En marge d’un tapis rouge et d’un possible discours sur scène, à quoi ressemble la journée d’un ou d’une artiste nommé dans un gala ? C’est ce que La Presse a voulu savoir. Nommée hier au Gala Québec Cinéma pour son rôle éponyme dans La Bolduc, la comédienne Debbie Lynch-White s’est prêtée avec joie à cet exercice. Récit en mots et en images.

11 h 59

Il pleut abondamment dehors lorsque Debbie Lynch-White et sa femme Marina Gallant arrivent devant le poste d’accueil de Radio-Canada, boulevard René-Lévesque. La comédienne est une des premières artistes arrivées, car elle participe, avec Irlande Côté, 10 ans, qui jouait dans Une colonie de Geneviève Dulude-De Celles, au numéro d’ouverture.

« J’ai oublié mes vêtements de la soirée, glisse Marina à Debbie.

– À la maison ? s’inquiète la comédienne.

– Non, dans l’auto.

– Ouf ! J’ai eu peur », lance Debbie en posant une main sur son cœur.

Plus tard, elle confie avoir la mauvaise habitude d’être à la dernière minute les matins de gala. « Ce n’est pas mon cas d’ordinaire, dit-elle. Il y a une récurrence chez moi avec les galas : je suis tout le temps f****** dernière minute, dit-elle en entrevue alors qu’elle se fait coiffer. La preuve : ma robe n’est pas encore arrivée ! Et hier, elle n’était pas terminée. Chaque fois, je me dis que je vais me prendre d’avance. Mais je suis le genre à m’acheter une paire de souliers et, pour une raison ou une autre, je vais retourner m’en acheter une nouvelle paire la veille. »

12 h 15

Nous prenons le chemin du sous-sol de la grande tour. Dans le local C42-62 qui sert de petite loge, Debbie Lynch-White rencontre Irlande Côté. Toutes deux répètent leur numéro. Debbie complimente sa jeune collègue et lui pose toutes sortes de questions. Une recherchiste de Radio-Canada fait irruption et leur explique comment les choses vont se passer. « On ne souhaite pas que les spectateurs sachent à l’avance que vous allez intervenir. Il y a donc un micro sous la table devant vous que vous allez prendre à la dernière minute pour chanter. »

12 h 50

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Guylaine Tremblay et Debbie Lynch-White

Avec quelques minutes de retard sur l’horaire annoncé, on amène Debbie et Irlande dans le studio 42, où aura lieu le gala. Quelques dizaines de personnes s’y trouvent et préparent la générale. Assise dans une section surélevée, la comédienne nous lance : « J’ai l’impression de me trouver dans les loges du TNM. » Quelques minutes plus tard, elles échangent quelques mots avec Guylaine Tremblay, une de deux animatrices, et avec Brigitte Poupart, qui signe la mise en scène. Incidemment, ces deux comédiennes sont nommées dans la même catégorie, Brigitte Poupart pour son travail dans Les salopes ou le sucre naturel de la peau.

13 h 15

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Debbie Lynch-White

Debbie reprend son segment chanté d’une dizaine de secondes. N’est-ce pas un peu dommage d’être sollicitée durant presque deux heures (elle est arrivée à midi et quittera le studio 42 vers 13 h 45) pour répéter un segment aussi court ? lui demande-t-on. « C’est souvent comme ça, dans le “hurry up and wait”, que ça se passe dans le métier, rappelle-t-elle. Souvent, on attend longtemps durant la répétition pour faire un petit truc, mais c’est important que tout le monde soit là. Ceux qui organisent le gala doivent voir le numéro au moins une fois pour constater comment il se passe. Les journées de gala, les horaires sont très serrés, mais tout est toujours bien prévu. »

14 h 28

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Debbie Lynch-White et Martin Alarie

Après une pause, on nous amène dans une salle réservée à la coiffure, aux costumes et au maquillage (le CCM, dans le jargon du métier). Assise dans une des chaises, Debbie se fait coiffer par Martin Alarie, avec qui elle a visiblement des atomes crochus. Un peu plus loin, sa conjointe Marina se fait maquiller par Richard Bouthillier. « Chaque étape dure environ une heure et ensuite, on change de chaise, indique Debbie. Normalement, ça ne se passe pas comme ça. Martin et Richard ou d’autres personnes avec qui je travaille viennent à la maison. Je leur prépare des petits fromages, etc. Mais aujourd’hui, en raison de la répétition, je n’avais pas le temps de retourner à la maison. J’aurais perdu deux heures dans ma journée. »

14 h 35

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Debbie Lynch-White et Martin Alarie

En se faisant coiffer et maquiller, Debbie Lynch-White a le temps de relaxer. Elle fait confiance aux gens avec qui elle travaille. « Je leur montre des photos de ma robe et je les laisse beaucoup aller, dit-elle. Je propose des choses, on échange, etc. Et chaque fois, Martin me fait des choses… extravagantes ! » « On réussit à épater les gens », ajoute Martin. « J’aime m’amuser dans les galas, poursuit Debbie. J’aime arriver et la jouer big. C’est un gala. C’est chic. Je ne me coifferais pas comme ça pour aller au dépanneur. Quoique… ça ferait son effet [rires]. » On demande à Richard quel est le plus grand défi. « Que les cheveux de Debbie tiennent toute la soirée », répond-il.

17 h 24

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François Bouvier, Lyne Calvert et Debbie Lynch-White

Il ne pleut plus, mais le ciel reste menaçant. Portant une spectaculaire robe bleu électrique, une création de la designer Sonia Lévesque, Debbie Lynch-White se rend sous la tente blanche érigée à l’ouest de l’entrée principale de Radio-Canada. C’est le cocktail VIP qui précède le traditionnel tapis rouge. Tout le gratin du cinéma, acteurs et actrices, réalisateurs, producteurs, décideurs, artisans, s’y presse. Plusieurs arrivent directement du gala Artisans qui vient de se terminer à la Société des arts technologiques. Forte de cinq trophées dans les domaines techniques, l’équipe de La Bolduc est en fusion. Debbie s’entretient longuement avec le réalisateur François Bouvier. Ils prennent un égoportrait avec Lyne Calvert, arrière-petite-fille de Mary Travers, alias La Bolduc. « C’est un honneur d’être ici, dit Mme Calvert. Debbie a été incroyable sur le film. J’en ai encore des frissons. »

17 h 51

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Mathieu Parenteau-Vallée, Mario Jr Fire-Lemay et Debbie Lynch-White

Debbie et Marina ressortent de la tente, où il fait très chaud. Dehors, elles discutent avec quelques personnes, dont deux fans, Mathieu Parenteau-Vallée et Mario Jr Fire-Lemay, qui souhaitent se faire prendre en photo avec Debbie. M. Parenteau-Vallée est en préparation d’un documentaire, La chute de l’intimidation, dans lequel doit jouer M. Fire-Lemay. Marina reste en retrait. « Elle aime tellement ça, jaser avec les gens, dit Marina de son épouse. Maintenant, je la laisse faire l’épicerie toute seule. »

18 h 17

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Debbie Lynch-White et Marina Gallant

Debbie et Marina s’avancent sur le tapis rouge et prennent la pose devant les nombreux photographes installés sur des estrades de bois. Après quelques photos, Debbie part s’entretenir avec les journalistes culturels qui se trouvent derrière le grand panneau promotionnel du gala. La comédienne préfère-t-elle les tapis rouges ou les cocktails ? « Je pense que j’aime mieux le tapis rouge parce que ça respire un peu plus, dit-elle en riant. Il fait assez chaud au cocktail, et il y a beaucoup de gens. Mais les deux sont le fun et excitants parce qu’on voit les gens qu’on connaît et c’est une grosse fête. »

19 h 7

À 19 h s’amorce l’enregistrement de l’émission pré-gala dont la diffusion a lieu une demi-heure plus tard. Les deux animateurs, Herby Moreau et Claudine Prévost, accueillent entre autres quatre des cinq comédiennes nommées pour le prix de la meilleure interprétation féminine : Debbie Lynch-White, Josée Deschênes, Brigitte Poupart et Carla Turcotte (Karelle Tremblay est absente). « C’est hyper flatteur d’être en nomination. Nous avons déjà gagné, c’est une belle tape dans le dos d’être ici », dit l’interprète de La Bolduc. Interrogée sur ce qu’elle a trouvé le plus difficile durant le tournage, Debbie Lynch-White répond que ç’a été le violon. « Mais c’est le genre de rôle qui arrive une fois dans une carrière si on est chanceux. Je me suis préparée depuis plusieurs années et je suis très fière », a dit la comédienne.

22 h 19

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Debbie Lynch-White et Marina Gallant

À l’entrée de la salle de presse, Debbie Lynch-White, son Iris de la meilleure actrice dans la main droite, est dans les bras de sa femme Marina. Elles s’embrassent, se regardent les yeux dans les yeux et s’échangent quelques paroles qu’on devine tendres. Elles sont seules au monde. Et pourtant, elles sont complètement entourées de photographes et de participants au gala qui les prennent en photo. Quelques minutes plus tôt, l’interprète de La Bolduc a remporté son trophée, pour lequel les félicitations ont fusé jusque dans les coulisses. Ainsi, alors qu’Edith Cochrane et Guylaine Tremblay sortent de scène, le gala étant terminé, cette dernière, à deux mètres de la comédienne, lui lance très fort : « Bravo, Debbie Lynch-White », ce qui est accompagné de cris et d’applaudissements nourris. En allant s’asseoir dans le mid-wall, endroit réservé pour des photos de Radio-Canada, la comédienne dit que le sang lui est enfin revenu dans les mains. « Je ne sentais plus rien depuis 2 h cet après-midi », dit-elle. Après les photos, Patrick Roy, président des Films Séville, distributeur du film, et président du conseil d’administration de Québec Cinéma, vient la féliciter. « Tout se bouscule dans ma tête, lui dit la comédienne, encore essoufflée. Mais je suis très heureuse. Ça boucle bien la boucle. C’est une aventure qui avait commencé il y a quatre ans. »