(Cannes) Pour la sixième fois en lice, mais jamais sacré : Pedro Almodovar a monté les marches de Cannes vendredi avec Douleur et gloire, portrait très personnel et émouvant d’un cinéaste en crise, avec lequel il va à nouveau tenter d’obtenir la Palme d’or.

Tout de noir vêtu, habituelles lunettes de soleil sur les yeux, le cinéaste de 69 ans, icône flamboyante du cinéma espagnol depuis plus de 30 ans, a foulé le tapis rouge l’air serein et souriant. Il était au bras de ses comédiens fétiches Antonio Banderas, qui incarne le héros du film, et Penélope Cruz, en robe bleue et blanche, qui joue la mère de son personnage enfant.

« Je suis très excité », a-t-il lancé avant de fouler le tapis rouge, précédé notamment par le président du jury Alejandro Gonzalez Iñarritu et ses actrices récurrentes Rossy de Palma et Marisa Paredes.

Douleur et gloire, son 21e film, en salles en France dès vendredi soir dans la foulée de sa présentation cannoise, après être sorti en mars en Espagne, est précédé d’un accueil critique et public très positif.

Huitième collaboration entre Pedro Almodovar et Antonio Banderas-qui a commencé sa carrière au début des années 80 dans Le labyrinthe des passions, avant de tourner avec l’enfant terrible de la Movida dans La loi du désir ou Attache-moi ! –, ce film introspectif raconte l’histoire d’un réalisateur vieillissant, malade et reclus, Salvador Mallo.

Arrivé à une période difficile de sa vie, isolé, plongé dans la dépression et diverses souffrances physiques, incapable de continuer à tourner, ce cinéaste qui a connu le succès va revisiter son passé, entre les années 60, les années 80 et le présent, grâce notamment à plusieurs retrouvailles.

« Besoin de raconter cette histoire »

Impeccable dans ce rôle, Antonio Banderas, qui connaît Almodovar par cœur, joue dans ce film intime un double du cinéaste, adoptant son épaisse chevelure et ses vêtements aux couleurs franches, mais tout en se gardant de l’imiter.

« Il était le plus légitime pour interpréter le personnage, parce que beaucoup des choses dont je parle, il les connaît de première main », a expliqué le cinéaste vendredi à un petit groupe de journalistes, dont l’AFP. « Ce n’est pas le Banderas passionné, plein de brio et de bravoure si caractéristiques. C’est tout le contraire : une tonalité de jeu avec de petits gestes, minimalistes ».

Le réalisateur admet s’être mis à nu émotionnellement dans cette œuvre, dans laquelle il joue avec brio avec l’autofiction, et qui se déroule d’ailleurs dans son appartement.

« Je me reflète dans ce film davantage que dans aucun autre, mais tous mes films me représentent. C’est juste qu’aucun ne l’a fait à travers un personnage qui exerce la même profession que moi, et avec une telle ressemblance physique », a poursuivi le réalisateur, qui souligne avoir « eu besoin de raconter cette histoire ».

Cette nouvelle sélection pour Douleur et gloire sera-t-elle la bonne ? « Je ne suis pas obsédé par la Palme d’or », a déclaré Almodovar quelques heures avant sa montée des marches.

« Quand je viens à Cannes, j’aime être en compétition, ce qui est toujours plus excitant », a-t-il poursuivi. Mais « ça ne veut pas dire que je vais gagner, parce que je connais très bien les règles du jeu. J’ai fait deux fois partie du jury, et je sais comment ça fonctionne ».

Fidèle à Cannes, Pedro Almodovar était venu pour la dernière fois en compétition en 2016 pour Julieta, portrait sombre d’une mère en souffrance, avant de présider le jury l’année suivante.

Auparavant, le cinéaste à l’esthétique colorée, reconnaissable entre mille, était déjà venu quatre fois : pour Tout sur ma mère en 1999, Volver en 2006, Étreintes brisées en 2009, et La Piel que habito en 2011.

Il a été deux fois récompensé, par le prix de la mise en scène pour Tout sur ma mère et le prix du scénario et prix d’interprétation collective pour ses actrices pour Volver.