étant pas compétitives face à la concurrence asiatique. « C’est un Français, Michel Armand, qui a inventé la batterie électrique au lithium, qui fait référence aujourd’hui. Mais l’industrie s’est développée en Chine ».

Pour autant, le tandem se veut optimiste. « La matière première va manquer. Le côté positif, c’est que l’on va apprendre à davantage recycler », assurent les deux hommes.